Un chargement non conforme a entraîné un défaut de stabilité

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La commission d’enquête de la Direction de l’eau et de la navigation du sud-ouest (WSV.de) de l’Allemagne a publié un « rapport définitif relatif au déroulement et aux causes de l’avarie du bateau-citerne Waldhof survenue le 13 janvier 2011 sur le Rhin moyen ». WSV.de, installée à Mayence, a réalisé une enquête en sa qualité d’autorité de police compétente, désignée par décret du ministère fédéral du transport le 31 janvier 2011. « L’objectif de l’enquête est exclusivement de déterminer les circonstances de l’accident, de rédiger un rapport et, le cas échéant, de proposer des recommandations de sécurité visant à prévenir des événements futurs susceptibles de provoquer des dommages ou de présenter un danger », indique le rapport en avant-propos. Il ne faut donc pas chercher dans le document des précisions sur d’éventuelles erreurs commises ou sur des responsabilités. L’étude n’a pas non plus examiné ni évalué les conséquences de l’avarie sur la navigation du Rhin ou sur l’économie.

Le rapport rappelle le déroulement de l’avarie. Le Waldhof a quitté Ludwigshafen le 12 janvier 2011 vers 21 h 30 avec à son bord une cargaison de 2 378 t d’acide sulfurique à 96 %, et a fait route vers l’aval à destination d’Anvers. À 4 h 29, le 13 janvier, le Waldhof s’est signalé à la centrale de secteur Oberwesel. Dans les minutes suivantes, il a croisé un convoi poussé, un automoteur à marchandises puis, à 4 h 41, un bateau-conteneurs, ces trois unités faisant route vers l’amont. À 4 h 42, le Waldhof a chaviré à 180° vers tribord en aval de la courbe du Betteck et à hauteur de la balise de démarcation du chenal navigable au point kilométrique (PK) 553,75. Il a disparu des écrans radars de la centrale du secteur compris entre Oberwesel et Saint Goar et dérivé vers l’aval en position retournée. À 4 h 52, le Waldhof s’est échoué par la poupe au PK 555,33 avant de se redresser sous l’effet du courant et de s’immobiliser sur le bord droit du chenal navigable, proue vers l’aval et couché sur le côté bâbord. Le chavirage du Waldhof a entraîné la mort d’un batelier, la disparition d’un autre, toujours non retrouvé à ce jour, précise le document de WSV.de. Deux membres d’équipage ont été sérieusement blessés et secourus. Entre 1 500 t et 1 800 t d’acide sulfurique se sont déversées dans le Rhin. Environ 500 t ont pu être transbordées à bord d’un autre bateau-citerne. Jusqu’à l’achèvement des mesures de renflouement, le trafic sur le fleuve a été interrompu partiellement ou intégralement durant 32 jours. En amont de l’avarie, jusqu’à 450 bateaux n’ont pas pu poursuivre leur voyage vers l’aval.

Pas de calculateur de chargement

L’analyse de l’avarie a permis aux experts de la commission chargée de l’enquête d’aboutir à plusieurs conclusions. Certaines d’entre elles montrent que les réglementations ont été bien respectées. Il en va ainsi pour la construction et l’équipement du Waldhof au moment de l’avarie, pour la qualification et le nombre des membres d’équipage, pour la présence à bord de spécialistes formés et diplômés pour le transport de produits chimiques. Le voyage vers l’aval du Waldhof, « alors que la hauteur d’eau était supérieure à la marque de crue 1, avec les fortes vitesses de courant qui en ont résulté et la densité particulièrement élevée du trafic », a été conforme aux prescriptions. Le transport d’acide sulfurique à 96 % (densité égale à 1,84 t/m3) par le Waldhof a été conforme au certificat d’agrément de l’Accord pour le transport des marchandises dangereuses sur le Rhin (ADN) délivré au bateau en liaison avec la « liste des matières » établies par la société de classification. « La hauteur maximale de remplissage des sept citernes à cargaison (70,8 %) a été respectée, les degrés de chargement étant compris entre 50 % et 61 %. » La solidité longitudinale de la coque n’a donc pas été menacée. L’autre partie des conclusions des experts, suite à l’analyse de l’avarie, explique le chavirage. Les calculs de stabilité vérifiés, complétés et validés par la société de classification montrent que « la stabilité n’était attestée pour le Waldhof que pour les cas de chargement jusqu’à une densité de la cargaison de 1,62 t/m3 avec un enfoncement maximal de 3,11 m ». En cas de chargement d’une cargaison d’une densité autre que celle-ci, un calculateur de chargement agréé par le Germanischer Lloyd aurait dû être présent à bord du Waldhof. Aucun appareil de ce type n’a été trouvé à bord. « Au moment de l’avarie, le Waldhof ne remplit donc pas les critères de stabilité de l’ADN version 2003, ni celle de 2011, et ne satisfait pas aux exigences de la prescription générale relative à la stabilité de l’article 1,07, chiffre 3, du Règlement de police pour la navigation du Rhin. » De plus, les études réalisées sur un simulateur de conduite ont fait apparaître que « les moments d’inertie en roulis avec effet de gîte ont atteint leur maximum au PK 553,75 » dans le secteur où s’est produite l’avarie. Elles ont aussi montré « la présence de courants dans le chenal navigable qui provoquent pour un avalant un moment de gîte à tribord ». Enfin, « la somme de tous les moments de gîte a provoqué le chavirage ». L’ensemble des conclusions issues de l’analyse a permis aux experts de dégager une cause principale de l’avarie. « Le Waldhof a entamé et effectué son voyage bien que la stabilité suffisante et conforme aux prescriptions n’ait pas été assurée, en raison d’un chargement non conforme (chargement partiel de l’ensemble des sept citernes à cargaison). »

À cette cause principale se sont ajoutés d’autres facteurs. Il y a eu de fortes accélérations transversales durant le passage de la courbe du Betteck. Il y a eu des moments de gîte résultant des effets dynamiques dus aux mouvements de la cargaison dans les citernes et des flux dimensionnels autour de la coque du bateau avec formation de zone de dépression sur le côté tribord. « Additionnés, les moments de gîte résultant du passage de la courbe mais aussi des mouvements de la cargaison et du sloshing, ainsi que les flux tridimensionnels autour de la coque du bateau du côté tribord, ont dépassé le moment de redressement maximal possible, de sorte que le bateau chargé de manière non conforme a chaviré à tribord de 180o », explique le document de WSV.de.

Des cloisons centrales longitudinales ou non

Après la description des causes de l’avarie, les experts de la commission d’enquête présentent des recommandations. Le rapport suggère « l’obligation à court terme de posséder et d’utiliser un équipement AIS et ECDIS intérieur ». Il faudrait aussi « introduire une interdiction de dépassement applicable aux bâtiments et convois au niveau de Betteck, de Bankeck et de Tauberwerth sur le Rhin moyen lorsqu’est atteinte la marque de crue 1, en raison des vitesses élevées du courant ». Le rapport propose aussi de signaler le secteur entre Oberwesel et Saint Goar comme étant une « Caution Area » afin d’attirer l’attention des bateliers sur les spécificités de la zone. Plusieurs préconisations portent sur la formation des bateliers notamment concernant la stabilité des unités aussi bien en cale sèche qu’en cale citerne ou l’utilisation des calculateurs de chargement.

Le rapport conclut sur la question, « largement discutée dans les milieux spécialisés », de la nécessité ou non de cloisons centrales longitudinales à bord des bateaux-citernes à double coque. La commission d’enquête « ne juge pas nécessaire » de tels dispositifs. Le document de WSV.de rappelle que les bateaux-citernes à double coque de la navigation intérieure sont fondamentalement sûrs, « sous réserve que soient respectées et appliquées les prescriptions relatives à la stabilité figurant dans l’ADN et que soient pris en compte, lors du chargement du bateau, les calculs de stabilité correspondant à ce bateau, lesquels ont été contrôlés par la société de classification ». Pour les experts de la commission d’enquête, les dispositions de l’ADN 2011 relatives à la stabilité et les prescriptions complétées par l’ADN 2013 offrent un niveau de sécurité comparable à celui assuré par la présence de cloisons centrales longitudinales. « Par conséquent, il convient de laisser aux propriétaires concernés le choix entre l’une ou l’autre de ces options. »

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