Brittany Ferries a toujours mené une politique de renouvellement de sa flotte par des acquisitions neuves. L'entrée du Cap-Finistère dénote avec cette stratégie. Le navire a été acheté sur le marché de l'occasion. Pour autant il n'est pas un vieux navire. Construit en 2001 par les chantiers allemands HDW à Kiel, il a navigué pendant presque une décennie sous les couleurs de l'armement grec Attica sous le nom de Superfast-V. Ce choix de se tourner vers le marché de l'occasion est guidé par deux facteurs. « Le marché du neuf est demeuré élevé pour les navires dont nous avons besoin. Chaque unité est une sorte de prototype adapté aux conditions nautiques et portuaires des lignes qu'elle va fréquenter. En faisant construire un navire neuf, nous aurions dû attendre deux ans et dans un marché dont les prix sont toujours élevés. Le marché de l'occasion nous a semblé dès l'été 2008 plus propice », explique Jean-Marc Roué, président du directoire de Brittany Ferries. Quand le courtier de la maison Brittany Ferries, Masonshipbrokers, a repéré le navire dans les eaux grecques, il s'est employé à convaincre son armateur de le céder. Et le président du directoire de se réjouir de cette acquisition, « qui sied parfaitement aux standards que l'armement développe. »
Le navire a été acquis par la Brittany Ferries le 16 février. Remonté depuis les eaux grecques jusqu'à la Bretagne, il n'a pas fait l'objet de travaux importants. « Il est en bon état. Nous avons juste apporté des modifications pour l'adapter à notre offre », continue Jean-Marc Roué. Des changements qui concernent principalement les équipements de restauration et les peintures extérieures. Dans le contexte économique de 2009, l'achat de ce navire pouvait être perçu comme un pari risqué sur l'avenir. « Nous avons dû convaincre les actionnaires et les banquiers du bien-fondé de cette décision. Les banques nous ont fait confiance, mais au-delà, ce sont les actionnaires qui ont montré une fois de plus leur attachement à leur armement. Nous avons eu des débats lors de la présentation de ce projet, mais au final, l'adhésion de tous les partenaires, collectivités territoriales et représentants dans les sociétés d'économie mixte nous ont apporté unanimement leur soutien. »
au port de Cherbourg
Présenté le 22 mars à Cherbourg, le Cap-Finistère n'attend pas pour faire son entrée sur le marché. Dès le soir même, il a quitté le port de la Manche pour sa première traversée commerciale avec une cinquantaine de poids lourds et quelque 150 passagers. Il est affecté aux rotations entre le port normand et Portsmouth trois fois par semaine et assure, deux fois par semaine, la liaison entre Portsmouth et Santander en Espagne. En présentant ce navire à Cherbourg, Brittany Ferries a voulu marquer son attachement à ce port. Le retrait du Barfleur des liaisons au départ de Cherbourg a longtemps inquiété les responsables du port. « Dans les conditions économiques extrêmement dégradées des derniers mois, il était devenu impensable d'armer un navire supplémentaire sur les lignes au départ de Cherbourg. Nous avons décidé, en accord avec les collectivités publiques locales, le retrait du Barfleur », a expliqué Jean-Marc Roué. Une décision qui a suscité bien des polémiques. Le temps est aujourd'hui à l'apaisement. Et le président directoire a voulu marquer son attachement à ce port. « Brittany Ferries est la compagnie la plus attachée à ce port puisqu'elle y est présente depuis 24 ans sans discontinuer. » Une phrase lancée à l'attention des responsables politiques et économiques de la région. Et pour appuyer ses dires, le président du directoire de l'armement roscovite cite le président de la CCI de Cherbourg Cotentin qui déclarait à France 3 : « Nous verrons dans les semaines à venir ce que fait Brittany Ferries, faisons leur confiance un petit peu. » À l'inquiétude du maintien de l'armement à Cherbourg suit désormais une période d'assurance. La question de faire un choix entre Cherbourg et Caen n'a pas lieu d'être. « Il y a une pertinence à être présent dans ces deux ports », assure Jean-Marc Roué.
40 000 poids-lourds par an
Le nouvel entré dans la flotte de Brittany Ferries va assurer des rotations en Manche et sur l'Espagne, deux routes distinctes. En Manche, le marché a évolué ces dernières années. « En dix ans, le marché a perdu 13 millions de passagers entre le Détroit du Pas-de-Calais et la Manche ouest. Une baisse de 30 % », explique Jean-Marc Roué. Une diminution qui tient, selon lui, à l'abolition du duty-free en 1999. Les clients qui empruntaient les navires pour faire des achats ont disparu. ensuite, l'arrivée de compagnies aériennes à bas tarif vient prendre des parts de marché aux ferries. Enfin, le pouvoir d'achat des Britanniques a perdu de son volume ces derniers mois avec la nouvelle parité entre l'euro et la livre sterling. Un constat sur le secteur des passagers qui se décline aussi sur le fret. Après avoir enregistré une croissance d'environ 25 % de 1998 à 2008, le fret a perdu 18 % en 2009, soit le retrait de 770 000 poids-lourds des navires. Et l'avenir ? La concurrence devient plus sévère et P&O Ferries prévoit la mise en service d'un nouveau navire géant. Le Tunnel redémarre. Dans le même temps, les trafics stagnent, « certes, ils ne baissent plus, mais nous n'assistons pas encore à une reprise de trafic ». Des conditions économiques difficiles et Brittany Ferries a adapté son offre. Le Cotentin demeure sur la liaison avec Poole pour offrir une capacité fret suffisante. Le Normandie-Express passe à 11 rotations par semaine, contre neuf l'année précédente sur Portsmouth. Enfin, le Cap-Finistère vient renforcer les liaisons sur Portsmouth avec en plus des rotations sur l'Espagne. Cette rotation entre Portsmouth et Santander, Jean-Marc Roué la considère comme une vraie autoroute de la mer sans subventions. « Il existe un vrai potentiel et un véritable sens éco- nomique à relier ces deux ports. Le Cap-Finistère démontre notre volonté à renforcer ce dispositif. » L'armement met le cap vers ce report de la route vers la mer avec un objectif de transporter 40 000 poids-lourds dans deux ans. Le navire est « parfaitement adapté à ces relations. Il offre un confort selon les standards de l'armement avec un garage suffisant pour prendre du fret. Un excellent compromis », ajoute Jacques Prigent, directeur de l'armement de Brittany Ferries. Ce développement sur la péninsule ibérique est devenu un cap pour l'armement. Parlant de cet épineux sujet des autoroutes de la mer, Jean-Marc Roué est revenu sur les dernières propositions du BP2S à propos de l'Écobonus. « Ce dispositif n'est pas lourd, il est avant tout politique. Les aides au démarrage signifient que l'armement doit gagner de l'argent au bout de cinq ans. Ne peut-on pas imaginer un système qui permette de continuer l'exploitation d'une ligne sans pour autant financer le navire, mais inciter les routiers à venir sur la mer. La réponse est dans les Écobonus. Il s'agit d'un dispositif qui permet de continuer à développer le marché. »
Un plaidoyer pour l'Écobonus
Les objectifs fixés pour l'année 2010 sont relativement optimistes. « Le chiffre d'affaires est budgété à un niveau supérieur à celui de 2009. Nous avons bon espoir de l'atteindre au vu des réservations déjà enregistrées », a indiqué Jean-Marc Roué. L'armement va être pénalisé avec la parité entre l'euro et la livre sterling. « Un écart qui nous pénalisera en 2010 et vraisemblablement en 2011 », a continué le président du directoire. Et pour la directrice générale de l'armement, Martine Jourden, deux routes vont caractériser ce cap, celle de la rigueur et celle de l'audace. La rigueur parce que dans un contexte économique difficile, « nous devons faire la chasse aux coûts. » Celle de l'audace en allant de l'avant. La question se pose alors des investissements futurs. L'arrivée en 2007 du Cotentin, puis de l'Armorique en 2008 et du Cap-Finistère en 2010 démontre la volonté de l'armement de renouveler sa flotte. « Le prochain sur la liste est tout naturellement le Bretagne, navire de 21 ans. Nos navires sont exploités en moyenne sur 25 ans. Nous avons donc encore quelques mois avant de prévoir son remplacement mais nous commençons maintenant à y réfléchir parce que chaque navire est un prototype et nous avons besoin de répondre à des demandes spécifiques pour les ports et le type de trafic développé sur la ligne. »
Enfin, en marge de cette cérémonie, Jean-Marc Roué est revenu sur le dossier de SeaFrance. Le président du directoire s'est exprimé sur ce sujet dans les colonnes du Télégramme de Brest. « Le sujet est toujours d'actualité. Pour Brittany Ferries, cela permettrait d'être présent sur le détroit du Pas-de-Calais et de pouvoir desservir les régions de l'Est de la France et surtout Paris, une destination plébiscitée par les Britanniques ».
Le Cap-Finistère en quelques chiffres
Construit en 2001 par les chantiers allemands HDV
Longueur : 204 m
Largeur : 25 m
Capacité : 110 camions et 85 voitures
Capacité passagers : 1 500 avec 260 cabines dont huit de luxe.
Moteur : quatre moteurs Wartsila -Sulzer
Vitesse de croisière : 28 noeuds