Coup dur pour les 73 salariés de cette entreprise arrivée dans le port du Havre voilà cinq ans environ. À l’époque, elle ouvre une brèche dans le secteur monopolistique du remorquage, et cette filiale du néerlandais Kotug entend même poursuivre son développement en envisageant d’ouvrir, peu après, une seconde faille, cette fois-ci dans le port de Marseille… Mais c’est la fin de l’histoire: l’entreprise afficherait un passif considérable, de l’ordre de 17 M€ selon certaines sources, tandis qu’entre-temps, en face, les anciennes Abeilles, devenues Boluda, ont dû lancer un plan social et ont perdu une part de leurs activités. Au final, qui aura réellement gagné cette bataille du remorquage dans le port du Havre? Personne… 73 salariés sur le carreau du côté de la SNRH, et un plan de départ chez Boluda qui a vu son effectif fondre de près de 40 personnes en même temps que le nombre de coques passait de neuf à sept. Aujourd’hui néanmoins, Boluda affirme être en capacité d’absorber le trafic alors servi par son voisin.
La concurrence dans le remorquage au Havre, c’est une histoire tumultueuse émaillée de provocations, de procès, de plaintes, de manifestations… Bien avant son arrivée réelle, la SNRH, fondée par un ancien dirigeant des Abeilles, a déjà provoqué une vive émotion dans le monde portuaire. Les Abeilles, pas encore sous pavillon espagnol, ont alerté sur les dangers que représenterait une concurrence jugée « déloyale ». Car c’est le fil conducteur de cette histoire. « On veut bien de la concurrence, mais à la condition que tout le monde soit sur un pied d’égalité », ont dit à l’époque les représentants du personnel des Abeilles. En ligne de mire: les tableaux d’effectifs et les obligations, comme celle d’avoir toujours à quai un remorqueur de secours. Et c’est sous l’angle des effectifs que la SNRH a pu rapidement progresser et prendre des parts de marché.
Plombée par son entêtement à défier les règles
Réputée moins chère parce que fonctionnant avec des équipages moins nombreux, organisés différemment, des horaires de travail et des temps de repos qui ont fait l’objet de nombreux conflits et procès, la SNRH s’est vite fait une place de choix au Havre, servant quelques grands armements. Mais l’entreprise a été plombée par son entêtement à vouloir défier les règles, sociales notamment. Ce qui lui a valu de nombreux procès parfois remportés, d’autres non, avec, l’été dernier, une décision du Conseil d’État qui a conduit l’administration à signer une injonction de laisser les coques à quai. Un coup dur qui s’avérera, finalement, fatal.
Quelques semaines après l’injonction de l’administration, l’entreprise demande au tribunal de commerce de la placer sous procédure de sauvegarde. Elle passe dans les mains d’un administrateur chargé de redresser la barre. Deux mois plus tard, la SNRH plie ses valises et, faute de coques, n’a plus qu’à demander sa liquidation par le tribunal de commerce. Acculée face à ses dettes et son incapacité à payer davantage l’affrètement de ses cinq coques dont le contrat est arrivé à son terme avec la fin de l’année, la compagnie a dû, le cœur gros sans doute, laisser filer ses remorqueurs oranges repris par leur propriétaire maltais, la société Elizabeth Ltd. Le 4 janvier, avant de mettre le cap vers la Grande-Bretagne pour certains, Rotterdam pour d’autres, les cinq coques ont donc perdu leur pavillon français pour un pavillon maltais et, sur les flancs, le nom de Valletta (Malte) a succédé à celui de leur port d’attache depuis cinq ans, Le Havre.