La filière du ciment soulève une polémique depuis plusieurs mois au Havre. À l’origine de l’affaire, un projet d’installation de silos de stockage de clinker (matière première permettant de produire du ciment) à proximité directe de la cimenterie Lafarge à Saint-Vigor. Sous l’action d’élus, notamment la députée socialiste Estelle Grelier, le préfet de Seine-Maritime vient de suspendre le projet en demandant aux maires des communes concernées de surseoir à la signature des permis de construire. Récemment, la parlementaire a alerté le ministère du Redressement productif et celui des Transports, de la Mer et de la Pêche au sujet de cette implantation qui risque, selon elle, de fragiliser la production locale à cause d’une concurrence qu’elle juge déloyale. Même son de cloche chez Jean-Paul Lecoq, le maire de Gonfreville l’Orcher, qui a alerté également les pouvoirs publics sur ce dossier porté par une filiale de la société Smeg. Cette perspective d’installation de silos sur les communes de Rogerville et Oudalle dans l’agglomération havraise vient s’ajouter à un autre projet également lié à la production de ciment, l’installation toujours par Smeg d’une unité de broyage de clinker d’une capacité de 500 000 t à proximité du terminal multivrac, une implantation qui obtenu le feu vert du Grand port maritime du Havre avec la signature d’une convention d’occupation temporaire d’un terrain de 8 ha. Sur l’implantation des silos, le préfet a demandé également qu’une étude complémentaire soit diligentée par la Dreal pour en mesurer l’impact environnemental.
Une crise sans précédent
La députée Estelle Grelier rappelle que la cimenterie Lafarge ne fonctionne aujourd’hui qu’à 60 % de ses capacités, un seuil en dessous duquel elle pourrait difficilement maintenir les emplois existants selon son analyse. La députée rappelle que l’industrie cimentière traverse une crise sans précédent avec une consommation qui devrait atteindre en 2014 son niveau le plus bas depuis 40 ans. Jean- Louis Sibioude, le directeur du site Lafarge, ne cache pas que ces deux projets constituent un sujet de préoccupation. « Localement, il n’y a pas de place pour trois acteurs. Notre préoccupation est à la fois économique et sociale. Les salariés sont inquiets. Aujourd’hui, notre site représente 190 emplois directs et 700 emplois indirects. Le marché local représente pour nous une production de 400 000 t. Le reste de notre production, soit 600 000 t, est destiné pour une grande part à la région parisienne. Il est clair que toute perte de part de marché même minime suffirait à nous mettre en péril », analyse le responsable. Au passage, Jean-Louis Sibioude explique que l’usine a réduit de 30 % ses émissions de CO2 et que le groupe Lafage devrait investir 80 M€ pour pérenniser le site. Pour David Auguet, délégué syndical CGT, le clinker qui pourrait être importé pour l’activité de la Smeg proviendrait de pays émergents comme la Turquie, un clinker qui n’est pas soumis aux mêmes contraintes environnementales européennes, d’où son moindre coût. Si David Auguet se félicite de la décision préfectorale, le syndicaliste aurait souhaité qu’une étude d’impact économique soit diligentée. Une affaire à suivre.