L’avenir des ports français au cœr de la réforme

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La réforme du 4 juillet 2008 est entrée en application. Après près de deux ans de négociations entre partenaires sociaux et des épisodes de blocage, la signature de la convention collective unifiée le 15 avril et les conventions tripartites dans le même temps, les ouvriers portuaires, dockers et grutiers sont désormais sous un commandement unique. Une application qui ne s’est pas faite sans difficultés. À Bordeaux, les ouvriers portuaires ont refusé de signer les conventions tripartites et repoussent l’application de quelques jours. À Nantes, en raison du retard pris à l’allumage, les délais sont repoussés à juin. Dans les autres Grands ports maritimes, la situation est plus calme. Certes, au Havre et à Marseille, l’intégration des grutiers dans les sociétés de manutention s’est faite contre versement de primes financières à étaler sur quatre ans.

Après l’entrée en vigueur est venue l’heure du bilan de ces trois ans de négociations, commencées dès l’annonce en janvier 2008, par le président de la République puis le Premier ministre, de la volonté du gouvernement de réformer l’organisation du travail sur les quais. Cette nouvelle donne dans le travail ne s’est pas faite sans difficultés. D’un côté, l’unicité de commandement voulue par l’Unim et revendiquée depuis la loi de 1992 s’opposait à la conception du syndicat majoritaire, la CGT FNPD. « Nous avons regretté, lors de la mise en place de cette réforme, de ne pas voir les ouvriers portuaires consultés sur le sujet. Nous avions des alternatives à proposer qui prennent en compte les spécificités de chaque port plutôt qu’une approche globale », a souligné Tony Hautbois, lors d’une conférence de presse de la FNPD le 5 mai. Pour la partie patronale, l’approche de ce sujet s’est portée sur un autre élément. « Nous avons dû rassurer les ouvriers portuaires pour atténuer leurs peurs de ces détachements, mais nous avons aussi fait front à nos propres craintes sur le sujet », a expliqué Christian Paschetta, président de l’Unim lors de sa présentation devant l’ADPF (association pour le développement des ports français) le 3 mai. Et le président de l’Unim de saluer le travail d’Yves Cousquer, médiateur lors de ces négociations.

Outre cet aspect social du détachement de personnels depuis l’établissement portuaire vers les sociétés de manutention et de maintenance, la réforme portuaire a demandé aux partenaires sociaux de bâtir une nouvelle convention collective. « Nous avons réussi à mettre sur la table ce sujet et nous avons obtenu un texte qui s’applique à l’ensemble des travailleurs portuaires », a souligné Tony Hautbois. Il est vrai que du côté patronal, la révision ou la fusion de la convention collective n’a pas fait partie de ses intentions. Peu importe, l’Unim pour les manutentionnaires, et l’UPF pour les autorités portuaires ont négocié un texte. « Nous avions deux options, a expliqué Xavier Galbrun, délégué général de l’Unim, soit nous entamions une révision des deux conventions, soit nous dénoncions les deux conventions pour en créer une nouvelle ex nihilo. » Le choix s’est porté plutôt sur la fusion des deux textes avec un élément majeur à prendre en compte: la convention verte (régissant les salariés des ports) a fait son temps alors que la convention de la manutention est plus moderne puisqu’elle date de 1993. Elle a depuis fait l’objet de nombreux avenants. Le texte issu des négociations a été signé unanimement. Cette convention est donc opposable à tous les salariés entrant dans le champ d’application. Dans ce texte, Xavier Galbrun a noté plusieurs points importants parmi lesquels la classification établie selon des critères de responsabilité. « Nous n’avons pas voulu nous enfermer dans une technologie d’un instant mais plutôt prévoir au mieux pour le futur. » D’autres éléments importants apparaissent avec notamment les grilles salariales qui établissent des minima garantis qui ne préjugent pas de négociations ultérieures. La convention verte, concernant préalablement les ouvriers portuaires, souffrait du poids de l’ancienneté. Le changement avec le nouveau texte vient de cette notion qui est abandonnée. En outre, le délégué général et le président de l’Unim ont rappelé que la convention collective unifiée comprend aussi des dispositions sur le droit syndical, l’utilisation de CDD d’usage pour intervenir dans le cadre des pointes de trafic, la limitation des quotas d’heures supplémentaires et de nombreuses autres sur l’organisation du travail. Si, du côté syndical, l’entrée en vigueur de cette loi est satisfaisante, il manque malgré tout des points. « Nous souhaitions que ce texte s’applique aussi dans les ports fluviaux. Les ouvriers portuaires de ces ports réalisent le même travail que dans les ports maritimes. Pourquoi ne pas étendre le champ d’application à ces personnels? », s’interroge Tony Hautbois. L’autre point à regarder de près aussi, selon le responsable de la CGT FNPD, concerne l’application dans les ports d’outre-mer de cette convention. « Aujourd’hui, elle s’étend à de nombreux ports des îles mais doit encore faire l’objet d’amendements pour concerner l’ensemble des ouvriers ports des DOM TOM. »

Financer les départs anticipés

En annexe à la convention collective unifiée, les dispositions sur la pénibilité offrent aux ouvriers la possibilité d’un départ anticipé. Le dispositif prévu par les négociations permet un départ anticipé de deux ans après 18 années de travail effectif, abondé par une année supplémentaire par un dispositif de cessation anticipée d’activité et, enfin, viennent s’ajouter les années dans le cadre du plan amiante. « Ces dispositions viennent en plus de celles prévues dans le cadre du régime général de la retraite réformé en novembre », souligne Tony Hautbois. Quant au financement de ces départs anticipés il se fera par les entreprises en majorité et les salariés à hauteur de 0,1 %. « Cette mesure représente environ 7 % de la masse salariale, ce qui se répercute sur le conteneur aux environs de 3 € à 4 € », a indiqué Christian Pachetta. Les pouvoirs publics, et notamment les autorités portuaires, ne participent pas à ce financement. Pour le patronat portuaire, « nous avions toujours accepté de participer sous certaines conditions. Nous avons tenu notre parole ». C’est ce dispositif qui a été à l’origine des mouvements sociaux des mois de janvier et février. « La pénibilité s’est invitée dans la réforme comme la refonte du régime général des retraites. Nous avons dû tenir compte des interférences, mais au final cet accord est vertueux compte tenu de la participation des salariés », a souligné Xavier Galbrun. Pour le délégué général d’UPF, Geoffroy Caude, ce régime de pénibilité dans les ports est destiné à compenser l’espérance de vie moindre, ce qui a amené la centrale syndicale à y voir une victoire pour la reconnaissance du métier. « La France n’est pas un cas isolé en Europe. En Espagne, en Belgique et en Allemagne des conditions presque analogues sont d’ores et déjà en place. »

La réforme entrée en vigueur doit maintenant laisser la place à un nouvel enjeu majeur qu’est le développement des ports. Passés les premiers grains de sable sur Bordeaux et les primes de détachement de certains ports, entre 10 000 € et 15 000 €, les opérateurs ont une lourde tâche pour les prochains mois pour reprendre le trafic perdu. « Cette réforme conserve un grand point d’interrogation. Quels projets portuaires existent en dehors de Port 2000 au Havre et de Fos 2XL à Marseille? Des décisions qui sont nées bien en amont de la réforme », continue le responsable de la CGT FNPD. Le seul élément nouveau serait le terminal méthanier de Dunkerque, mais il vient en remplacement de l’arrêt de la Raffinerie des Flandres. « Le grand mal des ports français a été son manque d’investissement privé et public, depuis des décennies, et de politique portuaire. » En outre, les responsables syndicaux observent avec inquiétude la massification dans les ports. « À lire le dernier schéma national des infrastructures, des ports sont exclus. Nous voulons influencer pour avoir un développement sur l’ensemble des ports français et nous attendons de la part du gouvernement des réponses. » Une attitude qui dénote par rapport aux précédents discours des syndicats portuaires. Ils sont aujourd’hui dans une phase de concertation pour un développement économique. Sans vouloir jeter la pierre trop vite aux ports, il est vrai que le paysage français n’a pas connu d’évolutions importantes ces dernières années. Au Havre, Laurent Castaing, président du directoire, a expliqué à la presse le 5 mai sa position. « Nous avons dû expliquer la situation à nos clients. Certains sont restés malgré les mouvements et nous devons aujourd’hui repartir pour se donner les moyens de notre croissance. »

La réforme est entrée en vigueur, c’est dans son exploitation et sa gestion quotidienne qu’elle montrera sa pertinence.

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