Dans le monde, 195 partenariats public-privé (PPP) ont éclos au cours de la dernière décennie dans le secteur portuaire, a recensé le cabinet d’avocats Holman, Fenwick et Wilan dans son étude publiée en juillet. Ces différents PPP se divisent en trois catégories majeures: 78 projets nouveaux (greenfield), 97 concessions, 11 contrats de gestion de terminaux et 9 dessaisissements. Pour le cabinet d’avocats, la tendance à contracter des PPP tient à la nouvelle donne réglementaire. Les États séparent les autorités portuaires des activités purement commerciales. Dans la majorité des cas étudiés par les avocats, le privé intervient à hauteur de 20 % à 30 % des investissements, « selon le pays hôte et l’autorité portuaire », précise le cabinet.
L’appel au privé depuis une décennie a amené un flux de capitaux important dans le monde portuaire. Selon les chiffres publiés par Holman Fenwick et Wilan, sur la dernière décennie, quelque 38,03 Md$ ont été investis dans ces PPP. Le tiers de ces sommes a été englouti par les terminaux asiatiques. Ce sont 13,2 Md$, soit 29,9 % engrangés par les ports asiatiques quand, dans le même temps, l’Amérique latine et les Caraïbes ont récolté 8,9 Md$, l’Asie du Sud 5,5 Md$, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord 4,1 Md$. L’Europe et l’Asie centrale, d’une part, l’Afrique subsaharienne d’autre part, sont les enfants pauvres de cette étude en ayant reçu en investissement que de 2,2 Md$ pour la première et 3,9 Md$ pour la seconde.
Cette répartition géographique par continent colle à peu de choses près avec la répartition par pays. En effet, les trois grandes nations attirant les investisseurs de PPP dans les terminaux sont en premier la Chine, ensuite l’Inde et pour finir le Brésil. Les chiffres d’investissements dans le cadre de PPI pour les ports dans ces trois pays donnent le vertige: entre 2006 et 2009, la Chine a reçu 4 Md$, soit plus que l’Afrique subsaharienne, l’Inde 2,5 Md$ et le Brésil 1,5 Md$.
Ces investissements sont destinés aux terminaux conteneurisés pour la plupart. Les terminaux de vracs secs n’attirent que peu d’investisseurs privés indépendants en raison du lien étroit qui existe généralement entre les groupes miniers et l’exploitant portuaire, le second étant généralement une filiale du premier pour maîtriser l’ensemble de la chaîne logistique.
La domination des terminaux conteneurs
« Les fonds sont principalement concentrés dans les terminaux à conteneurs et cela devrait continuer », explique Matthew Gore, associé au cabinet d’avocats. Une tendance que l’avocat explique par la domination que la conteneurisation a pris dans le monde du transport maritime, en prenant le pas sur le trafic conventionnel voire dans certains cas, comme le café, sur le trafic de vracs secs. Et la tendance à la croissance de ce trafic ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin puisque Matthew Gore prévoit un trafic portuaire conteneurisé mondial aux environs de 750 MEVP en 2015, avec une hausse annuelle de 7,5 %.
Si l’Asie, dont la Chine notamment, engrange la majeure partie des investissements dans le cadre de PPP, la situation évolue ces dernières années, note les avocats. « Dernièrement, écrit Connie Chen, conseillère spéciale chez Holman Fenwick et Wilan, des PPP ont regroupé huit investisseurs différents. Cela pourrait bien être le signe d’une évolution. Trouver la bonne opportunité pour investir en Chine n’est plus aussi facile qu’auparavant. Certes, les besoins en investissement se font sentir mais le ticket d’entrée est élevé. » En Chine, une grande partie des terminaux à conteneur est déjà entre les mains d’opérateurs privés, alors pour investir dans de nouveaux projets, les fonds privés s’orientent désormais vers des terminaux intérieurs.
Un besoin de 100 Md$ par an pour l’Afrique
Dans son étude, le cabinet d’avocats dresse aussi les défis à relever par les investisseurs. Le premier vise le cadre juridique et légal de ces investissements qui sont souvent complexes. Ensuite viennent les considérations environnementales que les États imposent. Enfin la piraterie, notamment pour tous les projets de PPP dans la région de l’Afrique de l’Est et du Moyen-Orient. Ce phénomène peut engendrer de la part d’investisseurs un handicap majeur.
L’Asie, selon l’étude menée par Holman Fenwick et Wilan, met en pole position les investissements en Asie et notamment en Chine dans le cadre de partenariat public-privé. Dans une étude publiée en juillet par Standard Bank, Jeremy Stevens s’interroge sur l’avenir de l’Afrique dans ce concert international des investissements. « L’Afrique a besoin d’investir 100 Md$ par an pour améliorer, maintenir en l’état et étendre son réseau routier, ferroviaire et ses ports. » Il explique cette tendance par le développement du commerce de l’Afrique. Si le continent produit presque exclusivement des matières premières, ses importations n’ont cessé de croître sur les dernières années. Depuis 2001, les exportations chinoises vers l’Afrique ont été multipliées par 12. Depuis les autres pays du groupe des Bric (Brésil, Inde, Chine et Russie), les exportations vers l’Afrique ont été multipliées par 4,5 sur la même période. Enfin, Jeremy Stevens met en lumière la croissance du trafic entre les différents pays d’Afrique. L’Afrique du Sud mais aussi le Nigeria, la Côte d’Ivoire et l’Égypte ont exporté plus de 2 Md$ de marchandises en 2010. Ces échanges intracontinentaux sont surtout composés de produits de base comme du pétrole et des produits raffinés. Pour les productions diverses de l’Afrique, le marché continental constitue un potentiel. « La pauvreté des infrastructures demeure un frein au développement interne du continent, notamment pour les pays enclavés. Une augmentation de 10 % du coût de transport peut réduire de 20 % le commerce de ce pays », note l’étude de Standard Bank. Alors quand, pour un pays enclavé, le coût de transport augmente de 50 % par rapport au coût pour un pays avec une façade maritime, toute la logique de la nécessité d’investir dans les ports, les routes et le ferroviaire prend une nouvelle dimension économique.
L’Afrique a besoin de fonds mais les investisseurs regardent d’abord le retour sur capital. Dans son étude, le cabinet d’avocats met en exergue la croissance de trafics conteneurisés dans les ports d’Europe de l’Est sur les dernières années. Une tendance qui pourrait bien faire pencher une partie de la balance en faveur de ces pays dont les besoins en infrastructures sont d’une grande importance pour le développement économique.