Lancée il y a à peine deux ans, Bionergy Pilot était promise à un bel avenir. Représentant un investissement de 15 millions d’euros, dont un tiers des collectivités locales et de l’Europe, l’unité s’est installée en 2009 sur le site portuaire de La Pallice du fait de ses liens avec le groupe SICA Atlantique. Depuis, elle a déposé deux brevets sur le process utilisé. Elle était censée produire à terme 10 000 t de biocarburant. Et pas n’importe lequel, mais de l’ester éthylique d’huile végétale, un biodiesel innovant, élaboré sans trituration ni semi-raffinage et, à la différence des autres « carburants verts », sans aucun recours aux produits de la pétrochimie. Sur le plan environnemental, il a aussi cet avantage de ne générer aucune émission liquide, solide ou gazeuse.
Mais les marchés mondiaux en ont décidé autrement. Certes, le prix des carburants classiques ne cesse de grimper, ce qui, en théorie, pourrait rendre les biodiesels plus attrayants. Mais le colza, la matière première utilisée pour ces derniers, est lui aussi en très forte hausse. Ses cours atteignent aujourd’hui 450 €/t, bien au-delà du prix de rentabilité pour Bionergy Pilot. La politique française en matière de biocarburant, et notamment sa dimension fiscale, a elle aussi joué en la défaveur de l’ester éthylique. En effet, contrairement à ses promesses, le gouvernement n’a finalement pas pratiqué l’exonération annoncée de 35 % sur la Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). À ces difficultés s’est encore ajoutée la concurrence féroce des pays d’Amérique Latine en matière de biocarburants.
L’unité rochelaise cherche aujourd’hui d’autres débouchés, notamment dans les peintures, les solvants, les lubrifiants, les colles ou encore la cosmétique. Elle mène aussi des essais pour produire des esters éthyliques non plus à partir de colza, mais de soja cette fois. Le but n’est plus, dans ce cas, de vendre de nouveaux carburants aux automobilistes, mais un procédé industriel aux pays qui sont à la fois producteurs de soja et utilisateurs de ces biodiésels, notamment le Brésil et, dans une moindre mesure, l’Argentine.