« Une réforme de fond sur fond de crise. » C’est sous cet intitulé que le rapport annuel de l’Unim annonce l’année passée. Après une année 2007 qui a consacré la prise de conscience d’un changement de l’organisation dans les ports français et une année 2008 dédiée aux chantiers législatifs, « l’année 2009 a été plus ingrate et nettement moins médiatique ». Deux crises ont touché l’économie portuaire l’an passé. En premier lieu, la crise économique s’est matérialisée par des pertes de trafic dans les ports. « Elle va jeter un climat de doute sur les chances d’aboutir dans un délai raisonnable », a noté Xavier Galbrun. Une ombre qui va planer sur cette réforme, mais rapidement balayée par les propos du secrétaire d’État aux transports, Dominique Bussereau, qui n’a eu de cesse de répéter que la réforme se ferait coûte que coûte. À cette crise économique est venue s’ajouter une crise « institutionnelle ». La Commission européenne s’est invitée dans le débat en menant une enquête sur les conditions de cession des outillages. « L’assemblée générale de la Feport (Fédération européenne des opérateurs privés des ports) nous a permis de nous exprimer sur ce sujet. Nous avons expliqué la réforme », a rappelé Xavier Galbrun. Après avoir été évalués par la Commission nationale, les prix de cession des outillages ont été réglés. Le seul point à résoudre a porté sur la taxe professionnelle. Sa disparition fait tomber avec elle les dispositions dans le texte de loi sur les avantages contestés par l’Europe.
Au cours des douze mois de 2009, la réforme est entrée dans une phase de fond. Les trois chantiers démarrés en 2008 se sont prolongés en 2009. En premier lieu, il s’est agi du chantier institutionnel. Plusieurs textes réglementaires publiés en mars 2009 ont finalement mis en place les organes de gouvernance des Grands Ports maritimes et les conseils de coordination interportuaire. « Des retards dans la mise en place de cette nouvelle gouvernance auront des conséquences sur la suite du film », a souligné le délégué général.
Le second chantier s’est concentré sur l’aspect conventionnel. Après la signature, le 30 octobre 2008, de l’accord-cadre national, les partenaires sociaux se sont retrouvés pendant toute l’année pour travailler à la nouvelle convention collective unifiée « Ports & Manutention ». L’unification de ces deux textes a été un travail titanesque. « D’un côté, nous avions une convention sur la manutention avec des outils modernes. De l’autre, un texte que nous considérions comme un peu vieillissant. Nous avons su travailler tous ensemble pour faire avancer ce dossier », a déclaré Xavier Galbrun. L’enjeu majeur de ce toilettage des textes a surtout porté sur la facilitation de la question de détachement des personnels. Des questions de fond se posent avec notamment le champ d’application. Sur la manutention dans les ports de pêche, seule une entreprise, basée à Lorient, est identifiée. Après de longues discussions, ce secteur est intégré à la convention avec de nombreuses spécifications. Quant aux ports fluviaux, ils refuseront d’entrer dans ce cadre en l’annonçant publiquement par la voix de l’AFPI (Association française des ports intérieurs). La seconde difficulté tient aux classifications et aux minima conventionnels. La solution trouvée vise à adopter une révision simultanée des deux champs des conventions ultérieures.
Avancer sur la pénibilité
Le corps du texte est désormais achevé. Sa mise à la signature dépend maintenant de la finalisation des annexes. Un point demeure à régler pour cette convention collective: la pénibilité. Les partenaires sociaux ont tenu de nombreuses réunions sur ce sujet. « Plusieurs points clés paraissent acquis, selon le délégué général de l’Unim. D’une part, le mécanisme général d’ouverture des droits repose sur un dispositif collectif dans ses principes mais individuel dans sa mise en œuvre. D’autre part, l’anticipation est calculée par rapport à l’âge légal de départ à la retraite, sous réserve que le salarié ait acquis les droits permettant de liquider une retraite à taux plein. » Quant au financement de ces mesures, si les salariés et les entreprises semblent être tombés d’accord sur les modalités, la participation de l’État n’est pas encore claire.
Pour entrer dans une nouvelle organisation portuaire, l’équation à résoudre comprend trois variables. La première est la signature de la convention collective, la seconde concerne la mise en place de la loi avec le détachement des personnels, la troisième porte sur la pénibilité.
Une situation satisfaisante à La Rochelle, Nantes et Dunkerque
Troisième volet de ce rapport annuel de l’Unim, l’application locale de la réforme portuaire. Une réunion s’est déroulée le 17 juin avec les partenaires sociaux. Il a été déterminé que, dans la moitié des ports, la situation est satisfaisante à l’image de La Rochelle, Nantes et Dunkerque. À Bordeaux, la situation est jugée difficile par rapport aux perspectives de développement du port. La situation particulière de Rouen, en avance de six mois sur ses homologues, l’obligera à sortir rapidement du conflit. Enfin, au Havre et à Marseille, la situation est contrastée. « Dans le port normand, il s’agit plus d’un problème de communication entre les parties que de fond », a souligné Christian Paschetta. Marseille est dans une position plus ambiguë. Dans les bassins Est, une solution conciliant les souhaits de chacun se dessine et « je ne comprendrais pas qu’elle ne soit pas acceptée », a souligné le président de l’Unim. Sur les bassins Ouest, les syndicats unifiés ont présenté leur façon d’envisager l’avenir. « J’ai de bons espoirs pour trouver une solution », a conclu Christian Paschetta. L’aube se lève sur un nouveau paysage portuaire en France.