De 1991 à 2011, l’Aremiti a surfé sur la « vague »

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Initialement, le bateau était destiné à assurer une navette de passagers dans le lagon de Bora Bora, entre l’aéroport et l’île principale, au profit d’Air Tahiti, qui y a renoncé. Alors, Eugène Degage a obtenu une licence sur Moorea, au moment où Valère Le Prado, aguerri depuis 1970, y était seul avec deux ferries lents. La vraie desserte passagers n’a commencé qu’en 1963, avec le Keke-II et ses 45 places, et plusieurs armateurs s’y sont brûlés. Eugène Degage est armateur depuis 1986, avec deux « goélettes » (caboteurs locaux) sur les Tuamotu.

20 septembre 1991: L’Aremiti-1, navire de 1988, annonce une longue et dure bataille. Les armes? Vitesse, confort, capacité, où seuls les catamarans seront en lice. L’option « occasion », moins chère, montrera ses limites devant le « neuf », plus onéreux mais plus fiable. « Confortable, le bateau est bien accueilli: 35 mn de traversée au lieu d’une heure, pour 100 personnes. » La société compte un équipage de cinq marins et deux caissières. Mais la licence impose une condition: qu’il soit remplacé par un bateau d’au moins 24 m. L’armateur s’exécute et, en 1992, l’Aremiti-II, 30 m, 250 passagers, 23 nœuds, neuf, est mis en ligne. Valère Le Prado réagit la même année, avec un catamaran rapide, Tamahine-Moorea-I, 192 passagers, d’occasion. La concurrence est lancée, au point que l’on parlera de course entre les navires, jusque dans des rapports administratifs. « Non! Les navires sortent en même temps et reviennent en même temps, ils sont côte à côte, on ne peut pas faire la course, ce n’est pas l’objectif », se défend Eugène Degage. De fait, le Territoire n’intervient pas et les armateurs assurent un service public « à leurs risques et périls »: les deux sociétés adoptent les mêmes horaires, imposés par les travailleurs qui vont à Papeete le matin et en reviennent le soir. Au fil du temps, la vitesse se stabilisera à près de 30 nœuds. « De 30 à 40 en 1991, les travailleurs sont 400 aujourd’hui. Les manuels prennent le bateau de 5 h 30 pour arriver vers 6 heures; les professions libérales et les fonctionnaires prennent la navette de 7 heures. » Oui, mais les élèves? « Les écoles commencent à 7 h 15. Donc, pour être à l’heure, ils ne peuvent prendre que le navire de 5 h 30! Il n’y a pas de seconde unité! »

Sur les ferries, au tour d’Eugène Degage de re-reprendre la main: en 1993, il obtient la licence pour un catamaran de 517 places, l’Aremiti-Ferry, avec un restaurant au dernier pont, qui sera exploité le soir à Papeete, puis abandonné. « L’administration m’a imposé une taille compatible avec la 2e catégorie. Du coup, sa largeur passe de 17 m à 20,50 m, et n’entre pas dans le dock de Papeete. Le directeur du port lui-même me dit que mon navire est trop gros! » Les difficultés continuent: « J’étais présent à Singapour pour obtenir le certificat de navigation, et dès que je l’ai eu, mon chantier m’a assigné au tribunal. J’ai perdu. Mais si je prenais en charge les dernières finitions, avec passage sur dock, le chantier me laissait partir. Je suis resté cinq mois dans ma chambre d’hôtel. » Le ferry est arrivé à Tahiti en octobre 1996, mais le Corsaire-6000, Fast Ferry Tamarii-Moorea-VIII, acheté par Valère le Prado, l’y a précédé en août.

Pas de répit pour la guerre des catamarans: 1994, un perce-vague, d’occasion, 300 places; un coussin d’air en 1995, 380 pax, auxquels répond, en 1995, l’Aremiti-3, neuf, 416 pax, 30 nœuds. La fréquentation du chenal croît vite: 459 000 en 1991, 1 045 000 en 1994, 1 223 000 en 1997.

Deux politiques: le neuf contre l’occasion. « Je pense que la population avait confiance dans notre société qui achetait les navires neufs, la seule société à le faire et qui améliorait service et qualité », explique Eugène Degage.

En 1999 arrive l’Aremiti-4, 495 places, 18 voitures, et l’hallali pour Valère Le Prado sonne: investissements hasardeux, saisie du coussin d’air, arrêt sur pannes du Corsaire-6000, arrêt de son dernier ferry. Il se retire en 2000.

Eugène Degage seul? Trois concurrences veulent en découdre: la première durera trois mois, la seconde avec le Ono-Ono s’arrêtera en 2003. La troisième, Jo Bunton, qui a travaillé au transport de fret avec Eugène Degage, crée sa compagnie, SDM, avec deux unités d’occasion à faible coût, et commence par une guerre tarifaire sans merci. Aremiti laisse passer l’orage, puis suit le mouvement: SDM doit jeter l’éponge et vend ses deux navires à un successeur en 2007.

Aremiti a tenu: « Dès que l’on a les moyens, on investit dans les pièces de rechange. »

La politique d’Eugène Degage? « Il faut que le transport se fasse dans les meilleures conditions de sécurité, de confort, et absorber le surplus de passagers. Si on laisse les passagers sur les quais, les gens vont se dire “je ne vais pas habiter à Moorea, je ne suis pas sûr de rentrer chez moi, d’aller à mon travail”. » Le surplus: une hantise, qui amène l’Aremiti-5, donné pour 700 places mais autorisé avec 630 places, les affaires maritimes n’acceptent plus les places en « sundeck ». Aujourd’hui ce sont bien 697 places, car 67 ont été réaménagées à l’intérieur. En 2012, un nouvel Aremiti-Ferry-II de 1 000 places pourra jouer les remplaçants en cas de défaillance.

Aujourd’hui, Tuanua Degage seconde son père pour lui succéder, gère 80 personnes et surfe avec adresse sur la « vague », aremiti en Tahitien, « qui unit les deux îles Tahiti et Moorea ».

Aremiti-Ferry et Super-Servant

Caréner l’Aremiti-Ferry: trop large pour le dock à Papeete, trop contraignant d’aller en Nouvelle-Zélande en raison des transits. Alors, comme chaque année, un des navires semi-submersibles Super-Servant fait escale à Tahiti, Eugène Degage profite de son passage pour caréner. Mais la facture croît d’année en année et devient insupportable: autre raison pour construire un nouvel Aremiti-Ferry-II, qui lui entrera dans le dock actuel.

Leur histoire

Aremiti-1: sert de transport scolaire dans les Tuamotu. Il a été allongé de 5 m en novembre 2007.

Aremiti-2: s’est échoué à Maupiti en 2004. Il est en attente de réparations.

Aremiti-3: a tenté l’aventure, mitigée, de la desserte des Îles Sous-le-Vent. En 2003, il sera acheté par la région Normandie.

Aremiti-4: a tenté la desserte des Îles Sous-le-Vent, mais a cessé, faute de rentabilité. Il est affrété en Nouvelle-Calédonie

Corsaire-Aremiti: En décembre 2002, le Corsaire a tenté la desserte des Îles Sous-le-Vent, mais, moteur cassé en février 2003, le navire reste définitivement à quai.

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