Le Port de Sines situé sur la façade atlantique, à 160 km au sud de Lisbonne la capitale portugaise, affiche une bonne santé qui détonne dans le contexte de morosité économique qui affecte l’Europe du sud. La zone portuaire de Sines s’étend sur 2 000 ha, entre complexes pétrochimiques, terminaux de conteneurs et entreprises sous-traitantes, et son dynamisme est exemplaire. Dirigée de main de maître par Lidia Sequeira depuis 2005, l’Administration du port de Sines (APS) peut s’enorgueillir des très bons résultats atteints au premier semestre de 2012: 22 % d’augmentation du volume transporté (14,2 Mt) par rapport à la même période de l’an dernier. Sines a bouclé l’année 2011 avec un bénéfice de 8,4 M€ (contre 2,4 M€ en 2010). L’une des fiertés légitimes de la présidente du conseil d’administration du port est d’avoir, en sept ans, ramené les comptes de l’activité à l’équilibre (− 78 M€ en 2004). Mais Lidia Sequeira, en économiste avisée, reconnaît la férocité d’un marché ouvert fortement concurrentiel. Le hub portuaire de Sines doit se battre sur tous les fronts de la rapidité, de l’efficacité et de la maîtrise des coûts s’il veut avoir les moyens de ses ambitions. L’APS souscrit la stratégie du développement maritime voulue par les gouvernements successifs du Portugal depuis 2005, avec le soutien de l’Union européenne (le président de la Commission européenne, le Portugais José Manuel Durão Barroso, s’est impliqué personnellement dans le développement portuaire du Portugal). Une stratégie qui commence à porter ses fruits. Le port de Sines a décidé de relever dès maintenant les défis soulevés par les nouvelles routes maritimes, notamment dans la perspective de l’élargissement du canal de Panama. En comptant sur un allié de poids: la Chine.
Un port multimodal bien adapté
Construit à partir de 1978, le port de Sines comprend désormais cinq zones de commerce. Le terminal pour le vrac liquide, équipé de six points d’accostage, pouvant recevoir des navires de 350 t. Le terminal pétrochimique, directement relié à la zone industrielle, est pour sa part équipé de deux points d’accostage pouvant recevoir des navires de 20 000 m3. Le terminal des vracs solides, largement dominé par le charbon, peut recevoir jusqu’à quatre navires (190 000 t maximum). Le quatrième terminal est celui du gaz naturel liquéfié, l’un des plus importants puisqu’il assure 60 % des besoins du Portugal. Enfin, le joyau de la couronne, le terminal conteneurs, appelé Terminal XXI.
La concession de ce terminal a été attribuée à PSA-Port of Singapore Authority en 1999. « Il s’agit d’un contrat type POT-Pay Operate Transfert, assez rare dans l’Union européenne voire au niveau mondial, et qui implique la prise en charge de la construction des infrastructures et superstructures par PSA qui termine actuellement la troisième phase du projet du Terminal XXI. En dix ans, les quais ont été conquis sur la mer. Et deux des trois phases prévues sont désormais bouclées, après l’inauguration de la seconde tranche des travaux en mars », explique Rui Pinto, directeur du Terminal XXI. Le responsable ne cache pas sa satisfaction, alors que désormais Sines peut recevoir des navires de 14 000 EVP, contre 6 500 EVP au début de la construction du terminal de conteneurs. « Nous recevons des navires en provenance de Chine chargés de 2 000 conteneurs, contre 200 ou 300 il y a encore quelques années. Et nous transbordons le fret en 24 heures. C’est seulement en augmentant notre productivité et en limitant le temps d’attente que nous resterons compétitifs. Les investissements, notamment dans les portiques de dernière génération (44 m), qui traitent deux conteneurs à la fois, sont importants. Le troisième de ce genre est en train d’être monté. À cela s’ajoute un dispositif de six grues de déchargement qui sera complété par trois autres en 2013. Nous passerons, quand ce sera terminé, de 500 000 EVP à 1 MEVP par an. Nous y serons en 2014-2015, je l’espère », précise Rui Pinto.
Panama, nouvelles routes maritimes et hinterland
Le port de Sines entend bien être prêt lorsque les travaux d’élargissement du canal de Panama seront conclus en 2014. Déjà bien positionné sur les marchés nord-américains (Canada), d’Amérique centrale (Mexique) et du Sud (Brésil), le Port de Sines est bien placé sur une route maritime Asie-Europe du Sud. Cependant, la perspective du développement vers l’Afrique prend tout son sens, notamment vers le Ghana mais aussi l’Angola, pays en plein développement. Si les exportations représentent désormais 49 % du total du trafic de marchandises (conteneurs), le port possède également un hinterland élargi notamment vers l’Estrémadure espagnole, et Madrid. Le développement de l’activité portuaire passera par la création d’une ligne ferroviaire efficace, pour une distribution rapide et sûre vers la capitale espagnole et l’Europe du Nord. Enfin, le développement du secteur de la pétrochimie est également un atout, face aux concurrents étrangers les plus directs sur la façade atlantique, les ports de Vigo et Bilbao. Galp, la société pétrolière portugaise qui fournit actuellement 60 % du gaz liquide nécessaire au Portugal, finalise la construction d’une troisième raffinerie sur son site de Sines. Le monstre technologique est en phase de test pour un démarrage de la production au plus tard en octobre. « La troisième raffinerie représente un investissement de 1 M€. Nous allons doubler notre production de gaz liquide, ce qui permettra à la fois d’assurer l’indépendance énergétique du Portugal, et d’exporter. Une option rendue indispensable par la diminution de la demande interne en raison de la crise économique », explique Eugénio Rodrigues, directeur de la planification et de la gestion de Galp-Sines. Le dynamisme du port de Sines et de sa zone industrielle est incontestable. « Le port emploie 300 personnes, mais le complexe, c’est 5 000 emplois indirects. Notre région ne connaît pas le chômage, alors que presque 16 % de la population portugaise n’a pas d’emploi. Un ouvrier spécialisé gagne sur le complexe portuaire cinq fois le Smic (485 €/mois). Nous attendons maintenant du gouvernement un véritable engagement en faveur de la ligne ferroviaire de marchandises aux normes européennes. Nous avons besoin d’avenir », déclare pour sa part Manuel Coelho, le maire de Sines.
Avec ses 3 km en façade, ses aménagements et les infrastructures en développement, Sines a les moyens de son offre. Le groupe PSA-Singapore ne s’y est pas trompé. Au cours d’une visite officielle de la présidence portugaise à Singapour en mai, le patron du géant asiatique Fock Siew Wah a félicité Lidia Sequeira pour le travail accompli. Surtout, PSA a renouvelé son engagement « à miser sur Sines ». Dans la jolie petite ville d’Alentejo et sur le port, on espère que les armateurs suivront.