Si tout se déroule comme prévu, le port d’Anvers mettra quand même en service vers la fin de l’année prochaine le plus grand terminal à conteneurs d’Europe, occupant près de 65 % de la grande darse à marée Deurganckdok sur la rive gauche de l’Escaut. L’abandon de l’alliance P3 a fait craindre une diminution de l’ampleur du projet. L’alternative qu’est l’alliance 2M contribue à sa réalisation, d’autant plus que le déménagement des trafics de MSC de la darse Delwaide au Deurganckdok, soit 4,6 MEVP, sera réalisé pour octobre 2015. Sur 3,5 km de quai seront opérationnels 39 portiques, ce qui devrait correspondre à une capacité annuelle à terme de 9 MEVP. Cette vaste opération résulte de la création d’un nouveau joint-venture à 50/50 appelée MPETC (MSC/ PSA European Terminal). Ce gigantisme est à mettre en parallèle avec celui qui caractérise les nouvelles flottes d’ULCS de 14 500 EVP à 18 200 EVP qu’alignent et engageront encore progressivement Mærsk Line, MSC et d’autres armements soucieux de s’assurer d’importantes économies d’échelle.
La nécessité d’une coordination précise de la navigation
Cette évolution va de pair avec de nouveaux défis vis-à-vis desquels il faudra faire preuve de beaucoup d’ingéniosité. Il y a d’abord l’aspect nautique. Actuellement, Anvers accueille huit lignes Asie-Europe. Dans quelle mesure l’alliance 2M, qui prévoit, selon la rumeur, trois rotations sur six à Anvers, va-t-elle contribuer à augmenter ce nombre? C’est encore incertain. Toujours est-il que la multiplication d’ULCS sur l’Escaut avec des tirants d’eau de 14,50 m à 15,60 m, compte tenu des fenêtres de navigation, va exiger une coordination minutieuse du trafic maritime. Essentiellement sur une section du fleuve qui va de la mer jusqu’aux deux terminaux à conteneurs à marée (Noordzeeterminal et Europa Terminal) sur la rive droite, jusqu’au Deurganckdok rive gauche. S’y ajoutent les trafics de la zone portuaire de la rive gauche qui emprunteront la nouvelle écluse, qui sera opérationnelle en 2016 dans le fond du Deurganckdok, et ceux propres aux autres secteurs du port rives droite – notamment des grands vraquiers – et gauche.
Une logistique terrestre à développer
Le trafic traité au Deurganckdok, de 2,7 MEVP en 2013, va ainsi passer vers la fin 2015 à près de 7,3 MEVP, comprenant les volumes générés par MSC, propres à Mærsk Line dans le cadre de son alliance (plus ceux hors 2M en tant que client de PSA) et les volumes traités à l’Antwerp Gateway, le terminal qu’exploite DP World. Ajoutons à cela les trafics conteneurs de deux terminaux de la zone portuaire de la rive gauche, AET (Grimaldi), quelque 170 000 EVP par an, et Katoen Natie, 100 000 EVP. Il est évident que l’apparition d’un tel trafic sur la rive gauche va poser de sérieux problèmes. Il s’agira d’accélérer considérablement la logistique, sur le site du terminal MPET, car les manutentions en twin lift (2 × 20’), tandem lift (2 × 40’) et peut-être triple lift (3 × 40’ ou 6 × 20’) vont devenir courantes. Les manutentionnaires vont-ils devoir opter pour une automatisation accrue? Aujourd’hui, ils alignent cinq à six portiques sur un ULCS de 14 000 EVP, pour des opérations portant sur 5 000 EVP à 6 000 EVP. Il faudra accélérer collectes et évacuations des boîtes avec l’hinterland. Il faudra procéder à un usage encore plus intensif des trois modes de transport et développer de nouvelles combinaisons intermodales. Heureusement, le nouveau tunnel ferroviaire du Liefkenshoek sous l’Escaut, qui vient d’être achevé, pourra contribuer à l’accroissement du transfert de trafic entre les deux zones portuaires.
Si l’on s’en tient à la seule logistique terrestre inhérente au trafic maritime de MSC à la darse Delwaide, elle a porté l’année dernière sur 2,3 MEVP. Le partage entre modes se présentait comme suit: 45 % pour la route (1,03 MEVP), 35 % pour le fluvial (805 000 EVP) et 20 % pour le rail soit 460 000 EVP. MSC opère via sa propre organisation logistique Medlog de nombreux trains-blocs au départ d’Anvers, vers l’hinterland industriel allemand. Il y a le Neuss Express (six trains par semaine), le Frankfurt Express (deux trains par semaine), le Germersheim Express (quatre trains) et le Weil am Rhein Express (deux trains). Des navettes fluviales dédiées opèrent entre Anvers et Rotterdam, tandis que d’autres opèrent avec l’Allemagne, la France, l’hinterland belge et les terminaux fluviaux intérieurs (Grobbendonk, Willebroek, Meerhout et Liège), les Pays-Bas et la Suisse. Via la route, l’armement couvre également l’Allemagne, les Pays-Bas et la France.
En ce qui concerne le terminal Antwerp Gateway/DP World, il y a peu de transbordements pour l’instant et partant, la répartition entre modes se présente comme suit: fluvial 396 000 EVP, rail 60 000 EVP et route 740 000 EVP. Quant au terminal de PSA au Deurganckdok sur un trafic maritime de 1,5 MEVP, les transbordements maritimes n’ont porté l’année dernière que sur 100 000 EVP. Par contre, le fluvial a traité 490 000 EVP, la route 840 000 EVP et le rail 70 000 EVP.
La zone portuaire de la rive droite compte deux grands terminaux à conteneurs à marée, qui l’année dernière ont traité 1,4 MEVP. Derrière les écluses se trouve le terminal d’Independent Maritime Terminal (280 000 EVP en maritime, 50 % fluvial, 50 % camions).
Les risques
« À Anvers tout est possible », tel est l’actuel slogan du port scaldien. D’importants investissements en infrastructures terrestres, fluviales, ferroviaires et routières seront nécessaires pour que ledit slogan garde son impact. Anvers attend toujours l’achèvement de son périphérique. Le réseau routier est déjà encombré et les heures de files d’attente ne se comptent plus. Les terminaux fluviaux de transfert vont être mis à forte contribution. Quant au rail, rien ne permet aujourd’hui de considérer que ce mode va un jour perdre son étiquette d’inefficacité. En outre, en date du 1er septembre, l’organisme FOD Mobilité (qui relève du fédéral) n’a plus accordé de subventions au transport ferroviaire de conteneurs (25 M€/an) en territoire belge, son enveloppe globale étant épuisée. Il faudra attendre la constitution d’un nouveau gouvernement fédéral, pour tenter de corriger cette situation.
Bien des problèmes devront être résolus rapidement si Anvers ne veut pas être confronté, à un moment donné, à une congestion qui n’aurait pas pour origine ses terminaux comme ce fut récemment le cas à Rotterdam, mais bien l’insuffisance des moyens sur le plan de la logistique terrestre.
Répartition du trafic par modes
Sur les 8,6 MEVP traités à Anvers en 2013, les transbordements maritimes ont représenté 34 %, soit 2,9 MEVP. En ce qui concerne les 5,6 MEVP restants, qui concernent l’hinterland, la route est intervenue à raison de 57 %, le fluvial 36 % et le rail 7 %.