Les Verts picards hostiles au projet de canal Seine-Nord Europe

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« Les recettes futures du canal Seine-Nord Europe sont surévaluées tout comme l’ampleur du report modal qu’il doit susciter. Ce n’est pas un bon projet ni pour les régions traversées, et notamment la Picardie, ni pour l’État, ni pour le transport de marchandises en France », affirme Christophe Porquier, vice-président du conseil régional de Picardie, élu du parti Europe Écologie-les Verts (EELV). Les critiques concernent tout d’abord le maître d’ouvrage, Voies navigables de France (VNF), considéré comme « juge et partie du projet », ce qui pose « un vrai problème par rapport à la légitimité des études et des propos » de l’établissement. Selon l’élu, ce dernier pratique « une forme de dogmatisme aveugle qui le conduit à défendre le projet contre tout bon sens ». Au-delà de la position partisane de VNF, Christophe Porquier met en avant les « nombreux problèmes » posés par le canal lui-même. Le premier concerne le financement du projet, dont le coût est estimé à près de 4,5 Md€. Ce montant se répartit entre l’État pour 1 Md€, les collectivités territoriales pour 785 M€, l’Europe pour 450 M€. Le solde devrait être pris en charge par un consortium privé à l’issue du dialogue compétitif lancé le 5 avril par le président de la République. Deux entreprises ont été retenues pour ce dialogue, Bouygues et Vinci. Pour l’élu de EELV, « dans le contexte de crise économique sévère actuel », les sommes en jeu « seraient déjà mieux utilisés dans d’autres projets ».

Un devis sous-évalué

Il remet également en cause l’évaluation du coût du projet: « Au moment même où le gouvernement promet de faire des économies pour limiter la dérive de la dette publique, le projet de canal affiche un devis probablement sous-évalué. » Après la construction du canal viendra le temps de l’exploitation de l’infrastructure. Que se passera-t-il s’il y a un déficit d’exploitation une fois le canal mis en service? Christophe Porquier dénonce ici « le faible risque pour le futur exploitant du canal puisque l’État s’engage à verser une subvention d’équilibre sur l’exploitation qui garantira une rente à l’opérateur choisi, et laisse envisager un beau chèque annuel de l’État s’il s’avère que le canal est déficitaire ». À ce sujet, lors de la séance du 6 avril à l’Assemblée nationale, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement a indiqué: « Reste à savoir qui assume le risque de trafic. Le Premier ministre l’a confirmé, l’État le prendra en charge. » Pour l’élu, cette décision signifie qu’« en clair, si le canal est un bide, le contribuable français paiera sa rente à Vinci ou Bouygues ». Autre problème posé par le projet Seine-Nord, selon Christophe Porquier, le modèle économique ainsi que les schémas de transport et de report modal liés au futur canal. « Ce n’est pas un projet valable en termes d’aménagement du territoire et de déplacement des marchandises. Le modèle de développement économique du projet pose question. Là où va passer le canal, il n’y a pour l’instant aucune zone de chalandise. Ce n’est pas une alternative crédible au transport routier. Certes, le canal va créer de l’activité, c’est-à-dire plus de volume de marchandises mais pas ceux empruntant la route ». Le canal ne devrait absorber qu’à la marge le trafic actuel de camions sur l’autoroute A1 et concurrencerait surtout le fret ferroviaire, « déjà mal en point ». La nouvelle infrastructure, « connectée aux grands ports d’Europe du Nord et à l’économie mondiale, tourne aussi le dos à la relocalisation de l’économie dans les territoires », relève EELV.

Un constat sans appel

Concernant les plates-formes multimodales prévues au bord du canal, le constat est aussi sans appel. « Quatre sites sur à peine plus de 100 km? On rêve. Cela ne tient pas debout économiquement. » Autre défaut du projet, la question de la ressource en eau car « on construit un canal dans des zones non irriguées », précise Christophe Porquier. Le canal Seine-Nord compte 106 km dont 80 km traversent la Picardie. Pour remplir le canal, 20 Mdm3 d’eau vont être nécessaires. Puis en usage régulier, plusieurs milliards de mètres cubes vont être puisés dans l’Oise et l’Aisne chaque année. « Ces prélèvements constituent une grave préoccupation pour la région Picardie et risquent de freiner les autres activités économiques, notamment l’agriculture. Et rien n’est prévu pour compenser ces prises d’eau », déplore Christophe Porquier. Ce dernier appelle donc à l’abandon du projet et suggère de privilégier plutôt une politique de « complémentarité entre le trafic ferroviaire, fluvial et routier à partir des ports de la Manche » situés à quelques dizaines de kilomètres. Il s’agirait de privilégier par exemple le cabotage maritime, même si cela « nécessite des investissements ».

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