« Le marché du Détroit du Pas-de-Calais a toujours été compliqué à percevoir. Avec la crise économique de 2009 et l’incendie qui a ravagé nos installations en septembre 2008, il est prématuré de faire un bilan des parts de marché de chacun sur ce secteur », indique Jo Willacy, directrice commerciale d’Eurotunnel. Une précaution empreinte de modestie. Eurotunnel affiche des résultats optimistes sur le premier semestre et la stratégie actuelle est avant tout axée sur le retour des volumes réalisés avant l’incendie de septembre 2008. « Depuis deux ans, nous menons cette action et nous sommes prêts de nos objectifs », confie la directrice commerciale d’Eurotunnel. Mais, de là à faire des prévisions sur le long terme, Jo Willacy se refuse à cet exercice. « Notre concession du tunnel s’étend jusqu’en 2086. Nous ne pouvons avoir une politique tarifaire de court terme avec des variations trop importantes de prix. Nous sommes plutôt sur une stabilité de nos prix », continue-t-elle. Une position appuyée par le directeur de la stratégie du fret à Eurotunnel, Christian Dufermont, qui rappelle « toujours avoir eu une politique de prix de la valeur du marché. Nous avons défendu la pertinence économique de notre modèle ». Une politique globale qui n’empêche pas Eurotunnel d’avoir des actions commerciales ciblées.
« Le marché a besoin de sécurité pour rester en pleine forme », répète Jo Willacy. Sa plus grande peur serait de voir le secteur se perdre dans un déséquilibre entre l’offre et la demande. « Nous avons su réduire la voilure lors de la crise », souligne Christian Dufermont. Quand les armements opérant les ferries s’alarment des conditions difficiles à venir à l’automne (voir JMM 4735, P. 8), Eurotunnel reste sur sa position. La guerre des prix entamée entre les opérateurs ferry n’a jamais été alimentée par Eurotunnel. « Nous donnons le juste prix selon le modèle économique que nous proposons », souligne la directrice commerciale.
Après des résultats semestriels encourageants, Eurotunnel note une progression marginale sur le marché du détroit en septembre. En comparaison avec 2007, la progression est encore plus faible. « Le retour à la situation d’avant la crise économique et l’incendie prendra plusieurs années », note la direction d’Eurotunnel. Concernant la fin de l’année, Eurotunnel reste prudent sur les perspectives. La situation est tendue sur le fret, souligne la direction qui mise en partie sur les trafics de fruit depuis le sud de l’Europe.
Eurotunnel a toujours été perçu comme un concurrent des ferries sur le détroit du Pas-de-Calais. Aujourd’hui, le groupe mène des premières tentatives de diversification. Il a pris position sur le ferroviaire en emportant l’appel d’offres pour l’exploitation du réseau ferroviaire du Grand port maritime de Dunkerque. « Notre diversification se fera sur ce secteur. Nous avons les capacités pour prendre de nouvelles positions et dans ce jeu, nous devons être patients. quand nous pensons pouvoir conclure des synergies avec des partenaires et que nous apportons une valeur ajoutée à un projet, nous serons prêts à tenter l’aventure », indique Jo Willacy.
L’autorité portuaire de Douvres entre dans la guerre tarifaire
La guerre des mots entre l’autorité portuaire de Douvres (Dover Harbour Board, DHB) et ses principaux opérateurs ferry continue. Le président de la DHB, Bob Goldfield, a appelé les ferries à mettre un terme à leur guerre des prix.
Dans un entretien avec le Lloyd’s List, Bob Goldfield indique que l’autorité portuaire accueillerait avec bienveillance « un réalignement des prix sur le détroit » par les compagnies de ferry. Il a ajouté que ces armements « ont probablement trop de capacité vendue au mauvais prix ». Ces remarques font suite à une attaque des trois principaux opérateurs ferry (P&O Ferries, SeaFrance et DFDS Seaways) à propos de la privatisation du port de Douvres. Les armateurs dénoncent une privatisation pour prévoir le financement d’un nouveau terminal sur le port. Ils refusent de devoir encore payer des développements quand ils sont assujettis chaque année à des hausses tarifaires de la part de l’autorité portuaire. Le président de la DHB estime le coût de ce terminal à environ 200 M£, voire 250 M£. La DHB réalise en moyenne 10 M£ de bénéfice par an, nécessitant donc, pour le financement de ce terminal, un plan de financement radical. Les armements ferry sont pris à la gorge. D’une part, ils se disent face à une guerre tarifaire menée par Eurotunnel, maintenant que sa dette a été annulée. D’autre part, ils enregistrent des difficultés financières lourdes. SeaFrance est dans une procédure d’administration judiciaire et P&O Ferries a récemment annoncé le licenciement de 70 personnels sédentaires.