Le port se lance dans le grand bain

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Inauguré le 21 septembre, il est le premier site en eaux profondes de la façade maritime allemande et donc le seul capable d’accueillir les porte-conteneurs géants. Une infrastructure stratégique pour l’Allemagne: la petite ville de Basse Saxe entend faire de l’ombre à Rotterdam ou Zeebrugge. Mais sa mise en service intervient dans un contexte difficile. Pour l’instant, les clients ne se bousculent pas au portillon.

C’est le port de tous les superlatifs: un quai long de 1 725 m, les « plus grands portiques de manutention au monde » et une facture qui avoisine le milliard d’euros, réglée en grande partie par le land de Basse Saxe. Inauguré en grande pompe le 21 septembre, le terminal de Wilhelmshaven est surtout le premier port en eaux profondes d’Allemagne. Avec un tirant d’eau de 18 m garanti même à marée basse, il est ainsi le seul outre-Rhin capable d’accueillir les porte-conteneurs de 10 000 EVP et plus. « L’Allemagne est une nation exportatrice et 90 % des marchandises transitent par la façade maritime dans les deux sens. C’est pourquoi cette infrastructure revêt une importance toute particulière », souligne Philipp Rösler, le ministre de l’Économie. À l’heure où des navires toujours plus grands sortent des chantiers navals, l’Allemagne entend ainsi rester dans la course. Actuellement, 250 porte-conteneurs de plus de 10 000 EVP sont en circulation et 170 autres sont en cours de construction, certains atteignant même 16 000 EVP voire 18 000 EVP. Et la crise de surcapacité dans l’économie maritime n’y changera rien: l’écrasante majorité des armateurs estiment que ces navires seront bel et bien mis en service, selon une enquête menée par Uni Credit l’an dernier.

Pas question donc pour les Allemands de laisser filer à Rotterdam, Anvers ou Zeebrugge ces nouveaux types de trafics. De ce point de vue, le nouveau site de Wilhelmshaven est donc salué par les observateurs. Hambourg et Bremerhaven n’étant pas en mesure d’accueillir les très grands navires du futur, la façade maritime allemande a impérativement besoin de capacités supplémentaires. D’autant qu’au-delà de la profondeur des bassins, les deux grands ports allemands ne peuvent plus vraiment s’agrandir, faute de place. « Au départ, Wilhelmshaven a été conçu comme un complément de ses voisins et non comme un concurrent », rappelle Burkard Lemper, de l’institut de l’économie maritime de Brême.

De fait, le projet a été élaboré il y a dix ans, en plein essor du commerce maritime mondial. À l’époque, Hambourg enregistrait des taux de croissance à deux chiffres, battant chaque année des records de volumes. La crise des subprimes et la récession de 2009 ont laminé cet élan. Frappés de plein fouet, les échanges mondiaux ont, entre-temps, certes repris des couleurs, mais les volumes qui transitent par les terminaux de la ville hanséatique n’ont toujours par retrouvé les niveaux d’avant la crise.

Un climat plus difficile que prévu

Du coup, la mise en service du nouveau site intervient dans un climat plus difficile que prévu. La preuve: les clients ne se bousculent pas au portillon. Seul Mærsk, qui a symboliquement inauguré les nouvelles infrastructures en déchargeant le tout premier conteneur, a pour l’heure manifesté son intérêt. Le premier armateur mondial prévoit de lancer deux nouvelles lignes à partir des quais flambant neuf de Wilhelmshaven: l’une en direction de l’Amérique du Sud, la seconde vers l’Extrême-Orient. Deux navires par semaine, pour un volume global de 640 000 EVP d’ici la fin de l’année. Mais pour l’instant, rien d’autre à l’horizon. « Nous sommes en discussion avec d’autres compagnies mais aucun contrat n’a encore été conclu », reconnaît Emanuel Schiffer, co-président d’Eurogate, l’opérateur portuaire.

Les mauvaises langues relativisent par ailleurs la portée du con­trat avec Mærsk: via sa filiale APM, l’armateur est engagé dans la gestion d’un terminal sur le nouveau site. « Il n’est donc pas surprenant que le Danois accoste à Wilhelmshaven », note le quotidien économique Handelsblatt. En clair: le plus dur reste à faire pour s’établir sur les routes maritimes internationales et séduire davantage d’armateurs.

Il faut dire qu’au-delà du contexte conjoncturel défavorable, le site est handicapé par la faiblesse de son hinterland. À l’inverse de Hambourg, la petite ville de Basse-Saxe est plantée au beau milieu d’un désert économique et industriel. Ainsi, seule une entreprise s’est installée sur la zone de logistique de 160 ha située à proximité des quais. « Tous les grands armateurs ont installé leurs quartiers généraux européens à Hambourg: ils ne vont pas déménager chez nous du jour au lendemain », admet, un brin défaitiste, Emanuel Schiffer, le président d’Eurogate.

Quoi qu’il en soit, Wilhelmshaven ne joue pas dans la même catégorie que son prestigieux voisin: même lorsqu’il tournera à plein régime, le port en eaux profondes ne pourra pas manutentionner plus de 2,7 MEVP par an. À titre de comparaison, Hambourg a vu transiter neuf millions de conteneurs l’an dernier: plus du triple.

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