Coup de tabac sur le Détroit du Pas-de-Calais. Le Competition Appeal Tribunal (CAT) a rendu sa décision le 9 janvier. La justice britannique demande à MyFerryLink de cesser ses opérations à Douvres dans un délai de six mois. Dans sa décision, le CAT a rejeté l’appel formé par Eurotunnel et la Scop Sea–France d’opérer des liaisons à partir du port de Douvres. Le tribunal britannique a estimé que les liens entre Eurotunnel et la Scop sont trop étroits. Il doit y avoir une plus grande indépendance entre les deux sociétés.
Dès l’annonce de la décision, le président-directeur général d’Eurotunnel, Jacques Gounon, s’est déclaré déçu par cette décision qu’il considère comme « très injuste ». Dans un entretien avec Le Figaro paru le 10 janvier, Jacques Gounon a souligné que la part de marché de MyFerryLink et Eurotunnel additionnée est de 49 % sur le détroit du Pas-de-Calais. « Nous ne sommes pas à 70 % ou 80 %. Notre position est importante, mais pas dominante », a expliqué Jacques Gounon au quotidien français.
Une déception qui se lit partout du côté français. Didier Capelle, président du conseil de surveillance de la Scop, s’est aussi déclaré déçu par cette décision tout en précisant que « ce n’est pas l’abattement, et les ex-SeaFrance sont habitués à se battre. » Du côté du ministère des transports, Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des Transports, juge cette décision « profondément injuste, notamment pour les salariés qui ne comprennent pas pourquoi une décision d’une autorité de concurrence a pour effet d’amoindrir cette même concurrence en réduisant le nombre d’opérateurs maritimes sur le Détroit ».Pour son prédécesseur, Frédéric Cuvillier, le CAT a « contrarié sur le terrain juridique une réalité économique du pavillon français et un modèle économique innovant et solidaire ». Et la sénatrice-maire UMP de Calais, Nathalie Bouchart, a « le sentiment que la Grande-Bretagne méprise le Calaisis. Je déplore vivement l’absence totale du gouvernement français dans cette affaire. »
MyFerryLink a perdu une bataille mais ne se dit pas vaincu pour autant. La Scop va interjeter appel dans les jours qui viennent, assure MyFerryLink. Une période de transition au cours de laquelle l’armement demeurera présent sur le Détroit.
Victoire modeste
Du côté des deux autres armateurs, DFDS et P&O Ferries, la victoire reste modeste. Ils attendent de voir les conséquences de cette décision et les appels de la Scop. Certains imaginent déjà que la prise de position de Niels Smedegaard, président directeur général de DFDS, dans un entretien au Lloyd’s List en novembre, a exercé une pression sur le tribunal britannique. Le p.-d.g. de DFDS a déclaré le 21 novembre qu’en cas de victoire de MyFerryLink, le groupe pourrait quitter le détroit du Pas-de-Calais.
MyFerryLink est une Scop qui exploite les trois ex-navires de SeaFrance racheté en juin 2012. Les premières rotations se sont effectuées à partir du 22 août 2012. Dès le début de 2013, le Nord-Pas-de-Calais, navire pur fret, a rejoint la flotte. Sur les neuf premiers mois de 2014, MyFerryLink a réalisé un chiffre d’affaires de 69,4 M€, en hausse de 26 %. Le volume fret traité au cours de cette période est en hausse de 21 % à 285 038 unités. Pour le président d’Euro-tunnel, Jacques Gounon, « MyFerryLink aurait dû être à l’équilibre en 2015 ».