Équidistant entre l’Europe du Nord et du Sud, Dunkerque accueille depuis décembre 2012 quatre nouvelles lignes de short sea. Ce fut d’abord l’Agadir Express de CMA CGM, commercialement vendu sous le nom de Dunkrus; puis la ligne entre Dunkerque et Saint-Petersbourg, suivie par celle avec le Portugal par Mac Andrews. Enfin, depuis le 5 novembre, Unifeeder est venu renforcer les rotations vers les ports de la Baltique. L’égalité est respectée à tous les niveaux: équidistance entre le sud et le nord de l’Europe, même nombre de services depuis le Sud et le Nord, ce qui amène Christine Cabau-Woehrel à parler de la cohérence géographique maritime du port de Dunkerque. Outre ces liaisons conteneurisées, Dunkerque tire profit de sa présence sur le détroit du Pas-de-Calais avec les liaisons de DFDS sur Douvres pour faire entrer la Grande-Bretagne dans son giron de hub intra-européen.
Une partie non négligeable de ces trafics en intra-européen concerne des marchandises sous température dirigée. « Une grande partie de l’intra-européen est constituée de produits frais, mais nous voulons être présents sur tous les créneaux, continue la présidente du directoire de Dunkerque. Nous voulons offrir une alternative compétitive au transport routier. » Avec l’ouverture de ces différentes lignes, une partie des trafics qui auparavant étaient réalisés par voie routière peut dorénavant être partiellement transférée vers du report modal en mode maritime. « Notre pertinence sur cette filière nous ouvre la voie vers de nouveaux débouchés. » Pour Christine Cabau-Woehrel, ce report modal est réel même si les volumes sont difficiles à quantifier. Elle cite l’exemple de la ligne avec le Maroc de CMA CGM. Les navires touchent Dunkerque le dimanche et peuvent se connecter avec la ligne sur Saint-Petersbourg dès le lundi matin. Au total, en neuf jours et demi, les conteneurs quittent Agadir pour se rendre en Russie. Dans ce cas-là, ce sont quelque 100 camions par semaine en moins sur les routes européennes. Et ces chiffres pourraient se décliner sur d’autres rotations.
En venant s’implanter dans le port du Pas-de-Calais, Unifeeder apporte aussi un savoir-faire spécialisé sur le short sea. Avec ses conteneurs de 45’, l’armateur s’est fait une spécialité des trafics intra-européens. Il a créé un hub à Rotterdam pour distribuer les conteneurs vers les ports scandinaves.
Ce développement sur l’intra-européen ne devrait pas s’arrêter là. « Nous croyons beaucoup au potentiel des ports anglais secondaires. » Les capacités logistiques en entrepôt du port de Dunkerque sont un nouvel atout dans la poche du port pour offrir de nouvelles opportunités. « Pour le client en short sea, le prix est un élément important. Il cherche à avoir une solution à un prix compétitif par rapport à la route, mais aussi des opérations portuaires efficaces et une offre diversifiée. C’est ce que nous lui proposons en coordinateur de solutions logistiques intégrées. Il faut maintenant que le chargeur sache en tirer profit dans son schéma logistique. »
Cette stratégie sur le short sea aura pour avantage d’attirer de nouveaux débouchés pour le port. Aujourd’hui, ce sont quelque 70 % du fret régional du Nord Pas-de-Calais qui passent par d’autres ports. « Il faut que nous retrouvions notre place de port dédié du Nord Pas-de-Calais », soutient Christine Cabau-Woehrel. La tâche s’annonce lourde mais le potentiel est présent.
D’ores et déjà, Dunkerque a réussi à avoir une escale confirmée dans le cadre des nouveaux services du P3 sur les loops Asie/Europe avec un temps de transit amélioré sur l’import en provenance d’Asie. Dunkerque se rapproche de l’Asie grâce à des améliorations de trois à quatre jours. Sur l’export, les nouveaux services du P3 offrent de nouvelles destinations, notamment Malte et Djeddah. De plus, le port entend renforcer la densité des dessertes terrestres, d’abord avec une nouvelle navette fluviale vers Lille et Dourges (voir encadré ci-contre). Elle assure deux départs par semaine dans chaque sens en reliant Dunkerque aux plateformes fluviales de Lille et de Dourges.
Avant même que ces trafics ne soient tous opérationnels, Dunkerque-Port récolte les fruits de sa politique avec une hausse sensible de son trafic conteneurisé en 2013. « À fin octobre, le trafic conteneurisé du port est en hausse de 9 % et il affiche une croissance de 11 % de ses conteneurs pleins », souligne la présidente du directoire.
Si du côté des conteneurs la situation est sur la bonne voie, il en est bien autrement pour les vracs secs. La fermeture de la centrale thermique de Eon, en Angleterre, a porté un coup au trafic charbonnier en transbordement. La présidente du directoire ne voit pas de croissance pour ces trafics de charbon. Pourtant, un axe de croissance existe sur les activités de transbordement pour les grands vracs solides. « Nous avons déjà procédé à des opérations de transbordement pour le compte d’Arcelor vers leur usine de Brême. Nous pouvons le faire pour d’autres produits, ou d’autres destinations européennes ou intercontinentales. » Le port a une position géographique stratégique, il n’est qu’à 90 mn de mer du rail du détroit du Pas-de-Calais. Il dispose de quais avec une profondeur de 18,5 m, ce qui lui permet de recevoir les plus grands navires dans le domaine du vrac.
Si la situation sur les vracs secs s’annonce difficile, l’avenir peut réserver de bonnes surprises. En effet, Arcelor Mittal a décidé d’investir dans la rénovation du troisième haut-fourneau du site de Dunkerque pour un montant de 100 M€. Un tel investissement se traduira par de nouveaux approvisionnements en matières premières.
Une nouvelle navette fluviale vers Lille et Dourges
Depuis le 26 octobre, une nouvelle navette fluviale relie Dunkerque à Lille et Dourges. Le Nord Ports Shuttle se présente comme un service fluvial de proximité. Il est exploité par un partenariat public privé regroupant Dunkerque-Port, la CFT (Compagnie fluviale de transport), la CCI du Grand Lille et le Terminal des Flandres. Cette navette assure deux rotations hebdomadaires entre les trois ports. Le service est assuré par la barge Carina, d’une capacité de 78 EVP, et du pousseur P’tit-Murène. Le service offre une capacité annuelle de 7 500 EVP dans chaque sens, soit 15 000 EVP par an au total. Sur le plan douanier, une procédure fluvio-maritime (PFM) visant à simplifier les procédures est mise en place avec les services des Douanes pour permettre une prise en charge dématérialisée du statut douanier de la marchandise, via le système informatique portuaire AP+. « L’objectif de cette nouvelle desserte est de pérenniser l’offre fluviale massifiée entre les plates-formes portuaires de Dunkerque, Lille et Dourges et de promouvoir également une offre fluviale de proximité permettant aux industriels et aux chargeurs de la région de consolider leurs volumes de conteneurs par le port de Dunkerque sur une offre compétitive et fiable », soulignent les partenaires de NPS.