En introduction de son rapport annuel, le courtier parisien BRS analyse l’année 2013 comme « une histoire en deux mi-temps ». Le premier semestre a été marqué par un marché en baisse, notamment sur les capesizes, alors que la seconde partie de l’année a montré un rebond. Pour le courtier norvégien RS Platou, ce sont les sept premiers mois de l’année qui ont été les plus difficiles.
Les explications de ces mouvements s’expliquent d’une part par une demande en berne du côté de la Chine, et d’autre part par des éléments climatiques défavorables. Ainsi, rapporte RS Platou, la demande chinoise a été plutôt faible sur les premiers mois. Les aciéristes de l’empire du Milieu ont préféré utiliser les stocks dans les ports plutôt que faire appel à de nouvelles livraisons. De plus, le commerce des céréales, d’une manière générale, s’est ralenti au cours de cette période. En outre, les « petits vracs » ont suivi ce mouvement avec une baisse de la demande. Ajouté à ces éléments, l’entrée en flotte de nouveaux valemax en début d’année, portant ainsi leur nombre à 26 au 1er avril et prenant par là même quelque 3,4 % du fret habituellement assuré par les capesizes, il n’est guère étonnant de voir ces premiers mois s’afficher en berne. Au final, sur cette première mi-temps, le taux d’affrètement à temps d’un capesize n’a pas dépassé 6 135 $ par jour. Des armateurs ont tiré des leçons du passé en affrétant pour huit à 12 mois leurs navires à des taux de 10 000 $ à 11 000 $ par jour. « Avec le recul cela s’est avéré une démarche prudente », note le rapport BRS.
C’est surtout sur le second semestre que le match a pris tout son sens. La croissance de la demande chinoise en minerais de fer s’est accélérée pour atteindre sur l’année 774,5 Mt, soit 9,25 % de plus que l’année précédente. L’Australie a profité largement de ce regain du marché en prenant de nouvelles parts de marché. Ses exportations ont augmenté de 16,2 % à 589,1 Mt. Les autres pays producteurs comme l’Afrique du Sud, le Canada, la Mauritanie ont aussi connu une augmentation de leurs exportations. Le Brésil a été pénalisé avec une croissance de 0,5 % de ses exportations à 329,6 Mt. Comparativement à 2011, les exportations brésiliennes de minerais sont en baisse de 0,4 %.
Sur l’ensemble de l’année, le courtier norvégien RS Platou constate une croissance globale des trafics. Le tonnage transporté a progressé de 9 %, toutes marchandises confondues, les flux ont augmenté de 7 % alors que la productivité de la flotte a perdu deux points. Cette baisse de la productivité est perçue différemment selon la position en Atlantique ou en Pacifique. Pour RS Platou, cette différence s’explique par les repositionnements des navires d’un bassin à l’autre. Avec une réduction de la vitesse moyenne des navires de moins d’un nœud et une congestion portuaire toujours de mise, les armateurs peinent à conserver leur productivité. L’Australie et la Chine souffrent toujours des temps d’attente alors que les ports minéraliers brésiliens ont su trouver des parades avec des travaux d’infrastructure. Petit défaut dans la défense brésilienne, les terminaux céréaliers ont souffert d’une hausse de la congestion notamment pour les exportations de soja et les importations d’engrais.
Le creux de la vague
Du côté de l’offre, BRS analyse l’année passée comme « le creux de la vague » pour les constructions neuves. Au cours de cette période, 95 navires ont été livrés pour un tonnage de 21,3 Mt, soit 74 % de moins qu’en 2012. Dans le même temps, continue le courtier parisien, les démolitions ont baissé et notamment sur les six premiers mois. Au total, entre les livraisons, la réduction de la vitesse et les démolitions, la flotte a augmenté de 7 %. Un chiffre à peu près identique pour RS Platou qui estime la progression « à moins de 8 % ».
Avec le resserrement du marché et une demande qui continue à croître, la troisième mi-temps des opérateurs de vracs secs devrait commencer dès les premiers mois de l’année 2014. Les deux courtiers restent prudents. Pour BRS, « nous sommes confiants mais il convient de surveiller étroitement la production d’acier en Chine ». Un optimisme qui devrait durer en 2015 mais qui est plus compromis sur les années suivantes en raison de l’arrivée de navires neufs dits « économiques ». Pour RS Platou, la croissance des vracs secs est estimée aux alentours de 7 % à 8 % en raison de plus longs voyages sur les trafics de céréales et de produits forestiers. C’est dans les trafics de charbon et de minerais de fer que des changements de logistiques sont à prévoir. La demande risque de croître quand la congestion portuaire demeurera. C’est sur les repositionnements que les armateurs vont devoir jouer. Enfin, les velléités du gouvernement chinois de « verdir » leur politique industrielle pourraient fortement affecter la logistique des matières premières dans un avenir proche.