En 1819, Sir Stamford Raffles fonde, pour le compte de la Compagnie des Indes orientales, la colonie britannique de Singapour. Débuts modestes: le registre du port note le passage de 139 navires à gréement carré pour l’année 1822. L’ouverture du canal de Suez, en 1869, déclenche véritablement l’essor de la place, qui devient une escale privilégiée des routes euro-asiatiques: le trafic atteint 83 millions de NRT en 1963, à l’indépendance du pays. Celle-ci, et la séparation d’avec la Malaisie en 1964, privent en grande partie Singapour des débouchés traditionnels de l’hinterland malaisien. Un changement de stratégie doit s’opérer: en 1972, le premier terminal pour conteneurs de Tanjong Pagar est inauguré, et le port devient avant tout un port de transbordement.
Sur le plan organisationnel, la Port of Singapore Authority, créée en 1964, assure à la fois les opérations portuaires et leur tutelle. Ce mélange des genres sied mal à un port moderne. En 1997, la Port of Singapore Authority est réformée: elle abandonne ses fonctions régulatrices au profit de la Maritime and Port Authority (MPA) pour se consacrer exclusivement, sous le nom de PSA et sous forme d’une société commerciale détenue à 100 % par Temasek, le fonds souverain de Singapour, à son activité d’exploitation.
On connaît la suite: PSA, The « World’s Port of Call », le port d’escale du monde, comme il se revendique, est devenu un opérateur géant qui gère aujourd’hui à Singapour cinq terminaux de conteneurs sur les sites de Tanjong Pagar, Keppel, Brani et Pasir Panjang, sans compter un terminal à usages multiples, Sembawang, et un terminal dédié aux automobiles, à Pasir Panjang, pouvant traiter un million de véhicules par an. Forts de 54 quais et d’une capacité de 35 MEVP, ces installations servent 200 lignes maritimes, et plus de 600 ports dans 123 pays.
Un réseau tentaculaire
PSA a aussi bâti, grâce à une stratégie d’alliances, d’acquisitions et de fusions-acquisitions, un des plus importants réseaux mondiaux d’opérations portuaires. Outre ses infrastructures de Singapour, PSA gère 28 implantations dans 15 pays d’Asie (Chine – dont Hong Kong –, Thaïlande, Vietnam, Inde, Pakistan, Corée, Japon), d’Europe (Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Portugal, Turquie, Italie) et d’Amérique latine (Panama, Argentine), qui triplent presque ses capacités, à 111 MEVP.
Après une mauvaise année 2009, l’entreprise a retrouvé en 2010 le chemin de la croissance, traitant, à Singapour même, 27,7 MEVP
(+ 10 %) et, dans son réseau mondial, 37,4 MEVP (+ 17,8 %). Des volumes qui ont généré un chiffre d’affaires global de 4,08 MdSGD (2,33 Md€), soit + 6,3 %, et un bénéfice de 1,18 MdSGD (670 M€) en hausse de 20,8 %, grâce à une politique drastique de réduction des coûts.
Cette politique, PSA entend la poursuivre, qui a initié, en avril, avec la MPA, un programme de R&D pour améliorer l’automatisme des engins portuaires et les rendre moins consommateurs d’énergie et de main-d’œuvre.
À Singapour même, le groupe lorgne sur les deux nouveaux terminaux de conteneurs que la Cité-État construit à Pasir Panjang, qui pourraient faire passer ses capacités locales à 50 MEVP. Même si un appel d’offres est passé, il ne fait guère de doute que leur exploitation lui sera confiée, à leur achèvement, en 2018. L’opérateur en aura assurément besoin pour compenser la perte, elle aussi probable, de ses terminaux de Brani et Keppel, que les autorités aimeraient bien récupérer au terme de leur concession en 2026, pour y réaliser des opérations immobilières plus juteuses.
Sur le plan international, PSA s’agrandit à Dalian et Incheon en Asie, ainsi qu’à Anvers, Zeebrugge, Gênes ou encore Sines en Europe. Mais il n’est pas à l’abri des aléas de la géopolitique. Au Pakistan, sa concession de 40 ans dans le port de Gwadar, à l’entrée du détroit d’Ormuz, semble remise en cause par les autorités, au profit de la Chine qui pourrait construire à proximité une base navale pour la marine pakistanaise. En Inde, dans un autre registre, PSA Sical, le joint-venture locale de PSA, a été exclu par la Cour suprême de l’appel d’offres pour la gestion du huitième quai du terminal de Tuticorin, pour une position jugée dominante et contraire au droit de la concurrence. Le joint-venture va néanmoins concourir pour le nouveau terminal du port Jawaharlal Nehru, près de Mumbai, avec quatre autres compétiteurs, dont APM qui, dans une situation assez similaire à PSA Sical à Tuticorin, s’est vu autorisé à se lancer dans la compétition. Affaires à suivre: la vie d’un opérateur portuaire international comme PSA n’a rien d’un long fleuve tranquille.