Santa Marta est le premier port charbonnier de Colombie. Confronté à des règles de plus en plus strictes pour le chargement des navires et à la pression des écologistes, il investit pour assurer un trafic propre.
Nichée au pied de la Sierra Nevada, la ville de Santa Marta s’est éparpillée entre plusieurs vallées. À l’Ouest, le tourisme autour des plages parmi les plus courues du pays. Au Nord, le deuxième port du pays par le trafic, bordé par les quartiers anciens, les zones d’activités, les rues résidentielles et un parc national protégé. Difficile de faire cohabiter l’ensemble, surtout quand les activités portuaires concernent notamment le charbon.
Celui-ci représente en effet plus de la moitié du trafic. Mais les questions environnementales ont pris une importance croissante et les écologistes n’hésitent plus à poursuivre devant les tribunaux tout manquement dont ils ont connaissance. Des plaintes ont été déposées en 2013 et 2014 contre Drummond, l’un des plus importants producteurs de charbon de Colombie, pour avoir rejeté du charbon dans la baie de Santa Marta. CNR, autre gros producteur, a cessé d’exporter pendant un an depuis Santa Marta pour non-respect de la réglementation sur le chargement de charbon. Une partie de ce trafic de charbon a été transférée en 2014 à une cinquantaine de kilomètres au sud, sur une zone portuaire spécialement conçue pour cela, à Ciénaga (voir encadré). Quant au port de Santa Marta, le chargement des navires se fait désormais par bandes transporteuses couvertes.
Un service ro-ro
Le reste de l’activité s’est maintenu et même accru. Santa Marta a en effet plusieurs atouts. D’une part, c’est le port colombien aux eaux les plus profondes, 17,3 m, et ce sans dragage. D’autre part, il est relié par rail aux principales zones minières du pays. Enfin, son climat équatorial sec lui donne un énorme avantage sur ses voisins plus humides que sont Carthagène et Barranquilla. De ce fait, il est apprécié des importateurs de métaux et de véhicules en provenance des États-Unis, du Mexique et du Brésil. Fast Terminal International s’est d’ailleurs installé sur le port depuis l’été dernier et propose un service ro-ro, avec un unique interlocuteur pour les importateurs depuis le déchargement des voitures jusqu’à leur stockage. La Société régionale portuaire, associée dans ce service, innove aussi en cherchant des offres de compensation. « Nous avons des compagnies qui viennent ici chercher des bananes, mais arrivent vides », observe Juan Pablo Sanchez, coordonnateur commercial et logistique de la Société régionale portuaire de Santa Marta. « Nous leur proposons un fret de compensation avec notamment des véhicules à transporter. Il y a ainsi des Mercedes qui arrivent dans ces navires, ou des pièces automobiles. »
Ce souci de rentabiliser les flux se retrouve également dans les camions qui amènent le charbon. Une fois déchargés, ils sont soigneusement lavés pour éviter de polluer la ville qu’ils traversent dès la sortie du port. Et aussi pour pouvoir repartir avec des produits agricoles: blé, farine, haricot, soja… Quant aux navires qui emportent le charbon, certains reviennent chargés de clinker.
Enfin, Santa Marta a vu son trafic de conteneurs augmenter ces dernières années, ne lâchant rien sur ce créneau face au géant qu’est Carthagène. Le port voit passer 6 000 EVP par an et a investi dans les outils de manutention qui garantissent une productivité de 40 mouvements par heure.
Le charbon loin des touristes
L’État a déclaré d’intérêt public la zone de Cienaga, à 50 km au sud de Santa Marta, puis a lancé une « offre officieuse » au secteur privé en indiquant qu’il souhaitait qu’y soit aménagé un port pour le charbon. Ainsi est né l’an dernier le port public de Puerto Nuevo, avec une concession accordée à Prodeco, filiale de la multinationale anglo-suisse Glencore-Xstrata et troisième producteur colombien de charbon. Prodeco est également opérateur ferroviaire et achemine lui-même le charbon depuis ses mines jusqu’à la mer.
Sur la même zone de Ciénaga, un autre port, privé cette fois, Puerto Drummond, opère depuis moins d’un an pour les mines du groupe Drummond, deuxième producteur de charbon du pays. Sa capacité de 32 Mt par an dépasse les besoins du groupe minier, qui cherche donc à rentabiliser l’équipement en le proposant à d’autres sociétés. Un accord a été passé fin 2014 entre Drummond et CNR, Colombian National Ressources, société minière filiale de la banque nord-américaine Goldman Sachs, pour assurer ses chargements depuis la Ciénaga. CNR a passé un autre accord début février avec Carbosan, filiale de la Société portuaire de Santa Marta, pour y exporter également son charbon.
Enfin, les deux grands autres ports charbonniers se situent plus au nord, sur le golfe de Morrosquillo et dans la province de Guajira. En 2013 (mais Puerto Drummond n’était pas encore ouvert alors), les chargements de charbon ont représenté 40 Mt depuis la zone de Ciénaga, 37 Mt depuis Morrosquillo, 33,7 Mt depuis Guajira et 5,2 Mt depuis Santa Marta. Le charbon représente à lui seul 47 % du trafic portuaire colombien.