Les effets de la baisse des prix du pétrole dans le contexte de l’accord avec l’Iran

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Depuis juin 2014, les cours du baril de pétrole ont été divisés par deux, soit « une baisse de prix parmi les plus importantes de l’histoire récente », a expliqué Jean-Luc Schneider, directeur adjoint du département économique de l’OCDE, le 3 avril à Paris, lors d’un atelier commun avec l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur les conséquences de cette chute depuis neuf mois. Pour Jean-Luc Schneider, les effets de la diminution des cours du pétrole sont « positifs d’un point de vue global, tout comme pour l’OCDE ». Pour l’économie mondiale, la diminution des prix du pétrole « constitue un événement positif marginal avec un gain d’un quart de point supplémentaire de croissance ». Pour la plupart des pays de l’OCDE, un prix du pétrole autour de 50 $ se traduit par un effet positif sur leur balance commerciale en pourcentage du PIB. Ces pays profitent également « d’effets positifs sur l’offre et la demande ». Côté offre, « cela entraîne une baisse des coûts de production pour un grand nombre d’entreprises dans tous les secteurs », y compris celui du transport. Côté demande, « cela entraîne une baisse de l’inflation et une progression du pouvoir d’achat des ménages, surtout pour les plus pauvres d’entre eux qui consacrent davantage de leurs revenus à l’énergie et doivent faire face à des contraintes de trésorerie ». Le constat apparaît assez simple: « Les pays importateurs profitent largement d’un pétrole à 50 $ tandis que les exportateurs souffrent. » Parmi ces derniers, les plus touchés sont l’Angola avec un repli de 23 points de son PIB, le Koweït (− 21), l’Irak (− 19), Oman (− 18), l’Arabie saoudite (− 17). Pour le Nigeria, le Qatar, l’Algérie, la Norvège, le Venezuela et la Russie, les reculs oscillent de − 7 à − 3 points de PIB, ce qui n’est pas négligeable. Il ne faut pas oublier que la baisse du prix du pétrole a des effets sur l’inflation qui peuvent être positifs ou négatifs selon les pays et leur intensité énergétique. Pour les nations émergentes, cela présente surtout des avantages tandis que pour le Japon, déjà en déflation, ou les États membres de l’UE, proches de la déflation, cela peut provoquer une spirale déflationniste. Un autre risque est un accroissement de l’instabilité financière, plus particulièrement des pays de l’OCDE vis-à-vis de la Russie dont ils sont largement dépendants pour leur approvisionnement énergétique. Sachant que les plus exposés seraient l’Autriche ou la Suisse bien davantage que la France.

Vers un nouveau marché du pétrole

La diminution des cours du baril de pétrole est d’abord la conséquence d’une surabondance de l’offre liée notamment à l’exploitation du pétrole de schiste (shale oil) aux États-Unis, a rappelé Didier Houssin, directeur des politiques et des technologies énergétiques durables à l’AIE. En novembre 2014, face à un prix du baril inférieur à 60 $, « le pari de l’Arabie saoudite » a été de maintenir la production de l’Opep au même niveau que précédemment, soit 30 Mbpj. « C’est une grande première pour ce cartel que de ne pas avoir voulu diminuer la production pour agir sur les prix »,a souligné Didier Houssin. L’Arabie saoudite estime qu’un prix du pétrole durablement fixé entre 50 $ et 60 $ finira par freiner voire même arrêter l’essor de la part du shale oildans la production mondiale. Sachant que les pays membres de l’Opep assurent actuellement environ 35 % de la production mondiale de pétrole. « Le ralentissement de la production américaine devrait être sensible d’ici à la fin de l’année 2015 », selon l’AIE. Une réduction du nombre de nouveaux forages est déjà apparue aux États-Unis, les investissements devraient aussi se réduire. Côté offre, il faut souligner que tous les pays producteurs, hors Opep, « font le choix de produire au maximum pour compenser les pertes de revenus liés au repli du prix du pétrole ». Il en va ainsi de la Russie, par exemple. « Du côté de la demande, le marché a très peu réagi à la nouvelle situation des prix », a continué Didier Houssin. Deux raisons expliquent cette situation: une reprise économique assez faible et assez lente, un dollar durablement fort qui réduit l’impact de la baisse pour les pays de la zone Euro. Pour l’AIE, la demande de pétrole devrait continuer à croître de 860 000 bpj à 1Mbpj d’ici à 2020, soit un rythme moins dynamique que sur la période 2008-2014 (1,4 Mbpj). « Il est légitime de se demander si un nouveau type de marché du pétrole ne va pas émerger, a expliqué Didier Houssin. Un rebond à 100 $ est assez peu prévisible car la flexibilité de l’offre est doublement assurée avec d’un côté le shale oil, et de l’autre le pétrole de l’Opep. Autrement dit, le marché pourrait désormais reposer sur un nouveau paradigme avec deux régulateurs au lieu d’un seul précédemment. »

Le pétrole trouverait alors un nouveau plafond, éventuellement aux alentours de 60 $. Sachant que « le rôle de l’Opep a toujours été de fixer un prix plancher et non pas un plafond ». Pour l’AIE, il faut aussi relever que « l’offre présente une forte élasticité mais pas la demande ». Cela signifie qu’aujourd’hui l’offre peut varier assez aisément à la hausse ou à la baisse tandis que la demande ne peut être réduite aussi facilement. Par exemple, la demande dans le secteur des transports demeure, à tout le moins constante. Il faut aussi relever qu’une période assez longue de prix bas du pétrole a pour conséquence de freiner les investissements des compagnies pétrolières, notamment les budgets liés à l’exploration. Total et Shell ont annoncé des mesures en ce sens. De telles décisions affectent directement les industries parapétrolières qui subissent la pression de leurs prestataires, les compagnies pétrolières. Et aussi, elles « peuvent mettre à mal les capacités de production à court terme, soit d’ici cinq ans, a avancé Didier Houssin, avec un nombre réduit de champs entrant alors en exploitation ».

Une lente levée de l’embargo

L’atelier commun OCDE-AIE du 3 avril a permis aux deux organisations de présenter une première analyse des conséquences pour le marché pétrolier de l’accord d’étape signé le 2 avril entre les pays du groupe 5 + 1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Allemagne) et l’Iran sur son programme nucléaire. Celui-ci pourrait se transformer en un accord définitif, fin juin ou début juillet, à l’issue de trois mois de négociations sur les points en suspens. Le plus problématique d’entre eux porte sur le calendrier de levée des sanctions et au mécanisme de leur rétablissement en cas de non-respect de l’accord par l’Iran. Téhéran compte sur une levée immédiate de toutes les sanctions, celles bilatérales prises par les États-Unis et l’Union européenne depuis 2010, comme celles de l’ONU. Les pays du groupe 5 + 1 entendent mettre en place une levée progressive. Le texte de l’accord d’étape demeure flou sur ce sujet: les sanctions de l’ONU seront levées « simultanément » tandis que les sanctions occidentales seront levées « après que l’Agence internationale de l’énergie atomique aura vérifié que l’Iran a pris les mesures prévues ». Jean-Luc Schneider a indiqué que la réaction immédiate du marché a été une diminution de 2$ du prix du pétrole: « C’est significatif suite à l’annonce de l’accord d’étape, mais peu significatif à l’échelle de la contraction depuis juin 2014. » Pour Didier Houssin, « les capacités de production et d’exportation de l’Iran ont été très entravées par les sanctions et l’embargo. Celui-ci va sans doute mettre du temps à être levé intégralement. Il faudra des mois pour que l’Iran retrouve ses capacités antérieures ».

Toutefois, l’AIE estime que l’Iran, après la levée des sanctions, pourrait rapidement augmenter ses capacités de production de 600 000 bpj à 800 000 bpj et renouer avec une production de 3,6 Mbpj, soit le niveau de 2010. Selon l’agence Reuters, l’Iran dispose également de millions de barils de pétrole stockés dans des VLCC de la compagnie maritime nationale NTIC et pourrait faire le choix de les exporter dès la levée des sanctions, éventuellement fin 2015 ou début 2016. Actuellement, l’Iran est autorisé à exporter 1,2 Mbpj à 1,5 Mbpj et pourrait obtenir d’exporter 2,5 Mbpj au deuxième semestre. « Le jour où l’Iran va rentrer à nouveau sur le marché avec toutes ses capacités, il reviendra à l’Opep de gérer la situation », a déclaré Didier Houssin. Le cartel devra notamment décider s’il poursuit sa stratégie d’une production restant à 30 Mbpj avec un prix à 60 $ ou s’il prend en compte une possible hausse de la production iranienne. Une réunion de l’Opep est programmée le 5 juin à Vienne et pourrait donner de premières indications sur la position du cartel.

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