Les grandes villes portuaires de l’ouest de l’Afrique sont toutes des capitales économiques au fort potentiel de croissance. Les autorités portuaires, de Dakar à Walvis Bay, déploient de très ambitieux projets de modernisation de leurs infrastructures afin de soutenir les perspectives de consommation des populations subsahariennes. Un secteur demeure cependant encore confidentiel: celui d’une croisière d’un nouveau genre, basé sur l’authenticité et la découverte culturelle de territoires (encore) épargnés par le tourisme de masse et les effets uniformisants de la mondialisation.
Les croisières culturelles et d’aventure: niches pour les marchés subsahariens
Avec 20 millions de passagers pour 2020, la croissance à deux chiffres du marché mondial de la croisière continue d’évoluer rapidement. Caraïbes et Méditerranée concentrent la quintessence d’un marché de masse. L’Arctique et la Baltique de même que la mer de Chine et demain l’Afrique constituent les marchés émergents où les modèles de croissance ne se basent pas nécessairement sur les mêmes critères. Et c’est bien parce que la structure du marché mondial de la croisière devrait évoluer que l’Afrique subsaharienne peut devenir un marché atypique.
Première tendance importante: le gigantisme. Cela a pour conséquence à terme une sorte de « cascading effect » des capacités avec des navires de moyenne et grande taille qui devront être déplacés progressivement sur des routes moins porteuses que les grands marchés caribéens ou méditerranéens. Le continent africain constitue un espace de marché idéal pour l’accueil de ces navires.
Deuxième tendance: l’inflation dans l’hyper luxe, ce qui a aussi pour effet de rapidement déclasser des séries de navires qui ont encore une espérance de vie intéressante, mais plus sur les routes les plus porteuses. Sans réels ajustements techniques ou esthétiques, ces navires trouvent une seconde vie sur des marchés qui émergent sur des modèles d’affaires différents.
Troisième tendance en émergence: les croisières d’un autre genre où le consommateur vise à découvrir différemment un pays. Le navire n’est plus une attraction en soi mais bien le moyen de rallier des places portuaires exotiques avec des visites culturelles, voire ethnographiques, pour un public avisé en quête d’un sens très différent, et vendu par des spécialistes d’un tourisme « démassifié ».
Recréer des relations ville-port pour structurer l’attractivité
Les défis demeurent importants pour transformer les opportunités de la croisière en Afrique de l’Ouest. Mais les édiles doivent comprendre que ces menaces deviennent des opportunités si les investissements se planifient dans une vision stratégique d’aménagement de l’espace métropolitain et portuaire. Les sécurités physique et sanitaire des passagers exigent de nouveaux services et de nouvelles compétences que des tour operators locaux doivent être en mesure d’assumer. Les offices du tourisme et les agences de voyage ont réussi à structurer des prestations de haute qualité pour les touristes issus de l’aérien. Dans le contexte de la croisière, la ville se doit d’accompagner l’autorité portuaire pour structurer des offres de services et de prestations génératrices de valeur ajoutée sur les populations locales/ régionales. La fourniture de guides spécialisés, tout simplement, peut être du ressort des services publics, en partenariat avec les chambres de commerce et un tissu d’entrepreneurs locaux.
Les accès depuis des infrastructures portuaires dédiées vers les sites à visiter (au sein de la ville et en dehors) exigent des planifications urbaines où les circulations doivent être fiables et sécurisées. La promotion et le marketing de ces nouveaux débouchés touristiques doivent être structurés. Les autorités des villes ont une responsabilité dans l’orchestration des efforts collectifs à fournir. Une approche communautaire et intégrée doit être pensée où les standards de qualité seront essentiels pour fidéliser des rotations et des services associés aux passagers ainsi qu’aux navires.
Avec la croissance rapide d’une consommation locale par une classe moyenne supérieure africaine, de nouvelles opportunités d’affaires émergent en lien avec un entrepreneuriat local stimulé. Ports, villes et tissu local doivent prendre le défi de la croisière pour moderniser les infrastructures et les pratiques.
Inventer une gouvernance adaptée…
La concertation et la conciliation entre les autorités urbaines et portuaires s’avèrent cruciales pour définir concrètement qui fait quoi et quand au moment d’une escale d’un navire de croisière. Orchestrer ces actions exige des organes de supervision qui incluent non seulement les professionnels du tourisme, les entrepreneurs locaux (exemple d’une société de bus climatisés) mais aussi les restaurateurs et toutes les parties prenantes actives dans la fourniture de services aux passagers… et aux navires. Dans ce contexte, l’autorité portuaire a un rôle moteur qu’elle doit savoir partager au moment où s’organisent l’entrée et la sortie des croisiéristes de son terminal. Structurer une gouvernance innovante pour englober toutes les contraintes et toutes les opportunités, demeure un enjeu majeur du développement à venir des villes et des ports subsahariens. Et cela dépasse largement le prisme de la croisière!