Depuis la loi du 9 juin 1992 portant réforme du régime du travail de la manutention portuaire, l’État n’a plus délivré de nouvelles cartes professionnelles d’ouvriers dockers. Ceux qui en étaient titulaires peuvent la conserver, sauf en cas de licenciement pour un motif autre qu’économique. Dans cette dernière hypothèse, l’ouvrier docker concerné doit demander au président du Bureau central de la main-d’œuvre (BCMO) l’autorisation de conserver sa carte, laquelle devrait lui permettre de bénéficier d’indemnités de garantie en cas d’inemploi et d’une priorité d’embauche.
Cette priorité constitue une exception à la liberté du travail, et la Cour de justice semble même considérer, dans un arrêt du 16 septembre 1999, qu’elle pourrait constituer une entrave à la liberté des prestations de services.
Il convient de rappeler que la loi de 1992 a consacré le principe de la liberté d’embauche. Elle contient d’ailleurs une disposition selon laquelle « aucune mensualisation ne pourra être effectuée en dehors des ouvriers dockers professionnels intermittents durant une période de soixante jours à compter de la publication de la loi ». C’est-à-dire qu’au-delà de ce délai, les entreprises de manutention n’ont plus l’obligation de recruter en priorité des dockers professionnels intermittents, et, a fortiori, des dockers occasionnels. La circonstance que le code des transports n’ait pas repris cette disposition transitoire ne remet pas en cause la liberté d’embauche reconnue aux entreprises.
La délivrance de la carte n’a pas d’incidence sur la détermination du statut
La Cour de cassation vient de confirmer le principe selon lequel « la délivrance matérielle de la carte professionnelle de docker n’a pas d’incidence sur la détermination du statut, qui dépend des conditions effectives de travail des dockers ». La notion de statut ainsi employée doit s’entendre au sens des conditions d’exercice du métier de docker. Selon la Haute juridiction, la détention de la carte professionnelle ne saurait créer une discrimination quant à la rémunération à l’égard des ouvriers dockers sans carte. Il s’agit d’appliquer le principe: « à travail égal, salaire égal ».
Au regard du contexte juridique de l’Union européenne et des objectifs de la réforme de la manutention portuaire de 1992, la carte de docker professionnel perd tout effet lorsque son retrait est prononcé pour un licenciement pour faute grave. D’une part, la priorité d’embauche ne constitue plus un droit absolu, et d’autre part, si le docker est licencié de son entreprise et qu’aucun employeur ne le recrute, il n’y a aucune raison qu’il bénéficie d’indemnités de garantie pour inemploi, et ce, d’autant que le salarié de droit commun dans la même situation ne bénéficierait pas d’une telle mesure. La solidarité a des limites, on ne saurait assujettir les entreprises de manutention d’un port au paiement d’une cotisation pour financer l’inactivité d’un salarié dont le comportement a porté préjudice à son entreprise.