Une année 2014 sociale chargée

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Pour la première fois depuis plus de deux décennies, c’est à Marseille que l’Unim a réuni ses membres pour faire le point sur une année 2014 chargée en négociations sociales. L’année 2013 a été marquée par la survenance de dossiers sociaux « lourds en conséquences », note le rapport annuel de l’Unim. « En 2014, on est encore loin du calme après la tempête mais force est de reconnaître que le climat s’apaise quelque peu. Le temps devient plus maniable, comme on dit chez les marins. » Les dossiers de 2013 n’ont pas disparu mais ils sont appréhendés comme des dossiers de fond.

Pour l’Unim, la priorité a été donnée à la hiérarchisation des dossiers. La charge des dossiers sociaux n’a fait que s’alourdir, explique l’Unim. « Une avalanche de sujets qui poussera la profession à organiser à l’automne une bilatérale de méthode afin de hiérarchiser les urgences et de ne pas se laisser disperser », explique Xavier Galbrun.

Divergences

Sur la convention collective, le travail sera lourd. Il s’agit d’abord de terminer la négociation de l’accord de branche sur les minima conventionnels de 2013 sur les premiers mois de 2014. À peine achevé pendant l’été 2014, les négociations reviennent sur le tapis en septembre 2014 pour l’année à venir. Outre les points sur la grille des salaires, l’accord, signé par la CGT FNPD et la CGC prévoit aussi une indemnité de départ à la retraite de 0,17 mois par année de présence. Si les négociations avec les partenaires sociaux se sont avérées difficiles, cette année a eu lieu un différend entre les organisations patronales avant de mener les négociations avec les partenaires sociaux. « Derrière ce différend se profile toute la difficulté d’harmoniser les positions en intra-patronal », note le rapport annuel de l’Unim.

Autre sujet qui intervient en parallèle des négociations annuelles obligatoires, la formation professionnelle qui prévoit l’entrée de l’UPF (Union des ports de France), l’autre partie patronale, à l’OPCA Transports. L’accord se heurte à une cohérence avec l’ANI (Accord national interprofessionnel), refusé par la CGT. Pour sortir de l’impasse, les partenaires sociaux décident de signer un accord transitoire prévoyant de revenir sur le texte dès lors que l’ANI sera transposé dans la loi. De plus, la réforme mise en place par l’ANI développe une logique différente de ce que les entreprises connaissaient depuis lors. Si, par cette loi, les cotisations des entreprises en matière de formation sont diminuées, leur budget va rester à l’identique. De nombreux « problèmes techniques se posent », comme le financement des formations inférieures à 70 heures, les formations prioritaires au titre du Compte professionnel de formation et les versements volontaires à l’OPCA.

Outre ces différents dossiers, d’autres viennent s’ajouter et notamment le projet d’accord proposé par l’UPF sur la représentativité des organisations syndicales, la composition des commissions de la CCNU, le règlement intérieur de la CPNE (Commission partiaire nationale pour l’emploi) et la négociation sur les garanties minimales de prévoyance.

La pénibilité à double tranchant

Face à ces différents dossiers, l’Unim a bataillé pour « sécuriser le dispositif pénibilité ». L’organisation patronale souhaite avant tout « sécuriser le financement du dispositif pour éviter les passagers clandestins ». L’objectif est de conserver le système actuel avec un maximum de trois années d’anticipation sur la retraite. L’Unim souhaite clarifier le périmètre mais sans l’élargir. Elle a souhaité distinguer le bénéficiaire qui cotise au régime du bénéficiaire effectif qui est accepté en « portage pénibilité » avant de basculer en retraite. Toujours dans ce dossier, le recouvrement des arriérés a occupé une large partie de l’année. Après les promesses orales du gouvernement de verser 50 M€ en dix fois, le premier versement intervient finalement en décembre 2013. Dès lors, dès le mois de janvier 2014, les arriérés des entreprises sont mis en recouvrement pour la période de 2012 et des trois premiers trimestres 2013. Au final, 5 030 personnes identifiées comme bénéficiaires potentiels doivent cotiser. Un travail laborieux puisque fin mars 2014, seules six places portuaires sont à jour. Outre la pénibilité conventionnelle, la loi promulguée le 20 janvier 2014, « garantissant l’avenir et la justice du système des retraites », vient se télescoper avec le système conventionnel. La mesure phare de cette loi est le C3P (compte personnel de prévention de la pénibilité). Un dispositif « jugé trop coûteux et beaucoup trop lourd à mettre en œuvre », selon l’Unim. Devant ce front, le gouvernement confie à Michel de Virville une médiation au premier semestre 2014. L’Unim veut à tout prix éviter « la double peine » d’un cumul entre la pénibilité légale et la pénibilité conventionnelle. Pendant la conférence sociale de juillet, les avancées sont minces. L’application des critères de pénibilité est reportée au 1er janvier 2016. Au final, le rapport remis le 26 mai provoque un tollé chez les manutentionnaires car « la teneur des propositions n’est pas à la hauteur des attentes ».

Délimiter le champ d’action des ouvriers dockers

L’année 2014, riche en négociations collectives, le sera aussi sur le plan législatif national et européen. En premier lieu, les suites données à la Commission Bonny se traduisent par une proposition de loi dont la discussion à l’Assemblée nationale devrait démarrer le 26 juin. Un sujet hexagonal qui apparaît comme « une queue de la réforme de 1992 ». Le rôle de la commission présidée par Martine Bonny a été de lutter contre le dumping social, de promouvoir la CCNU et de conforter la pérennité du métier de docker. « En filigrane, il s’agit aussi de préciser le périmètre d’intervention des ouvriers dockers à partir d’un examen des textes. » Plusieurs points sont abordés par le rapport de la commission et notamment la clarification du périmètre d’emploi des ouvriers dockers. « Ce périmètre se trouve fixé à la première amenée ou à la première reprise au-delà du chargement/déchargement proprement dit. Une définition de ces notions fait malheureusement défaut dans le rapport », souligne l’Unim. De plus, ce rapport propose la signature d’une charte de fiabilité pour les implantations industrielles. En contrepartie de la manutention confiée aux entreprises de manutention, les industriels ont une fiabilité et une compétitivité assurée dans le port. Dans la proposition de loi issue de ce rapport, Christian de Tinguy, président de l’Unim, a souligné le nouveau critère de délimitation des emplois des dockers. « Elle n’est plus liée au domaine sur lequel évolue l’ouvrier mais au contrat de travail qui le lie à l’entreprise ». Quant à la charte type, elle sera définie par la loi et sera déclinée port par port tout en validant les usages des ports qui s’appliquent aux industries déjà en place.

Enfin, dernier sujet lourd à aborder lors de l’assemblée générale de l’Unim, les questions européennes ont occupé une grande partie de l’agenda en 2014. Lamia Kerdjoudj-Belkaid, secrétaire générale de la Feport, est venue faire le point sur la politique portuaire européenne. Le rapport de Knut Fleckenstein a été publié et il confirme que seule la transparence financière des ports sera au menu de ce texte. Seule ombre au tableau de ce projet, la possibilité ouverte aux autorités portuaires de réaliser des opérations de manutention portuaire, en dehors de tout service public. Une hérésie par rapport à la loi de 2008 en France. Une disposition inacceptable pour l’Unim.

Toujours en Europe, l’adoption de la directive concession inquiète la profession. Toute la problématique de ce texte est son champ d’application. Pour l’Unim, appuyé par Noëlle Lenoir, ancienne ministre en charge des questions européenne et consultante chez Kramer Levin & Associés, la manutention portuaire y est exclue en ce sens qu’il s’agit de location de terrains. Dans le projet de texte sur les services portuaires, aucune référence n’est faite à ce texte, mais la transposition en droit français doit être surveillée de près.

Revoir la gouvernance

Lors de l’assemblée générale de l’Unim à Marseille le 19 juin, Christian de Tinguy a proposé une nouvelle approche de la gouvernance des ports. « Les conseils de développement sont souvent marginalisés. Nous souhaiterions que soit créée une instance, comme un conseil des investisseurs, qui réunisse les investisseurs privés et publics et les collectivités locales pour donner un avis conforme sur le projet stratégique. » Une annonce qui a fait son effet face aux représentants de l’UPF présents dans la salle. L’argumentation du président de l’Unim repose sur l’importance des investissements publics et des investissements privés. « Sans un investissement dans l’hinterland, les sociétés de manutention ne peuvent pas se développer. Il faut que nous ayons voie au chapitre. Ce que nous demandons, c’est un esprit collaboratif. » Pour les représentants des ports, cette proposition n’est pas acceptable. « Nous serions alors aussi tentés de demander un siège dans les conseils d’administration des sociétés de manutention pour décider conjointement de leurs investissements sur le long terme dans les ports. » Un débat qui risque de se faire sur le long terme.

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