La première phase de Felixstowe Sud comprend 730 m de quai et une zone d’entreposage de 200 000 m2. À terme, le terminal disposera de 1 285 m de quai et portera la longueur totale des quais en eau profonde du port à 4 km. Les trois premiers portiques d’une série de sept ont été livrés en juin dernier. Chacun peut soulever deux conteneurs à la fois, soit 70 t. En 2016, il y en aura 13, tous construits par la société chinoise Zhenhua. En outre, 27 grues sur pneus seront en service à l’issue de la première phase, et 50 à terme. La capacité d’entreposage atteindra 21 000 EVP dans un premier temps, puis 46 800 EVP en 2018.
Le projet complet, qui coûtera 240 M£ (282,3 M€), augmentera la capacité du port de 50 % à 5,2 MEVP et lui permettra de traiter deux fois plus de très grands navires par an. Westminster Dredging, filiale du groupe néerlandais Royal Boskalis, approfondira d’abord le tirant d’eau à 16 m pour accueillir simultanément deux des plus grands navires du monde en service, puis ensuite à 18 m.
En mai 2008, le principal contractant Costrain a commencé la construction de Felixstowe Sud par l’enfouissement de 200 000 t de piles tubulaires en acier, acheminées des Pays-Bas. Pour la partie terrestre, il a comblé le bassin d’origine, qui constituait le port entre 1886 et les années 1960, et absorbé l’ancien terminal fret et passagers de P & O North Sea Ferries et une partie du terminal Landguard, premier en Grande-Bretagne dédié aux conteneurs. Le premier service transatlantique est parti de là en juillet 1967, inaugurant une révolution du transport maritime, considérée à l’époque et pendant de longs mois à Londres et ailleurs, comme « une phase transitoire ». Lorsque le gouvernement et les syndicats de l’époque ont compris que le concept était prometteur, ils ont tenté de nationaliser le port et d’en confier l’exploitation au Programme national des dockers (National Dock Labour Scheme). Mais le secteur privé et les ouvriers du port, déjà syndiqués et bien payés, ont mené avec succès une intense action de lobbying auprès du Parlement.
Une fois opérationnel, Felixstowe Sud devrait créer 600 emplois directs dans le port et 800 dans les entreprises affiliées.
Le soutien chinois
Le respect mutuel entre le groupe Hutchison et la Chine, sensible sur le plan politique et motivée sur le plan commercial, repose sur deux faits historiques. Hutchison a commencé comme dispensaire britannique fournissant des médicaments à la population nécessiteuse de Canton (devenu Guangzhou) dans les années 1840. Puis il s’est agrandi et diversifié (voir encadré) et a aujourd’hui des intérêts dans les principaux terminaux à conteneurs du monde et quelques installations fluviales qui alimentent les grands ports comme Hong Kong, par où transitent chaque année les exportations chinoises d’une valeur de 1 200 Md$. La plupart d’entre elles entrent sur le marché britannique par Felixstowe et entraînent un déséquilibre des trafics de conteneurs. Les exportations de Grande-Bretagne vers l’Extrême-Orient consistent essentiellement en ferrailles. Toutefois, à Shanghaï, où résident près de 116 000 millionnaires, la demande de produits européens de qualité augmente.
Le premier service conteneurisé direct entre la Grande-Bretagne et l’Extrême-Orient a été ouvert en 1974 par le cargo Yeh-Yung d’Orient Overseas Container Line (OOCL), transformé à cet effet. C.H. Tung, fils du fondateur d’OOCL, est nommé administrateur du port de Felixstowe en 1991. Six ans plus tard, il est promu premier directeur général de Hong Kong, quand la colonie britannique est devenue une « région administrative spéciale » après sa restitution à la Chine. Les liens restent étroits avec le port de Felixstowe, impliqué depuis longtemps dans la coopération commerciale entre la Chine continentale et Taïwan. Felixstowe Sud sera accessible aux services océaniques directs et en transbordement pour l’Europe du Nord et les îles britanniques.
Le terminal Nord, connu sous le nom de Felixstowe Trinity, accueille régulièrement les navires de MSC et de Mærsk. Certains atteignent 14 000 EVP et sont donc trop grands pour les tirants d’eau des ports irlandais et écossais.
Obstacles surmontés
Felixstowe Sud devrait accueillir son premier navire au quatrième trimestre 2010, et sa première phase devrait être totalement opérationnelle en 2011, soit un an de plus que prévu lors du début des travaux à l’été 2008. Felixstowe, estime Hutchison UK, disposera alors de plus de 80 % de la capacité en eau profonde de Grande-Bretagne pour traiter les plus grands navires en service dans le monde. « La récession nous a donné l’occasion de modifier au mieux les phases de développement sous le rapport coût/efficacité », nous a confié un cadre supérieur sans plus de précision. Alors que les actionnaires de Hutchison ne rencontrent aucune difficulté pour lever les capitaux nécessaires, tous les programmes similaires en Grande-Bretagne sont suspendus.
Felixstowe Sud n’a pas eu à surmonter les obstacles en matière de protection de l’environnement, qui ont retardé les travaux du terminal Nord (Trinity) et dont l’enquête préliminaire a duré trois ans. Le port a financé une grande réserve naturelle en compensation de la perte de vasières à marées qui servaient à l’alimentation de la faune locale. La plus grande partie de l’espace Sud a été rachetée à bas prix par le port au ministère de la Défense il y a trente ans. Une petite partie du fond du bassin, récupéré sur la mer pour prolonger le quai, a été louée dans « des conditions commerciales ». Ce bassin appartient à la Couronne mais les recettes obtenues sont versées à l’État. Le terrain du terminal Nord appartient au Trinity College (site de l’université de Cambridge) qui, en tant qu’établissement éducatif, ne paie pas d’impôt sur le bail annuel de plus de 3 M£ (3,6 M€) qu’il reçoit du port. De loin le plus grand et plus riche des sites universitaires « d’Oxbridge » (Oxford et Cambridge), le Trinity College est très impliqué dans les entreprises portuaires de Felixstowe. Mais ni lui ni ses agents ne peuvent investir dans le Felixstowe Sud. Les sévères coupes budgétaires, annoncées en juin par le gouvernement britannique, ont eu notamment pour effet de retarder le programme, estimé à 1,1 Md£ (1,3 Md€), d’extension de l’autoroute A14 qui relie Felixstowe à l’ouest et au nord du pays. Ce programme consiste à faire passer l’autoroute de deux à trois voies dans chaque direction. L’A14 est en effet la plus encombrée de la région de Cambridge, en partie à cause du parc scientifique… financé essentiellement par le port. En 2009, le port de Felixstowe a vu son trafic légèrement baisser à 3,1 MEVP et s’est retrouvé au 33e rang dans le monde pour les conteneurs. Mais en Grande-Bretagne, il n’a qu’un seul véritable concurrent: Southampton!
Calendrier retardé
Par suite du ralentissement du commerce mondial, la première phase de Felixstowe Sud ne sera opérationnelle qu’en 2011 et les travaux ne seront totalement achevés qu’en 2018, et non 2016, comme annoncé précédemment.
En effet, ceux de la seconde phase, deux postes sur un quai de 555 m, devront encore attendre cinq ans après ceux de la première. Il en sera de même pour le doublement de la voie ferrée unique de 8 km entre Felixstowe et Ipswich et pour la construction d’une bretelle pour les trains de conteneurs. Ces travaux, estimés à 40 M£ (48,7 M€), ont toujours été une condition préalable à l’autorisation de la planification du projet Felixstowe South.
Dans une lettre au Conseil du district de Suffolk, le groupe Hutchison écrit: « La récession en Grande-Bretagne a réduit la demande de marchandises importées par conteneurs. Le port a reculé de cinq ans en termes de croissance avec un trafic intérieur inférieur à celui de 2005 et des mouvements routiers en dessous de ceux de 2004. En conséquence, la seconde phase de la reconfiguration de Felixstowe Sud n’est pas nécessaire à très court terme. Le développement futur du port tient à sa capacité à se produire au moment voulu et dans le meilleur rapport coût/efficacité. » Le trafic de conteneurs dépasse déjà celui de 2009, mais la direction du port ne souhaite pas en dire plus.
Hutchison sur tous les continents
Le groupe Hutchison Whampoa Limited, créé en 1977, résulte de la fusion des sociétés Hong Kong & Whampoa Dock Company et Hutchison International fondées au XIXe siècle à Hong Kong, alors colonie britannique. Son siège s’y trouve encore. D’après son site officiel, il emploie 220 000 personnes dans 54 pays et a réalisé un chiffre d’affaires de 39 Md$ au 31 décembre 2009. Il comprend cinq divisions: activités et services portuaires; immobilier et hôtellerie; distribution; énergie, infrastructures, investissements et autres; télécommunications. Sa division Hutchison Port Holdings, qui a des intérêts dans 308 postes à quais de 51 ports répartis dans 25 pays, possède notamment les ports britanniques de Felixstowe, Harwich et Thamesport.