La salle de conférence no 2 était pleine de monde ce 1er avril pour assister à une énième présentation sur la « nouvelle » attractivité des ports français. Globalement, tout va presque bien dans le passage portuaire de la marchandise conteneurisée. Il reste un détail, vieux de plusieurs décennies: Le Havre et Marseille-Fos, pour citer les deux principaux ports concernés par le trafic conteneurisé, sont mal reliés à leur hinterland « lointain ». Mais ils ont tout pour réussir: une fiabilité portuaire retrouvée, une bonne productivité par portique, des réserves foncières abondantes et pas chères, des procédures douanières modernisées, des offres maritimes abondantes, pas de congestion à la porte des terminaux, une massification croissante des flux vers l’hinterland proche (300 km environ). Mais LeHavre reste un port « outsider », pour reprendre l’expression de son d.g., Hervé Martel, par rapport aux grands ports du range Nord.
Éviter les idées fausses
Intervenant en dernier, Raymond Vidil avait donc la chance de pouvoir se concentrer sur l’essentiel: « éviter les idées fausses ». Ce combat éternel a commencé par la géographie « fabuleuse » dont la France est dotée avec la 2e plus grande ZEE du monde. « La carte n’est pas un territoire », a-t-il souligné. Pour les trafics portuaires métropolitains, les 2 Mkm2 que représente la Polynésie française ne servent pas à grand-chose, 97 % de cet empire liquide sont formés par les territoires d’outre-mer (Clipperton et îles dessertes du sud de l’océan Indien comprises). Les trois façades maritimes de la France métropolitaine ont été très utiles dans les années 1960 pour faire de l’aménagement du territoire, a poursuivi le p.-d.g. de Marfret. Mais les petites façades permettent la concentration des moyens.
Certes, les ports de commerce français ont fait de réels progrès, mais comme après des élections, tout le monde se félicite d’avoir fait mieux qu’avant, a noté Raymond Vidil. Mais le vrai problème est que « nous faisons moins bien qu’ailleurs ». Après deux réformes portuaires utiles, « où est la reconquête des marchés que nos avantages géographiques extraordinaires devraient nous apporter »?
Une sorte de marinière façon Montebourg
Estimant que la logistique est le seul domaine dans lequel l’industrie peut encore faire des gains de productivité, Raymond Vidil a souhaité mettre en place une approche « patriotique » du sujet. Une supply chain« de territoire », concept à inventer selon le principe du « full french: marchandises françaises, transitaires français, ports français et (bien sûr) navires français ». Comme au bon vieux de temps d’avant les années 1960. Après trois ans de présidence à la tête du syndical patronal, Armateurs de France, Raymond Vidil n’a pas trouvé un « chef d’orchestre » capable de faire jouer ensemble tous les solistes d’excellence qui œuvrent dans le secteur du transport maritime conteneurisé.
« Oui au patriotisme mais dans les conditions de marché. Sinon, il ne restera pas de chargeur (français) », a répondu Frédéric Chabasse, président de la commission maritime de l’AUTF, par ailleurs responsable transport chez Lesafre (levures et « solutions » de panification). Très inspiré, Raymond Vidil a appelé de ses vœux la descente d’un esprit de coopération entre ports français et étrangers, rappelant qu’entre Anvers et Rotter dam, il s’échange un million de conteneurs en feedering.
Les non-dits récurrents
À aucun moment durant cette conférence, la notion de marché pertinent atteignable par tel ou tel port maritime n’a été évoquée, pas plus que la mesure de l’attractivité portuaire. Pourtant, l’association Ports de France a financé une étude intéressante intitulée « Parts de marché des ports français et trafic “transbordé” dans les ports étrangers. États des lieux » et publiée en mars 2011. Cette étude n’a pas laissé de trace visible. Elle soulignait pourtant un problème de fond: sur quelle analyse économique peut se baser une politique de développement portuaire conteneurisé réfléchie dès lors que les statistiques portant sur les trafics origine/ port d’embarquement ou port de débarquement/destination finale en Europe sont de plus en plus inexistantes.
Par contre, il n’a pas été possible d’échapper à l’affirmation selon laquelle il serait économiquement rentable de faire transiter par Fos des milliers de conteneurs destinés à l’Allemagne du Sud, par exemple. Sachant que dans le meilleur des cas, un train complet dispose d’une capacité de 80 EVP, la question est de savoir combien de temps il faudra pour évacuer un millier d’EVP et à quel coût.