« Depuis 15 ans, nous passons avec les collectivités territoriales des conventions ou des partenariats sur des plans d’investissement ou de développement concernant l’établissement portuaire, témoigne Bernard Pacory, directeur de Ports de Lille. L’Europe participe aussi dans le cadre des fonds Feder ou Interreg. Le développement du port s’inscrit dans une démarche conduite avec les collectivités territoriales. » Dans le Nord-Pas-de-Calais, il y a donc un travail en commun, une véritable coopération entre les différents partenaires intéressés au développement de Ports de Lille. À tel point que la région, en accord avec les chambres de commerce et d’industrie (CCI), gestionnaires des ports, se prépare à devenir concédante, à la place de l’État et donc de Voies navigables de France (VNF), des concessions des ports intérieurs du Nord-Pas-de-Calais, notamment Lille et Béthune. Ces derniers devraient donc passer dans le giron de la région dans le courant de l’année 2011. Dans le Nord-Pas-de-Calais, les ports maritimes de Calais et Boulogne, l’aéroport de Lille-Lesquin et la plate-forme de Dourges Delta 3 relèvent déjà du conseil régional. Une nouvelle fois, cette région de la France joue un rôle précurseur en étant la première à se lancer dans la démarche de transfert des ports intérieurs. Cette possibilité est prévue dans l’article 32 V de la loi dite « sur les libertés et responsabilités locales » du 13 août 2004. Cet article a rendu les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents pour créer, aménager et exploiter les ports intérieurs dont le transfert de propriété est prévu dans les mêmes conditions que celui des cours d’eau, canaux et plans d’eau, c’est-à-dire aux collectivités territoriales ou groupements qui en font la demande, en priorité aux régions, avec une expérimentation de six ans possible comme prévu par l’article 1-2 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure. Le transfert est possible soit au propriétaire de la voie d’eau sur laquelle le port est situé, soit à d’autres collectivités ou groupement de collectivités intéressées. Toutefois, les ports fluviaux d’intérêt national ne peuvent transférer, c’est-à-dire Paris et Strasbourg. Sont donc concernés par la décentralisation la quasi-totalité des ports intérieurs français, qu’ils desservent le réseau magistral ou le réseau décentralisable, qu’ils soient de commerce ou de plaisance. Si la loi autorise le transfert d’un ou plusieurs ports intérieurs à une collectivité ou à un groupement de collectivités, elle ne définit pas exactement ce qu’est un port intérieur ni quelles sont ses limites. Par exemple, doit-on considérer que les zones industrialo-portuaire sont incluses dans les limites du port intérieur lorsque les activités qui y sont installées n’ont aucun lien avec la voie d’eau? Le silence de la loi rend compliqué la réalisation concrète du transfert d’un port intérieur à une collectivité. Et ce sont tous ces points non précisés par la loi que la région Nord-Pas-de-Calais va devoir négocier avec le préfet et VNF. De plus, le transfert d’un port intérieur se fait à titre gratuit. Or, en l’espèce, la décentralisation ne s’opère pas à partir du domaine géré par l’État mais à partir de celui qui est géré par VNF. Ainsi, à l’occasion d’un transfert d’un port intérieur à une collectivité, le transfert des recettes issues de la concession du port constitue une perte sèche dans le budget de VNF non compensée à due concurrence par une ressource de l’État. Sans doute un autre point à régler dans le cadre des négociations en cours sur le transfert des ports intérieurs du Nord-Pas-de-Calais. Au-delà de tous ces points délicats à négocier pour aboutir au transfert des ports intérieurs à la région Nord-Pas-de-Calais, le fait d’avoir une collectivité territoriale comme concédante devrait aller dans un sens positif pour le développement de Lille et de Béthune comme c’est le cas pour les ports maritimes ou l’aéroport. La région Nord-Pas-de-Calais, située entre l’Île-de-France, premier bassin de consommation hexagonal, et le Benelux, a une carte à jouer à la fois dans le cadre de l’aménagement du territoire et du développement des sites portuaires. En effet, avec une façade portuaire unifiée (Calais, Boulogne, Dunkerque), avec l’aéroport de Lille-Lesquin, avec Delta 3 à Dourges et les ports intérieurs, le Nord-Pas-de-Calais pourrait devenir une vraie plate-forme logistique européenne qui pourrait largement et efficacement concurrencer (ou au moins tenir tête à) celles du Benelux et des ports de la range Nord.
Dossier fluvial
Vers la décentralisation des ports intérieurs
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