Assurant en moyenne un trafic de 4 Mt de marchandises par an, le port de Bayonne vient de vivre deux années difficiles atteignant 3,3 Mt en 2012 et 2,6 Mt en 2013. Les fermetures en 2007 des Raffineries du Midi, puis en 2009 de l’usine Celanese à Pardies, compensées un temps par les exports exceptionnels de bois de tempête, se font plus que jamais sentir dans une conjoncture ardue. Les difficultés en 2013 du client principal du port, l’aciérie Celsa (40 % du trafic total), n’ont pas été sans impact. Dès lors, Bayonne pourra-t-il retrouver son rythme de 4 Mt annuelles? Les institutionnels s’y emploient. Signe d’une volonté de faire bouger les lignes, un nouveau service feeder a été lancé fin mars entre Bayonne et Le Havre. « Le port de Bayonne, uniquement vraquier, peut ainsi jouer son rôle d’outil de report modal avec la mise en place de lignes conteneurs régulières et proposer un nouveau service à une multitude de clients de son hinterland », se réjouit André Garreta, président de la CCI Bayonne Pays basque, concessionnaire du port de Bayonne.
27,5 M€ sur sept ans
Cette actualité s’inscrit de plus dans un nouveau plan d’investissement. Sur les sept ans à venir, la CCI envisage un budget de 27,5 M€. Parmi les axes prioritaires se dégage l’acquisition d’une nouvelle drague actuellement en construction pour 14 M€ (voir encadré). Le terminal de Blancpignon poursuivra sa rénovation, tant pour la reconstruction des terre-pleins (2,9 M€) que la construction de nouveaux hangars de stockage (1,5 M€). La zone portuaire de Saint-Bernard devrait, quant à elle, être dotée de nouvelles platesformes de stockage (2,8 M€) et d’un système de récupération et de traitements des eaux (1,1 M€). En outre, 4 M€ seraient consacrés à l’acquisition d’une nouvelle grue. « On prévoit de même 1 M€ sur l’aspect intégration ville-port afin que la population s’approprie davantage le port à travers une mise en lumière, des escales marines tous les deux ans, le projet d’un Port Center. Pour faire du développement économique, cet aspect est essentiel », précise André Garreta.
Un nouvel outil de pilotage
Un nouvel outil de planification a vu, en parallèle, le jour. Fin 2013, le Conseil régional d’Aquitaine et huit collectivités partenaires ont voté la mise en place d’un schéma directeur d’aménagement (SDA) du port de Bayonne pour anticiper le développement du port à l’horizon 2014 en cohérence notamment avec les Scot (schéma de cohérence territoriale) et les PLU (plan local d’urbanisme). « C’est une démarche intéressante pour réunir les acteurs institutionnels autour des problématiques du port et faire partager une vision commune de son développement à partir des trois axes suivants: industriel, logistique et environnemental. Ainsi, des actions, projets et études ont été identifiés avec, pour chacun d’entre eux, un maître d’ouvrage, des partenaires, des échéances et un budget estimatif pour constituer une vraie feuille de route », note le président de la CCI Bayonne. Bien que l’existence de ce SDA ne serait actée qu’en juin 2014, après approbation des collectivités partenaires, de grandes orientations sont listées: ligne conteneur, rénovation de Blancpignon, mutation de Saint-Bernard vers des activités de transformation légère (bois biomasse, agroalimentaire, BTP), reconstruction du poste de Saint-Gobain, projet d’OFP sur Saint-Bernard…
Les industriels au rendez-vous?
Attendu depuis 2012, le trafic d’import d’acier du groupe italien Beltrame devrait se concrétiser en 2015. La construction de son laminoir sur Boucau-Tarnos sera finalisée fin 2014. Près de 200 000 t de trafic ont été annoncées dans un premier temps. Toujours dans le domaine de la sidérurgie, il semble en revanche que le projet d’extension (soit deux laminoirs) de l’aciérie Celsa ne soit pas à l’ordre du jour. « Ils ont connu de grosses difficultés avec l’effondrement du marché du bâtiment en Espagne. À l’avenir, tout va dépendre du marché de l’acier et de la conjoncture », indique avec prudence André Garreta. Le nouveau trafic de bitume de LBC Sotrasol, lui, monte peu à peu en puissance, passant de 26 000 t en 2012 à 52 000 t en 2013. L’industriel espère signer deux contrats pour un apport de 200 000 t en 2015, mais pour l’heure, rien n’est acté. L’usine Yara de Pardies, qui souhaitait initier un trafic maritime de nitrate d’ammonium, semble avoir renoncé. Reste le démarrage en 2014 des imports de soufre solide par la Sobegi nouvellement installée à Blancpignon.
Une nouvelle ligne conteneur Bayonne/Le Havre 1900
Le 28 mars a fait date. La première escale du Lydia, navire affrété par l’armement Marfret, a marqué le lancement d’une ligne conteneurs Bayonne/Le Havre. Une première escale tout en douceur avec l’import de neuf conteneurs et l’export de deux conteneurs de produits chimiques. Tous les vendredis, désormais, le Lydia, d’une capacité de 390 EVP (long de 100 m et large de 16 m) touchera ainsi le terminal Saint-Bernard, qui a été doté de terre-pleins spécial conteneurs, de bord à quai et d’une grue. Bois, produits chimiques (Arkema), agroalimentaire, textile (notamment les sociétés telles que Rip Curl, Billalong, Oxbow…) sont autant de produits susceptibles de prendre désormais, par voie maritime, le chemin du Havre et de destinations étrangères desservies par l’armateur marseillais, qui de plus, depuis 2005, via son service fluviofeeder sur l’axe Seine, va offrir des opportunités aux industriels aquitains et du Pays basque espagnol de toucher Rouen et Paris. Cette nouvelle ligne a pris corps après moult discussions entre des industriels régionaux et le service commercial de la CCI, qui, échauffé par les expériences passées, a tenu à opter pour un professionnel reconnu du transport maritime. Le port a en effet connu deux échecs successifs avec la ligne Bayonne/Southampton en 1999 (Vicking) et en 2011, la ligne « Bayant » entre Bayonne et Anvers (Elorza y Compania) qui n’a au final effectué que sept allers-retours, leur client principal s’étant désisté. Escalant pour l’instant sur le terminal Saint-Bernard et éventuellement, dans le futur, sur la zone de Blancpignon, la nouvelle ligne feeder de Marfret pourrait atteindre un trafic potentiel de 20 000 conteneurs/an.
Blancpignon en vedette
Située sur la rive gauche à Anglet, la zone portuaire de Blancpignon poursuit la rénovation de son front d’accostage datant de la Seconde Guerre mondiale. D’ores et déjà, depuis 2008, le poste liquide (soufre) a été reconstruit sur 200 m et doté d’un duc d’Albe. En cours de réalisation, la tranche 2 prévoit la reconstruction du quai Castel pour un linéaire d’accostage de 180 m, une extension des terre-pleins sur 8 000 m2 et une souille à 10 m au lieu de 8 m. Pour ce chantier, l’enveloppe financière du Conseil régional devrait s’élever à 16,4 M€ (Feder de 3,9 M€). La dernière tranche des travaux, qui n’est pas encore planifiée, comprendrait la reconstruction du quai Gomez (220 m) datant de 1950 pour un montant de 20 M€. À terme, Blancpignon devrait disposer d’un front d’accostage rectiligne de 600 m et gagner 13 000 m2 de terre-pleins supplémentaires sur l’Adour, et ce pour accueillir de plus gros navires dans la zone la plus protégée du port. D’ores et déjà, le trafic import de soufre solide de la Sobegi, dont la construction de son fondoir se finalise, devrait générer un trafic estimé à 100 000 t.
Le Luno en phase de démantelement
Le 17 mars, a débuté le démantèlement du Luno, vraquier de l’armateur Naviera Murueta, accidenté le 5 février sur la digue des Cavaliers à Anglet. Le chantier de récupération et de déconstruction des trois éléments du navire, dont deux sont immergés, va se poursuivre durant deux mois, assuré par la société Svitzer. Le traitement des déchets, notamment acier, est confié à un autre Néerlandais, la société Koole. L’enquête judiciaire est toujours en cours pour déterminer les circonstances de l’accident et les responsabilités. Selon André Garreta, « a priori, l’accident du Luno, dû à une panne moteur, n’aura pas de conséquences sur les conditions d’accès et de sécurité au port de Bayonne. Mais l’enquête en cours permettra de le confirmer ».
Une drague à demeure pour 2015
Depuis mai, les travaux battent son plein sur les chantiers espagnols Astilleros de Murueta, constructeur de navires situé près de Bilbao, pour donner forme à la future drague qui officiera, à partir de 2015, dans le port de Bayonne. Fin janvier, la CCI Bayonne Pays basque a passé commande pour un montant de 11,3 M€ (emprunt sur 20 ans), le Conseil régional d’Aquitaine assurant un complément de 2,5 M€. Actuellement, le port débourse 2,1 M€ par an auprès de prestataires extérieurs (notamment la SDI, société de dragage International) pour effectuer deux campagnes de drague. Malgré le prélèvement de milliers de mètres cube de sable et vase, les tirants d’eau dans le chenal restent trop faibles pour l’accès des gros navires notamment sur Saint-Bernard (limitée aux 5 000 t à 7 000 t) et Blancpignon (limitée aux 15 000 t). La nouvelle drague permettra en revanche l’accès toute l’année aux 20 000 t à toutes les zones portuaires. Cette drague mixte (62 m de long), conçue selon les caractéristiques spécifiques du port de Bayonne (notamment la forme de radoub de Blancpignon), pourra travailler à l’élinde traînante, de l’embouchure jusqu’au pont Grenet ainsi qu’à la benne pour draguer les souilles des différents quais du port. Elle œuvrera de même au clapage de 400 000 m3 de sable par an afin de ré-engraisser les plages d’Anglet dont le trait de côte a particulièrement été malmené lors des dernières tempêtes.