Amarrée depuis la mi-octobre au quai 429 de Bassens, l’ex-Jeanne-d’Arc, porte-hélicoptères et navire-école de la Marine nationale, a atteint sa destination finale. Ce navire emblématique, mis à flot en 1964, qui a accueilli plusieurs générations d’apprentis officiers de la Marine, a d’ores et déjà des allures fantomatiques, dépouillé de ses hublots et vidé de ses fluides lors d’un premier toilettage effectué à Brest. Dès le mois de novembre, après une phase d’expertise, débutera l’extraction pendant dix mois de 9 t d’amiante, phase la plus longue et la plus coûteuse. Transférée ensuite dans la forme de radoub de Bassens (240 m de long, 35 m de large, 15 m de haut), la coque 860 de 181 m de long subira un total découpage de sa carcasse pendant six mois pour générer 9 000 t de ferrailles.
Selon le planning, en avril 2016, le porte-hélicoptères ne sera plus qu’un souvenir. Parallèlement, à partir d’octobre 2015, ce sera au tour de l’ex-Colbert (coque 683), le croiseur lance-missiles de la Marine nationale, devenu pendant 14 ans navire-musée sur les quais bordelais, d’être transformé en 8 500 t de morceaux de ferrailles. Jusqu’au printemps 2017, cette activité, (qui va générer une cinquantaine d’emplois) va ainsi battre son plein, chapeautée par Veolia Propreté. Ses deux filiales, Bartin Recycling Group, basée à Bègles, et Petrofer ont en effet remporté ce contrat de 11,5 M€ lors de l’appel d’offres européen lancé par la Marine nationale pour le démantèlement et la valorisation de ces deux navires. Le point fort qui a convaincu le ministère de la Défense étant l’engagement de Veolia à recycler 90 % des matières valorisables – soit essentiellement de l’acier – et l’extraction et l’enfouissement de l’amiante selon la réglementation en vigueur.
9 000 t d’exports maritimes de ferrailles pour chaque navire
Les retombées pour le port de Bordeaux n’en sont pas moindres. Lors de la présentation du chantier, le 17 octobre, Christophe Masson, directeur général du Grand port maritime de Bordeaux, s’est réjoui de l’arrivée de ces deux navires militaires qui « confirme et renforce la place du port de Bordeaux en tant que pôle de référence de la filière de déconstruction et de valorisation d’échelle nationale, réaffirmé il y a quelques jours par le secrétaire d’État aux Transports, à la Mer et à la Pêche, Alain Vidalies ».
Du démantèlement de premiers bateaux de pêche suivis de navires plus conséquents comme le Matterhorn en 2012 (Bartin Recycling) et le Hilde-G (Derichebourg) en 2013 qui ont fait office de « tests concluants », Bassens gagne peu à peu sa place de site majeur de démantèlement des navires en Europe. Outre un rapport financier lié à la location de la forme de radoub et aux coûts de prestations diverses réalisées par le port (1 M€), ces deux derniers chantiers devraient, cette fois, se concrétiser par des exports maritimes plus massifs, soit près de 9 000 t de ferrailles pour chacun des navires, vers des aciéries françaises ou espagnoles. « C’est un volume peu important, mais il n’y a pas de petit trafic. Il constitue un des éléments d’un tout d’une filière de recyclage » précise Christophe Masson (le trafic ferrailles, sur le port de Bordeaux, avoisine les 100 000 t par an).
De la part de l’autorité portuaire, des investissements pour développer la filière seront à l’œuvre dans le cadre du futur projet stratégique du port de Bordeaux. Si le montant est encore en discussion, cet investissement, d’environ 6,5 M€, prévoit l’installation d’un portique de levage, la modernisation des équipements, l’installation de protection de l’environnement et l’extension des aires de stockage.