Conakry, le nouveau port de la discorde

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Le 16 mars, les avocats du groupe Getma, Pierre-Olivier Sur et Cédric Fischer, ont déposé une plainte simple auprès du procureur de la République, Jean-Claude Marin. « Notre démarche, expliquent les avocats, est d’amener le procureur à ouvrir une enquête. Nous le saisissons de faits, il appartient au procureur de la République de décider de l’opportunité d’ouvrir cette enquête. » Selon Getma, des éléments « laissent entrevoir un faisceau d’indices d’un pacte corruptif », indique la plainte auprès du procureur. De plus, Getma porte plainte pour violation de domicile de ses locaux de Guinée par le groupe Bolloré. Lors de leur entrée dans les locaux, les responsables du groupe Bolloré seraient entrés dans le système informatique de Getma. Depuis l’arrivée du groupe Bolloré dans le terminal de Conakry, ce dernier utilise les grues et le matériel de Getma, « ce qui constitue un vol en réunion puisque le groupe Bolloré a soustrait frauduleusement des biens sur lesquels il ne dispose d’aucun droit », continuent les avocats de Getma.

Les faits remontent au 22 septembre 2008. À l’époque, le gouvernement guinéen lance un appel d’offres pour la gestion et le développement du terminal à conteneurs de Conakry. Il est remporté par Getma, le groupe Bolloré arrive en seconde position. Dans son projet présenté lors de l’appel d’offres, Getma propose d’investir 550 M€, dont 150 M€ dès les trois premières années. La concession doit se faire sur une durée de 25 ans. Le président de la République de Guinée décède en décembre 2008 et le pays plonge dans l’incertitude politique. Depuis son arrivée au pouvoir le 21 décembre, la décision de résilier la concession du terminal est la première décision du président Alpha Condé à l’égard d’une société étrangère en Guinée. Selon le communiqué officiel de la présidence de la République guinéenne, le concessionnaire a failli à ses obligations. La concession a été dénoncée le 9 mars, le groupe Bolloré a annoncé le 12 mars avoir obtenu la gestion de ce terminal.

Dans un entretien accordé à Radio France Internationale, le directeur du port de Conakry s’étonne de la position Getma. « Si Getma a investi sur le port de Conakry, je ne suis pas au courant. » Et il continue en rappelant que le code des concessions de Guinée prévoit qu’en cas de défaillance, le second opérateur est appelé « à la rescousse ». Cette défaillance de Getma est analysée de la même façon par Taoufik Bengebara, président de Blue Ocean Bank, consortium financier qui a concouru en 2008 à l’appel d’offres et qui s’est retrouvé en quatrième position. « Getma a failli, a souligné Taoufik Bengebara lors d’un entretien avec RFI. Déjà lors de l’attribution de la concession, la situation sentait le soufre. Ce manque de Getma ne m’étonne pas. Une des conditions essentielles à cette concession a été l’allongement des quais, ce qui n’a pas été réalisé. Je pense que le costume de la concession était un peu trop grand pour l’opérateur choisi de l’époque. »

Renforcement du projet

Le groupe Bolloré, par la voix de Dominique Lafont, directeur général Afrique du groupe, est plus pragmatique. « Notre projet repose sur le développement de la Guinée Conakry avant tout. » Lors de la prise de contact avec le nouveau gouvernement, le groupe Bolloré a revu son projet pour le renforcer. « Ce pays dispose de ressources minières importantes et le port doit avant tout servir à l’économie du pays avant de servir le concessionnaire. » Dans son nouveau projet, le groupe Bolloré prévoit d’investir 500 M€ sur les prochaines années avec un tiers de ces investissements sur les trois premières années. Des investissements qui vont se concentrer sur la première phase d’allongement du terminal qui passera de 300 m à 600 m avec un tirant d’eau de 13,50 m, la création d’un port sec à l’extérieur et le prolongement de la voie ferroviaire jusqu’au terminal pour désengorger le terminal. En outre, pour alimenter cette ligne de chemin de fer, il prévoit d’investir dans deux locomotives et 75 wagons dédiés aux conteneurs. « Ultérieurement, nous envisageons d’autres investissements dans ces matériels si les volumes le réclament », continue Dominique Lafont.

Face aux critiques lancées par son concurrent, le groupe Bolloré se préoccupe plus de l’avenir du port. Si certains se plaignent aujourd’hui de ne pas avoir vu un nouvel appel d’offres pour la gestion de ce terminal, le groupe basé à Puteaux l’explique par l’urgence de la situation. « Depuis longtemps, le port n’a plus vu d’investissement malgré tous les projets qui existent dans le pays. En prenant cette concession nous voulons améliorer les conditions sociales du port, développer les infrastructures et ouvrir de nouvelles opportunités aux armateurs. »

En outre, le groupe Bolloré vise à positionner ce port comme une porte de sortie pour les pays enclavés de la zone comme le Mali et le Burkina Faso. « Ces pays ont besoin de sorties vers la mer et les événements politiques de ces dernières années montrent qu’ils ont besoin de se diversifier. »

Ouvrir le port sur les pays enclavés

Le port de Conakry sera t il une nouvelle pomme de discorde entre le groupe Bolloré et un de ses concurrents en Afrique? Le parallèle avec l’affaire de Progosa au Togo, sur le port de Lomé, n’est pas sur la même longueur d’onde, précise le groupe de Puteaux. « À Lomé, nous avons repris possession de nos biens. À Conakry, nous avons repris une concession par décision du président de la République Guinéenne. » Il reste qu’encore une fois, la situation entre le groupe Bolloré et son concurrent risque de tourner au mélodrame judiciaire.

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