Les ports fluviaux allemands tournent le dos à la crise

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Des fleuves en crues à l’automne, des canaux gelés en hivers, un chimiquier renversé qui perturbe la navigation sur le Rhin pendant un mois en début d’année, et à présent la sécheresse qui contraint les armateurs à réduire le tonnage: rien ou presque n’aura été épargné au transport fluvial ces douze derniers mois. Des embûches en série, et pourtant, sur les voies navigables allemandes, le trafic est reparti à la hausse. Après avoir sombré pendant la crise, le secteur connaît un véritable retour en grâce: porté par la spectaculaire reprise économique allemande, les volumes ont progressé de 12,8 % l’an dernier, à 229,9 Mt.

Une embellie qui profite aux ports intérieurs. À commencer par le premier d’entre eux, Duisbourg, qui boucle l’exercice 2010 sur un trafic record à 2,25 MEVP, soit une croissance de 25 % par rapport à l’année précédente. Jamais autant de conteneurs n’avaient transité par les quais du grand port de la Ruhr.

Et la tendance ne devrait pas faiblir: Erich Staake, le patron de la société de gestion portuaire de Duisport, table sur « une croissance à deux chiffres » pour 2011. « Cet excellent résultat sur le segment des conteneurs confirme nos choix stratégiques et renforce nos projets d’agrandissement afin de continuer à capter les flux de conteneurs ».

Conjointement à la Deutsche Bahn, le site va notamment investir 100 M€ pour augmenter les capacités de son terminal ferroviaire. Objectif: accélérer les mouvements de trains entre Duisbourg et plus de 80 destinations en Europe. Actuellement, on compte 350 départs/semaine.

Extension géographique

Duisbourg s’est aussi associé au groupe de chimie Rütgers pour mettre la main sur plusieurs terrains disséminés dans toute la Ruhr. Au total, « plusieurs centaines d’hectares, situés sur les bords du Rhin ou possédant un accès au réseau ferroviaire », précise Bernd Reuther, le porte-parole du Duisport. « Il s’agit d’anciens terrains industriels que nous allons transformer en plates-formes logistiques, reliées à nos terminaux. » Car sur son site actuel, la place commence à se faire rare. Face à l’impressionnante croissance des dernières années (+ 300 % entre 1998 et 2008), les infrastructures sont menacées d’engorgement. « Nous avons déjà commercialisé la quasi-totalité des terrains en deux fois moins de temps que prévu », poursuit le porte-parole. « Aujourd’hui, nous devons trouver d’autres solutions pour continuer à agrandir. »

Signe que la page de la crise est tournée, les autres ports fluviaux allemands sont eux aussi à la recherche d’espace, pour faire face à la hausse attendue des trafics. C’est le cas notamment à Cologne, où dans la foulée d’une très bonne année 2010, l’activité a continué à progresser à un rythme soutenu au premier trimestre (+ 9 %). Et s’il n’espère pas renouer les niveaux records d’avant-crise avant 2012, le patron du deuxième port intérieur allemand s’inquiète: « Nous commençons à nous sentir à l’étroit, il est grand temps d’investir dans nos infrastructures », affirme Horst Leonhard. Une référence à peine voilée au projet d’extension du port sur le site de Godorf, au sud de Cologne. Objectif: construire un nouveau bassin permettant d’augmenter de 200 000 EVP la capacité du port. Contesté par les riverains et une partie des élus depuis plus de vingt ans, ce chantier est désormais suspendu au résultat d’une consultation populaire qui doit se tenir le 10 juillet. La mairie, dirigée par le parti social démocrate, soutient le projet mais « n’ira pas contre la volonté des habitants », souffle un proche du dossier. Selon un récent sondage, une majorité d’électeurs se prononcent en faveur des travaux qui coûteront 65 M€ à la collectivité. Mais même si elle obtient gain de cause dans les urnes, la société de gestion portuaire HGK devra encore patienter: au mieux, les travaux seront finis en 2015. Or le temps presse: selon les estimations du HGK, le trafic conteneurisé devrait atteindre 650 000 EVP dès 2014.

La croissance attendue plus au nord

Un peu plus au nord, le port de Neuss-Düsseldorf se prépare lui aussi à la hausse des trafics conteneurisés. S’il ne se risque pas au jeu des pronostics, le président du port Rainer Schäfer entend néanmoins investir 10 M€ dans ses infrastructures: de nouvelles grues et une surface de stockage de 80 000 m2 sont au programme. Car le site a enregistré une croissance de 20 % en 2010, à 336 000 EVP. Le port n’a pas encore effacé la crise, mais la croissance s’est maintenue à un niveau identique sur les trois premier mois. De quoi aborder l’avenir avec optimisme. « Les nuages de la crise se sont éloignés plus rapidement que prévu », se félicite Rainer Schäfer.

Finalement, seul Mannheim semble avoir souffert des difficultés de navigation sur le Rhin en début d’année. Après un bon exercice 2010 marqué par une progression de 26 % des trafics de conteneurs, l’activité a brutalement chuté d’un tiers au premier trimestre. Le mois d’avril n’a pas été meilleur: les volumes ont été divisés par six, à cause de la sécheresse.

La navigation sur le Rhin perturbée par la sécheresse

Le plus grand canal d’Europe fait face à de basses eaux exceptionnelles pour la saison.

Conséquence de la sécheresse exceptionnelle qui sévit actuellement en Allemagne, le niveau des eaux du Rhin a atteint un niveau historiquement bas pour la saison: « Le débit est de 50 % à 60 % inférieur aux moyennes annuelles », détaille l’institut fédéral allemand d’hydrologie. Par endroits, le fluviomètre est passé sous la barre symbolique du mètre. Dans la région de Düsseldorf, les autorités ont relevé 87 cm début mai, du jamais vu depuis 100 ans en cette période de l’année.

Une situation inédite qui affecte la navigation: certains armateurs doivent déjà se résoudre à réduire leur chargement de moitié, faute d’un tirant d’eau suffisant. « Un navire qui pouvait transporter jusqu’à 2 800 t de charbon ou de minerais ne peut désormais pas espérer charger plus de 1 500 t », affirme Erwin Spitzer, de la fédération du transport fluvial BDB.

Afin d’assurer leurs livraisons, les opérateurs doivent ainsi effectuer davantage de rotations ou affréter des navires supplémentaires. Résultat, les taux de fret repartent à la hausse: « On le remarque sur le marché spot mais aussi sur les contrats à long terme qui, en règle générale, prévoient une surtaxe lorsque le niveau des eaux tombe sous un certain seuil », explique une porte-parole de la BDB. Négocié au cas par cas, ce supplément renchérit de 20 % à 60 % le prix de la tonne transportée.

Et la situation ne devrait pas s’améliorer: les orages qui se sont récemment abattus sur la région n’ont apporté qu’un répit temporaire aux professionnels. Selon les prévisions météo, la sécheresse devrait perdurer pendant encore plusieurs semaines.

A.H.

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