En guise de préambule, il convient de remarquer qu’il est quasiment impossible de trouver deux structures de financement identiques dans le domaine de l’offshore. Les sociétés de services offshore se financent différemment, ont des stratégies fiscales et de développement diverses et utilisent des équipements (souvent faits sur mesure) extrêmement variés avec des contrats d’affrètement (chartes) sur mesure. À cela, il faut ajouter le fait que rarement deux projets impliquent les mêmes juridictions, et que rarement deux juridictions suivent les mêmes réglementations et sont confrontées aux mêmes enjeux politiques. Ce qui suit est un aperçu de quelques structures classiques et des tendances remarquées dans divers projets récents. En termes très généraux, les structures de financement ont tendance à s’orienter vers l’une des deux catégories de financement suivantes (ou plus souvent une forme hybride des deux): le financement de projets ou le financement de type corporate.
Les recours limités ou complets
Le financement de projet est de temps en temps appelé financement à recours limité, car seul un soutien limité au crédit est fourni par la société de services offshore. Dans cette structure, les parties financières financent la construction ou l’amélioration d’un élément de l’équipement. Le soutien au crédit peut être limité à la phase de construction ou il peut se poursuivre jusqu’au stade d’exploitation mais seulement si certaines conditions sont réunies.
Ce type de financement est seulement disponible s’il y a un contrat d’affrètement avec prise ferme pour l’équipement. Même s’il y a généralement une hypothèque grevant l’équipement (et un ensemble de sûretés additionnelles), la garantie essentielle est le contrat d’affrètement. La qualité du crédit de l’affréteur (souvent un acteur majeur du secteur pétrolier) et les termes du contrat d’affrètement sont alors des éléments primordiaux. Une structure simple de financement de projets implique une société à but unique, appartenant à la société de services offshore, qui contracte avec le chantier ou le fournisseur s’occupant de l’amélioration du bien et qui, de manière ultime, va faire l’acquisition de l’actif. Cette société, directement ou indirectement, conclut la charte, et alors soit cette société directement, soit la société de services offshore (ou une autre société du même groupe) opère l’équipement pour le compte de l’affréteur.
Les financements de type corporate, par contraste avec les financements à recours limité, sont dits de recours complet, et l’accent se déplace alors de la qualité de la charte et du crédit de l’affréteur vers la qualité du crédit de la société de services offshore. Ce type de financement pourrait être utilisé pour financer un seul actif, mais il est le plus souvent utilisé pour fournir un financement à but plus large aux sociétés de services.
La nature et l’ampleur de l’ensemble des sûretés demandées vont dépendre de différents facteurs, y compris la qualité de crédit de la société de services offshore ainsi que la structure et de son groupe et de ses opérations. Parfois, il peut être nécessaire de fournir une sûreté sur l’ensemble de l’équipement, des contrats d’affrètement, autres chartes, contrats, comptes et parts sociales du groupe de sociétés. À l’opposé, il arrive que seuls les nantissements de parts sociales ou les hypothèques de certains équipements clés soient suffisants. Dans un cas comme dans l’autre, le respect de certains ratios financiers est exigé: il y a généralement des restrictions sur la distribution des dividendes, et toutes les sociétés du groupe ayant une surface financière importante devront apporter des garanties afin que les parties financières aient un accès direct à la plupart des actifs du groupe.
Les produits adossés aux marchés de capitaux ont vu leur popularité augmenter, alors qu’au même moment les sources traditionnelles de liquidité sont devenues rares, et que les principes utilisés dans les structures financières décrites ci-dessus pourraient aussi être utilisés dans ce contexte.
Les projets liés à l’industrie du pétrole et du gaz offshore affichent une matrice de risques complexe, déterminée par la nature de l’équipement et son cycle de vie. Certains des éléments de risque n’ont lieu qu’à certains moments d’un cycle, tandis que d’autres sont toujours présents. En d’autres termes, il y a deux étapes dans un projet pétrolier et gazier: l’étape de construction et l’étape d’exploitation. L’étape de construction est généralement appréhendée comme la phase la plus risquée, même si le risque ne disparaît pas totalement une fois que l’équipement est exploité.
Les risques demeurent après la construction du navire
Une fois qu’un contrat d’affrètement est accordé à une société de services offshore, l’étape suivante est normalement la construction ou la revalorisation d’une unité FPSO ou d’une unité de forage. La réputation et l’historique du chantier ou du fournisseur sont cruciaux car des dépassements de coûts et de délais peuvent mettre en péril le projet. La prise de sûretés durant cette étape n’aurait qu’un intérêt limité, donc les garanties d’achèvement et/ou les engagements en capital sont très importants. Le soutien d’une agence de crédit à l’exportation peut également apporter une amélioration nette. Une fois que l’équipement a été livré par le chantier ou le fournisseur sous la charte, il subsiste toutefois un risque résiduel de construction parce que les paiements sous le contrat d’affrètement peuvent être affectés par une sous-performance de l’équipement. Ce risque s’accroît quand il s’agit de nouvelles technologies, surtout s’il ne peut pas être vérifié jusqu’à ce que l’équipement soit totalement opérationnel. Le régime des périodes de non-performance de l’actif suspendant le paiement des loyers (off hire) dans le contrat d’affrètement doit être bien compris pour que les atténuations du risque puissent être évaluées. Les deux principaux risques à long terme durant la phase d’exploitation sont ceux associés à l’affréteur et à la société de services offshore. Le crédit de l’affréteur et les termes de la charte doivent être analysés minutieusement. Les parties financières veulent que le financement et leurs sûretés soient reconnus par l’affréteur et ceci peut causer des difficultés. D’une manière générale, les parties financières s’attendent à ce que les chartes résistent à toutes les épreuves (hell & high water) à moins qu’il y ait une difficulté avec l’équipement ou son exploitation par la société de services offshore.
Sur toile de fond des récentes marées noires et des changements prévus aux Principes de l’Equateur (qui s’appliquent maintenant spécifiquement aux financements offshore), les risques environnementaux et sociaux sont de plus en plus importants. La charte est souvent rédigée en incluant une indemnité pour les coûts de pollution au-delà d’un certain seuil afin de réduire le plus possible le risque de pollution, et les parties financières exigent généralement que la société de services offshore maintienne une couverture d’assurance pollution pour le risque non indemnisé. L’anticorruption est un autre risque qui affecte toutes les parties financières ainsi que les entreprises à travers tous les secteurs et qui est devenu encore plus proéminent ces dernières années.
L’exécution forcée existe mais reste rare
Pour les acteurs habituels du financement maritime mais nouveaux entrants dans le secteur pétrolier et gazier offshore, il peut apparaître étrange que la partie réservée à l’exécution forcée soit traitée en dernier dans l’analyse des risques. À première vue, le fait que l’identité de l’affréteur et l’emplacement de l’actif soient figés pourrait indiquer que la saisie de l’actif sera plus simple qu’avec un navire de commerce. En réalité, l’exécution forcée est très rare dans les financements offshore, non pas parce que le secteur ne souffre pas de difficultés, mais parce que les coûts que cela engendrerait l’emportent souvent sur les avantages de la saisie.
Les FPSO et les unités de forage ont tendance à être exploitées dans un champ spécifique sous un contrat d’affrètement unique pour toute la durée du financement. Les exigences du champ et de la charte sont souvent précises et l’équipement est donc fait sur commande. L’exploitation de ce champ est probablement d’une importance stratégique pour l’affréteur et potentiellement dans un contexte politique plus important.
Tous ces facteurs font que la saisie et la réaffectation de l’équipement seront extrêmement difficiles. Si l’affréteur coopère, le processus sera plus facile, mais même dans cette situation, les coûts seront considérables et la réaffectation sera probablement impossible sans d’importants coûts de travaux supplémentaires sur l’équipement.
Bien que le secteur pétrolier et gazier offshore ait mieux survécu que d’autres aux récents troubles économiques, la diversification des sources de financement continue à être un sujet d’actualité. Certaines banques ont su se positionner rapidement dans la quête de nouvelles sources de liquidité, créant des alliances avec des banques moins expérimentées et d’autres institutions financières qui n’ont pas ou peu d’expertise. Les gouvernements, y compris les agences de crédit à l’exportation, ont aussi été invités à participer à ces nouvelles structures. Les investisseurs institutionnels comme les assureurs, les fonds d’investissement, sont perçus comme étant la solution au déficit continu du financement – agissant de manière indépendante, par le biais des gestionnaires de fonds ou de marchés de capitaux. Ils sont toutefois confrontés à d’autres difficultés en matière de réglementation qui ont eux aussi besoin d’être pris en considération dans l’équilibre général de ces opérations.
Bien que le paysage post-2009 soit sinistré, la résilience et la croissance dans le secteur pétrolier et gazier offshore demeurent une source d’optimisme. Motivés par un appétit continu, quelques acteurs clés ont développé certains de leurs produits les plus novateurs durant cette période éprouvante. Il reste à voir si les principes sous-jacents seront traduits et affinés par d’autres secteurs de l’industrie maritime quand ceux-ci verront aussi le jour.