Navi Mumbai. « En Inde, les ports seront bientôt la porte d’entrée de la prospérité! » C’était en août dernier. Narendra Modi, le Premier ministre, venait tout juste d’inaugurer le lancement de fastueux projets de développements de JNPT, le port de Navi Mumbai. Au menu: une future zone économique spéciale et de nouvelles infrastructures. « Les deux-tiers du commerce global transitent par l’océan Indien », faisait alors remarquer le Premier ministre conservateur. « Dorénavant, nous devons miser sur un développement économique tiré par les ports. »
Des infrastructures très insuffisantes
Premier port à conteneurs du pays (56 % du trafic) et numéro deux pour le trafic global, JNPT constitue donc un point rouge sur les écrans radars du gouvernement. Souvent congestionné, manquant d’infrastructures, il reste l’un des premiers sur la liste à devoir entamer sa mue pour enfin répondre aux exigences de la concurrence internationale, et même nationale, dans un contexte de besoins grandissants. « À présent, l’import-export indien croît d’environ 8 à 9 % par an, tout comme le trafic de conteneurs », rappelle NN Kumar, président de JNPT. « Mais avec le soutien appuyé du gouvernement au secteur industriel, nous nous attendons à une croissance exponentielle de ce marché. » D’où la nécessité de mettre les bouchées doubles et de mener à bien les divers projets engagés. « Nous avons mis en place un grand nombre de chantiers qui visent à rattraper notre retard. Lorsque ceux-ci seront achevés, vraisemblablement d’ici 2018-2019, JNPT sera en mesure de traiter jusqu’à 10 MEVP, un volume auquel aujourd’hui seuls 11 ports dans le monde peuvent faire face », explique NN Kumar.
Accueillir de plus gros navires
La recette miracle? Un plan d’expansion selon trois grands axes. Le premier, l’approfondissement du chenal d’accès au port. Long de 33 km, il atteint depuis le mois de juin 14 m de profondeur, contre 11 auparavant. Et il ne s’agit que d’une première étape: à l’issue d’une deuxième phase, il descendra jusqu’à 15 m, puis 17 d’ici deux ans, si tout va bien. Ces aménagements permettront au port d’accueillir de plus gros navires, des porte-conteneurs d’une capacité de 15 000 à 18 000 EVP contre 9 000 actuellement. De quoi lui conférer un statut encore plus international.
Aujourd’hui, JNPT occupe le 31e rang des ports conteneurisés dans le monde. « Pour l’heure, tous les conteneurs sont transbordés depuis la Chine, Singapour, le Sri Lanka et même Dubaï qui ont des ports plus importants que les nôtres. Du coup, l’Inde paie un coût supplémentaire pour le transfert de ces marchandises d’un navire à un autre », explique NN Kumar, ajoutant que: « le transbordement n’est cependant pas qu’une question d’infrastructures. C’est aussi un problème de coût opérationnel. Aujourd’hui, les ports indiens sont nettement plus chers que ceux du Sri Lanka ou de Singapour. À ce stade les concurrencer reste difficile. »
Pour mener à bien ces premiers travaux d’approfondissement, JNPT a dû puiser sur ses ressources internes, de l’ordre de 1 600 crores de roupies (202 M€) pour la première phase, auxquels pourraient s’ajouter 3 000 crores de roupies (375 M€) pour les deux prochaines phases. À ce stade, la direction a fait appel à un bureau de consultants en vue d’évaluer la technologie et le montant des dépenses.
Un véritable JNPT II
Autre enjeu si le port veut garder sa place de numéro un: l’augmentation des capacités de traitement des conteneurs. Certains terminaux privés, notamment le port de Mundra, au Gujarat, auraient déjà profité du manque de réactivité de JNPT au cours des années passées. « Nous avons pu traiter l’équivalent de 4 MEVP lors des quatre dernières années et n’avons pas enregistré de baisse dans le volume de fret », se défend le patron de JNPT. « Notre port a toujours fonctionné à 100 % de ses capacités. » Avec cependant un bémol: « Mais c’est vrai qu’après 2006, nous avons tardé à augmenter nos capacités », admet-il. Et que la croissance du volume du fret sur les cinq dernières années (environ 3 MEVP) a bénéficié à d’autres ports. Ils ont récupéré le trafic de conteneurs dont nous ne pouvions nous charger. »
Qu’à cela ne tienne, le groupe compte bien rattraper son retard. Pour ce faire, JNPT a signé un contrat de concession avec la filiale indienne de Dubaï Port World (DPW). L’opérateur de l’émirat investira 200 M$ dans le projet qui doit démarrer en 2015. L’objectif? Développer une nouvelle installation autonome pour la manutention de conteneurs. Dotée d’un quai long de 330 m, cette extension permettra un traitement de capacités supplémentaires de 800 000 EVP.
Et ce n’est qu’un début, car un quatrième terminal est également à venir. Un autre partenariat public-privé. Une autre concession, confiée cette fois à Port Authority of Singapore (PSA). Long de 2 000 m, ce terminal aura la capacité de traiter un volume de 4,8 MEVP. Les travaux devraient commencer en 2017 et s’achever en 2019 pour un coût de 7 915 crores roupies, soit plus d’un milliard d’euros. « Vous pouvez d’ores et déjà imaginer la taille du futur terminal à conteneurs », s’exclame NN Kumar. « À lui seul, il ajoutera 2 000 m de quai, soit l’équivalent de notre terminal actuel combiné ( JNPCT, APM et DP World). Plus qu’un quatrième terminal, c’est un JNPT II que nous allons construire! »
Fer et route sont de la partie
Troisième axe: les transports. Dans ce domaine, le projet de corridor dédié au fret (DFC) devrait lui aussi contribuer de manière stratégique au développement futur du port. Dès 2017, il devrait permettre l’évacuation de près de la moitié du volume du fret. Comment? Reliant le port à la capitale New Delhi, ce corridor desservira, sur près de 1 500 km, cinq états du pays dont l’Uttar Pradesh, le plus peuplé, le Rajasthan et le Gujarat. Il donnera au port l’accès à une centaine de trains par jour, sur lesquels pourront être transportés 180 conteneurs au moins au lieu de 22trains limités à 90 conteneurs chacun actuellement.
Du côté des routes, le réseau sera également densifié. JNPT est pour l’heure relié à trois autoroutes, Mumbai-Puna, Mumbai-Goa et Mumbai-Agra, et à un réseau routier intérieur de 43 km. C’est insuffisant pour faire face aux 10 MEVP que le port veut traiter. Pour y remédier, le groupe a mis sur pied une structure spéciale avec la National Highway Authority of India (NHAI) et Small Industries Development Corporation, SIDCO. Cette dernière aura pour mission de mener à bien la construction de huit voies supplémentaires en plus des quatre déjà existantes.
À l’achèvement des travaux, prévu pour 2017, le port devrait ainsi être desservi par un réseau de douze voies! « Nous sommes en train de créer un parc multilogistique sur 200 ha qui permettra d’évacuer le fret via ce corridor, à la fois par la route et par le train », poursuit NN Kumar, intarissable, « dès 2017, nous devrions multiplier par cinq les capacités transportées! »
Ports indiens: trafic en hausse de 5 % à fin décembre
Le trafic des principaux ports indiens, les “major ports”, s’est accru de 5 % au cours de la période avril-décembre 2014. Avec 433,9 Mt, ils enregistrent une progression de plus de 20 Mt. La hausse concerne de nombreuses catégories de marchandises: + 1 % pour les produits pétroliers (140 Mt), + 14,7 % pour les engrais (12,4 Mt) et + 10,2 % pour le charbon (87,1 Mt). Les marchandises diverses sont également orientées à la hausse avec + 9 % à 181 Mt, dont 90 Mt de frets conteneurisés (+ 5,5 %) et 91 Mt d’autres marchandises (+ 12,7 %).
En ce qui concerne la manutention des conteneurs, il a été totalisé près de 6 MEVP sur ces neuf mois, soit 8,2 % de mieux. La plupart des ports concernés sont en hausse, soit 3,3 MEVP pour Jawaharlal Nehru Port (+ 10 %), 1,2 MEVP pour Chennai (+ 6 %), 0,4 MEVP pour Tuticorin (+ 10,6 %) ou encore 0,3 MEVP pour Cochin (+ 6,1 %).
Au niveau du trafic total, Kandla arrive en tête avec 70,9 Mt (+ 7,2 %), suivi de Paradip avec 53,5 Mt (+ 5,2 %) et Jawaharlal Nehru Port avec 48 Mt (+ 4,5 %).
Jean-Claude Cornier