La 18e convention Euromed met l’OMI, l’Union européenne et le gouvernement grec sur la sellette

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Certes, il y a l’alternative des scrubbers qui vont commencer à équiper des navires, mais selon l’armateur Emanuele Grimaldi, le principe est erroné: « Permettre à des politiques de légiférer sans avoir préalablement étudié l’impact des décisions est irresponsable et inadmissible. Il aurait fallu attendre d’avoir les outils ou moyens nécessaires avant d’imposer des décisions. » Ces propos constituent la conclusion d’une des sessions de la 18e « Euro-Med Convention From Land to Sea » que Grimaldi vient d’organiser en Crète.

Un laboratoire du changement

Cette convention s’est distinguée des précédentes par la prise en considération d’éléments qui conditionnent les évolutions du shipping dans des secteurs où le groupe Grimaldi est fortement présent. D’où deux sessions distinctes. Une axée sur l’impact de cette norme soufre, l’autre sur la nécessité de restructurer le trafic côtier grec. La plus importante session avait trait à la question de savoir quels remèdes apporter aux défis qu’imposent au shortsea européen les nouvelles réglementations environnementales.

Pour Emanuele Grimaldi, les secteurs mer du Nord/Baltique peuvent être considérés comme un véritable laboratoire du changement, mais à quel prix? Le seul moyen valable pour éviter cette croissance des coûts en continuant à consommer du fuel moins cher, c’est d’investir dans des scrubbers. Cela n’est possible que pour des opérateurs propriétaires de navires jeunes et disposant des moyens financiers. Certes, il y a la technologie du GNL, mais encore marginale et qui demandera du temps avant que des ports soient équipés des infrastructures adéquates et que ce combustible soit disponible en quantité suffisante et à un coût supportable. Car il est possible que le prix du GNL devienne aussi volatil que l’est celui du pétrole. Pour l’instant, le scrubber, appareillage lourd et encombrant, constitue un remède mais pas la solution. Enfin, les raffineurs ne sont pas prêts aujourd’hui à fournir du fuel à 0,1 % en grande quantité et à un prix abordable. « J’aurais préféré que l’on subventionne les scrubbers jusqu’à ce que l’on ait une solution globale », regrette Emanuele Grimaldi. Toujours est-il que ce dernier a pris des dispositions pratiques. Ainsi, 14 scrubbers de la dernière génération ont été commandés pour 14 unités de Finnlines – exception faite pour des affrétés à court terme et des unités opérant sur des routes courtes – tandis que d’autres viennent d’être commandés pour les cinq super-conros géants que la filiale ACL alignera sur l’Atlantique. Pour Finnlines, les investissements « environnementaux », comportant notamment d’autres aspects comme de nouvelles hélices, se montent à 100 M€.

Les surcoûts que vont imposer cette norme soufre vont évidemment se répercuter sur les marchandises, donc les chargeurs. Selon Emanuele Grimaldi, on peut évaluer une adaptation de 10 % à 15 %, mais pas sous forme d’une surcharge ECA, plutôt dans le cadre d’une intégration dans le BAF, ce qui équivaudra en fait à ce que les clients payaient lors de la crise pétrolière. Mais cela variera selon les armements, selon les types et l’âge des navires, ce qui pourrait impliquer des adaptations de 25 % à 50 % dans le cas de vieux navires. Quant aux autres services du groupe Grimaldi, comme EuroMed/EuroAegean (cabotage intra-européen) et les lignes sur la COA, dont les navires ne passent que 20 % de leur temps dans la zone Seca, il sera fait appel à un fuel plus léger pour cette partie du parcours.

Une situation injuste

Pour Jussi Sarvikas, senior vice-président du groupe UPM Kymene, cette décision de l’OMI et de l’Union européenne est injuste, vue dans un contexte de concurrence internationale globale. Pour ce groupe, grand producteur finlandais de papier et de pâte (plus de 5 Mt exportées par an de Finlande), l’intermodalisation et la logistique sont cruciaux, d’autant plus que cette industrie connaît des problèmes et que les prix ont fortement chuté. Le groupe s’est adapté en passant des accords avec 25 lignes maritimes et dans le cadre d’engagements à long terme, ce qui rend possible les investissements tout en tenant compte des risques. « Nous essayons de créer un modèle d’action en fonction de nos besoins. » Ainsi, dans le cadre de ces accords, six armements vont investir pour adapter 21 navires. En considérant les autres armements impliqués, 32 scrubbers seront installés.

Des propos tenus par des intervenants, il ressort que si l’on peut considérer la décision de l’OMI comme injuste pour les exportateurs finlandais, il n’en reste pas moins vrai que ce sont des responsables finlandais qui ont insisté pour l’application de cette norme. Autre réaction: l’OMI a commis une erreur mais il n’est pas trop tard pour corriger le tir (reporter la date fatidique?). De plus, il ne faut pas oublier que ce n’est pas l’OMI qui décide, mais bien les États qui la composent et mettent cette organisation sous pression.

Crises du trafic ferry et côtier grec

Autre thème de la convention, les crises successives que connaît le secteur du trafic ferry et côtier grec. La situation est en fait dramatique, due selon Emanuele Grimaldi aux coûts du fuel, à une surcapacité en vieux navires âgés de 30 à 40 ans exploités par des opérateurs irresponsables, à une chute continue depuis 2009 du fret et des passagers. Conséquence, des pertes qu’aggrave un déploiement excessif de tonnages.

Pendant la période 2010/2012, tous les opérateurs de ferries entre la Grèce et l’Italie ont vu le nombre de véhicules transportés diminuer de 10 % par an. En 2013, c’était la stagnation. Dans le secteur passagers, la situation est encore plus sérieuse. En 2009, le nombre de passagers transportés entre les deux pays était de 2,4 millions. En 2013, il s’agissait de 1,49 million. Cette chute s’explique par la concurrence des compagnies aériennes low-cost. Il s’agit là d’un processus structurel et irréversible. Les opérateurs marginaux et inefficaces, ne tenant pas compte de la sécurité des passagers, poursuivent leurs activités à perte dans un marché saturé ignorant toute forme de consolidation, et aucun ne s’est retiré. Aujourd’hui, ils ne sont pas capables d’investir dans du nouveau tonnage, ne paient pas leurs dettes auprès des banques, entretiennent la poursuite de la crise, déstabilisent le marché des ro-pax et causent des pertes à ceux qui exploitent du tonnage moderne. Emanuele Grimaldi plaide pour la création d’un Plan majeur visant à éviter l’agonie financière du secteur des ferries, préconisant la consolidation et incitant les vieux navires polluants à quitter le marché pour prendre le chemin de la casse. Un système qui doit aider à refinancer et restaurer l’équilibre et la qualité de ces activités. Et de critiquer les banques qui jouent dans ce contexte le rôle d’armateurs en soutenant des opérations non rentables alors qu’il faudrait faire preuve de réalisme, prendre ses responsabilités et retirer des unités. La filiale Minoan Lines a donné l’exemple en se retirant de la route Venise-Grèce, mettant un terme à l’affrètement ou en vendant sept navires, réduisant par la même occasion la surcapacité. Actuellement l’armement déploie cinq unités sur le marché grec, dont trois grands ro-pax âgés de quatre à cinq ans. C’est la flotte la plus moderne sur l’Adriatique et sur la route de la Crète. Des adaptations sur deux des navires ont permis de réduire la consommation de fuel de 20 %.

Comme l’a souligné Hercule Haralambides, président du port de Brindisi, le sujet est très complexe avec des implications politiques. Il y a 200 îles, qui abritent 15 % de la population, donc des besoins à satisfaire. Près de 65 % du réseau n’est pas rentable. Quant aux subventions, elles atteignent les 85 M€ par an. Selon lui, il faut penser à un autre type de réseau, avec divers petits systèmes de transport pour les îles, revoir les itinéraires, les fréquences, et quels types d’unités utiliser.

Ionnis Avrantinis, administrateur délégué de Nel Lines, estime que la solution à élaborer doit se faire au niveau européen et non pas grec, et qu’il ne faut pas oublier qu’une bonne partie de l’activité est saisonnière. Quant à Antonios Maniadakis, administrateur délégué de Minoan Lines, il est d’avis qu’il y a encore des possibilités de développement et d’améliorations sous certaines conditions: réductions des prêts et retrait de la capacité excédentaire, rationalisation des itinéraires avec effets directs sur des taux assurant un meilleur revenu, slow steaming et réduction des consommations de fuel. Un plan de consolidation basé sur des termes et conditions réalistes, axé sur des synergies de manière à assurer une solidité financière aux nouvelles entités qui auront un meilleur accès au marché financier.

Du débat est ressortie la conclusion suivante: c’est au gouvernement grec de prendre ses responsabilités, de faciliter les privatisations et d’adopter une politique rationnelle pour ce secteur du ferry/cabotage national.

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