Le 5 février, CMA CGM a annoncé un renforcement significatif de ses services communs avec Hamburg-Süd, UASC et d’autres à venir. Onze jours plus tard, l’European Shippers Council (ESC) réagit fermement, estimant que la coopération renforcée entre CMA CGM et Hamburg-Süd « constitue à coup sûr un nouveau pas vers un marché du transport conteneurisé totalement convergeant. Cela va augmenter le risque d’une réduction de la qualité de service, de la fréquence de départ ainsi que du nombre de prestataires de service. Par contre, la probabilité d’une hausse des tarifs augmente ». L’ESC rappelle également que UASC et Hamburg-Süd sont déjà partenaires sur des services communs.
Nécessaire harmonisation des approches
Devant la multiplication des grands Vessel Sharing Agreement, les chargeurs européens soulignent le besoin d’une régulation à l’échelle mondiale et non plus régionale. Des pratiques harmonisées et un cadre de référence commun devraient être développés entre les différentes agences chargées de la concurrence, estime l’ESC: « Examiner les alliances maritimes du mauvais côté de la lorgnette ne permet pas aux agences de la concurrence de comprendre correctement la dynamique du marché. »
L’ESC presse les différents régulateurs nationaux à définir un certain nombre d’informations significatives en matière de concurrence maritime et d’en assurer le suivi afin de vérifier le bon état du marché. Ainsi les liens opérationnels et juridiques entre compagnies devraient-ils être suivis tout comme une éventuelle corrélation entre l’évolution des prix et celle des capacités mises sur le marché. Le suivi de tels indicateurs permettrait aux autorités de la concurrence de passer du mode curatif au mode préventif, bien plus efficace pour les activités économiques. Concrètement, les chargeurs européens ont pris leur bâton de pèlerins et passent de bureau en bureau au sein de la DG Concurrence pour tenter de se faire entendre. Plus concret encore, ils sont en train de se construire leur propre tableau de bord avec suivi des transit times, des ports directement desservis, des capacités mensuelles mises en œuvre individuellement et par VSA, des capacités réellement utilisées, et de l’évolution des taux de fret. Cela devra bien finir par produire des effets.
L’idée d’harmoniser les points de vue des régulateurs est venue de la Federal Maritime Commission (FMC) dans le cadre de l’épineux dossier P3. À son invitation, en décembre 2013, les représentants de l’autorité chinoise chargée de la concurrence et de la DG Concurrence se sont rendus à Washington pour échanger leurs points de vue sur le transport maritime conteneurisé. En mars 2014, la FMC a autorisé le P3 sous condition d’un suivi direct, régulier et attentif de ses activités. En juin de la même année, le ministère chinois l’a interdit. La DG Concurrence restait invisible. Un prochain « sommet » tripartite devrait avoir lieu en avril lors de la Global Liner Conference.
Il n’est pas nécessaire d’aller très loin pour trouver de fâcheux précédents en matière de divergence d’appréciation entre autorités de la concurrence: l’exemple franco-britannique concernant les navires d’Euro-tunnel exploités par MyFerryLink entre Calais et Douvres suffit pour plonger dans un abîme de perplexité.