« Le projet est en panne et il le reste » C’est pour tenter de le sortir de cette mauvaise passe que Gilles Fournier, le président du conseil de surveillance du Grand port maritime du Havre, a fait adopter, la semaine passée, une décision majeure dans le dossier de construction du terminal méthanier dans le port pétrolier d’Antifer. Face à un projet mis en sommeil en janvier dernier par Gaz de Normandie, filiale de Poweo, le directoire et le conseil de surveillance du GPMH ont donc décidé de prendre pied dans le capital de Gaz de Normandie.
Indemnités dues et capitalisation
« Sous réserve de vérification de faisabilité juridique », le GPMH entrera dans le tour de table à hauteur de 32,98 %, soit 3,7 M€. L’opération est effectuée par « capitalisation de sommes qui sont dues et qui sont difficilement recouvrables » souligne Gilles Fournier. Dans le détail, le GPMH souscrit à une augmentation du capital de GDN. Et ce montant de l’augmentation de capital (3,7 M€) sera payé par le port par compensation avec des créances dont il bénéficie à l’encontre de Gaz de Normandie. Ces créances correspondent aux indemnités de réservation du terrain, dues au titre de la prolongation de 10 mois sur la période de réservation (116 250 € par trimestre), additionnées à celles correspondant à une prolongation de cinq ans au-delà du 2 janvier 2011 de cette période de réservation, et réévaluées à 150 125 € par trimestre. Initialement, GDN a bénéficié d’un contrat de réservation à Antifer jusqu’en juillet 2009. Le 3 juillet 2009, ce contrat a été prolongé de 18 mois avec expiration le 2 janvier 2011. Mais depuis l’été 2009, les indemnités de réservation (environ 700 000 €) sont restées non payées au port. En investissant ainsi, le GPMH entend donner au projet « les meilleures chances » d’aboutir. Avec ou sans Poweo, l’actionnaire de référence de Gaz de Normandie qui, désormais, verra sa part dans le tour de table descendre de 73 % à un peu moins de 50 %, le port en ayant près de 33 % et la CIM, allié historique de Poweo, 18 %. Pour Gilles Fournier, l’entrée du port dans le capital de l’entreprise privée « n’est pas une mesure de défiance à Poweo ni, non plus, une mesure de soutien ». En clair, le GPMH veut accompagner le projet « pendant une période correspondant à la durée permettant que les conditions économiques et commerciales soient plus favorables ». Poweo sera-t-il encore dans le tour de table à l’arrivée? Le GPMH ne cache pas qu’un autre opérateur pourrait faire son entrée dans l’affaire.
« Conflit d’intérêt »
Du côté des opposants au terminal, la décision du GPMH d’entrer dans Gaz de Normandie provoque un tollé. « Ce n’est pas à la puissance publique de sauver le soldat Poweo », souligne François Auber, le maire de Saint-Jouin-Bruneval, là où se situe le port d’Antifer. Selon lui, « la participation sans appel d’offres d’un établissement public dans un projet privé pose la question du conflit d’intérêt dans la mesure où, à l’origine du projet, le port a retenu GDN suite à un appel d’offres ». Pour François Auber, la prise de participation du port dans la filiale de Poweo est « une aberration économique, politique et morale ».
Au conseil de surveillance de la semaine passée, les élus de gauche représentants la région Haute-Normandie et le département de la Seine-Maritime ont voté contre l’entrée du port dans le capital de GDN. La CGT estimant également que l’établissement public n’a pas à prendre part dans une entreprise privée. Son de cloche radicalement différent pour Laurent Castaing, le président du directoire du GPMH. Pour lui, une prise de participation dans une entreprise « n’est pas un élément marquant de notre stratégie mais nous le faisons quand nos intérêts stratégiques sont concernés ». Exemple: depuis des années, le port est un acteur dans Paris-Terminal, une société privée. Aujourd’hui, le port se poserait la question de la pérennité de sa présence dans le tour de table…