Le coût de la réforme portuaire, la perte de recettes avec l’hémorragie des hydrocarbures et le poids de la crise économique impactent financièrement l’établissement public de Marseille-Fos. Le port devra apprendre à se développer avec moins de voilure. C’est le relais en forme de message que font passer Patrick Daher, président du conseil de surveillance et Jean Claude Terrier, président du directoire.
« Notre port est héritier des trente Glorieuses. Nous sommes restés sur l’idée qu’il suffisait de disposer d’outils pour créer de la richesse. […] Le port devra devenir plus intelligent », glisse le premier. « Il va falloir changer d’idole. Passer du million de tonnes à l’euro, ne pas s’aveugler à la recherche de tonnage, mais à celle de la valeur ajoutée », rajoute le second.
Et tout deux de souligner qu’« à l’horizon des cinq ans, le problème ne réside pas dans de nouvelles infrastructures, mais dans la recherche de nouveaux clients ».
Des moyens de manœuvres réduits
Marseille-Fos serait donc arrivé à l’os. Une période dans laquelle « les moyens de manœuvre sont réduits, les coûts sont plus difficilement phasables » et les retours sur investissement seront « assez longs à se mettre en place ». La lecture des derniers chiffres du trafic (voir JMM du 6 décembre) est éloquente: la jauge du tonnage n’a jamais aussi basse. Depuis 25 ans, Marseille-Fos n’a fait qu’amplifier un déclassement qui se mesure sur les podiums portuaires: 6e rang européen (alors qu’il était récemment un solide deuxième), 2e méditerranéen pour le global, 17e port méditerranéen pour les conteneurs.
Les pertes ne se calculent pas seulement en millions de tonnes (en 1997, le volume des hydrocarbures a été de 64,8 Mt, il sera de 46,4 Mt en 2013), elles impactent les comptes et, au-delà, les investissements d’un port qui se sont adossés à cette rente. En cinq ans, le GPMM a perdu un tiers de son chiffre d’affaires. Les terminaux pétroliers broient du noir. Une quinzaine de salariés de Fluxel, la filiale semi-privée, ont fait jouer leur « parachute » pour revenir au sein de l’établissement public (seuls cas enregistrés sur Marseille depuis la réforme de la manutention).
De quelle marge de manœuvre, de quelles pistes disposeront les prochaines équipes portuaires dirigeantes? En attendant le prochain plan stratégique qui devrait être rendu public fin 2014, Patrick Daher invite l’établissement et les entreprises à resserrer les efforts sur le commercial. Interrogé sur les opportunités, Jean-Claude Terrier énumère « les conteneurs, le GNL, les vracs solides dont les céréales (“pour lesquelles les investisseurs se manifestent”), les voitures neuves (un 3e terminal voitures exploité par TEA, filiale Charles André, vient d’être annoncé sur Fos Brûle-Tabac pour 2014), la réparation navale et les passagers ».
Le poids du territorial
De simple outil du commerce extérieur, le port a pris conscience de son rôle d’infrastructure d’aménagement et de développement territorial. À la suite de la charte ville/port signée à Marseille, Patrick Daher invite son successeur à œuvrer pour une charte du même type pour les bassins Ouest. Le conseil de développement a préparé les bases du dialogue. Ce glissement accompagne celui des financeurs. Dans la plupart des projets, les collectivités territoriales contribuent plus que l’État.
Que pèse alors la valeur ajoutée portuaire? Le cas le plus flagrant est la croisière. En une dizaine d’années, Marseille s’est hissée dans le top 10 méditerranéen de ce marché. En 2013, il dépasse le million de passagers (1,15 Mpax) qui générerait des retombées de 80 M€ sur la région. Pour sa part, le port est réduit aux acquêts. Cette activité lui apporte des recettes annuelles de 6 M€ alors qu’en 15 ans, quelque 62 M€ seront injectés. À elle seule, l’opération d’élargissement de la passe Nord en cours coûtera 32 M€. Des ratios qu’il faut mettre en regard avec ceux de la desserte Corse qui apporte 6 % de son chiffre d’affaires au GPMM et pour qui la SNCM est le premier client sur les bassins Ouest.
Dans le même temps et à une encablure du terminal croisière, le projet de terminal de transport combiné de Mourepiane patine sur ses rails. Cette plate-forme logistique mer-rail-route, « point d’accès privilégié et massifié pour Marseille », peine à boucler son financement aujourd’hui assuré à 80 %. Barcelone, où passent deux millions de croisiéristes, traite 2 MEVP dans son enceinte. « Et la métropole catalane n’est pas prête de lâcher ce dernier secteur », compare Marc Reverchon, président du conseil de développement.