Le port reprend espoir en son destin euroméditerranéen

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Marseille-Fos persiste et signe dans sa stratégie d'être la porte maritime sud de l'Europe. La géographie le veut ainsi. « C'est ce qui nous différence de Gênes ou de Barcelone, ports qui approvisionnent leur péninsule respective. Nous sommes les seuls à avoir une pénétrante sur l'Europe du nord », explique Raymond Vidil, président de Marseille-Europort lors d'un atelier dans le cadre de la semaine économique de la Méditerranée qui s'est tenue à Marseille. Le pdg de l'armement Marfret a trouvé un nouvel argument qui milite dans son sens : « l'écodistance ». Là où le transit time n'a pas été convaincant pour infléchir l'attraction des ports du range nord qui captent 70 % des échanges avec l'Asie, la nouvelle conscience environnementale pourrait devenir déterminante pour le bassin méditerranéen. D'autant que les armateurs ont appris à réduire leur vitesse.

« C'est vrai, Marseille a raté des rendez-vous. Il y a trente ans, celui des conteneurs. Mais la réforme des ports français qui a voulu remédier aux problèmes de fiabilité commence à porter ses fruits », insiste Raymond Vidil. Il en veut pour preuve l'attitude des dockers qui n'ont pas fait grève depuis 15 ans. « Lors des problèmes avec les agents du GPMM de Mourepiane, ils ont accepté au terme d'un accord secret que les portes-conteneurs se rapatrient sur le terminal de Fos. Une attitude impensable il y a deux ans encore. Les dockers pensent à la conservation des lignes et des trafics ». Autres éléments positifs, la scission de la CGT du GPMM entre bassins Est et Ouest, la fusion dockers-portiqueurs à l'Ouest, l'accord ente la CGT et la direction du GPMM à l'Est. « Le terrain social a évolué », conclut-il.

En EVP, Marseille souffre moins de la crise que ses rivaux

Si Jaap van den Hoogen, directeur de l'agence marseillaise de la CMA CGM, reconnaît volontiers ces faits, il tempère les enthousiasmes. Marseille-Fos ne sera jamais un port de transbordement pour des raisons de coûts. « Ici, 40 à 80 ¤ l'EVP, alors que certains ports chinois proposent actuellement 5 ¤ ». Son optimisme trouve sa source dans les dernières statistiques. « Pour les conteneurs, Marseille-Fos a moins souffert que ses rivaux méditerranéens. L'offre de transport est restée très stable. Les armements sont fidèles. 2009 devrait atteindre les chiffres records de 2007 ».

Dès lors, il était facile à Chantal Helman, directrice adjointe du GPMM de présenter l'ambitieux plan de reconquête des trafics qui s'étend jusqu'à... 2020. À cet horizon, les prévisions se rient de la crise. Reste qu'elles sont appuyées par un programme d'investissements, « un des plus importants d'Europe », de quelque 600 M¤. Sera t-il suffisant pour infléchir l'axe des flux en Méditerranée qui tend à descendre au sud suivant la ligne Damiette-Malte-Giao Tauro-Tunisie-Algérie Tanger Med ? Raymond Vidil reconnaît cette attraction vers le sud, mais évoque « la volatilité des choix des grands armateurs mondiaux ». Ces derniers seront-ils tentés de jouer la carte nord de la Méditerranée occidentale ? Ils seraient alors obligés de prendre l'atout marseillais. Raymond Vidil veut bien le croire. « Seul Marseille-Fos présente une porte largement ouverte sur l'Europe avec un acheminement quadrimodal (route, fleuve, rail et pipes line). Si les ports italiens et espagnols ont progressé ces dernières années, c'est que ces pays ont conservé leurs industries manufacturières contrairement à la France ». Chantal Helman évoque la « reconquête de l'hinterland » amorcée par le GPMM qui d'ici cinq ans compte faire passer sa part de marché sur l'Hexagone de 25 % à 30 %.

Comment gagner une partie des 120 000 remorques marocaines ?

En attendant d'assister au retournement de tendance des grands armements, Marseille-Fos a bien du mal avec les flux infra méditerranéens. Née en Asie, la crise mondiale des échanges a frappé dans cette zone avec un temps de retard. Et le Maghreb, longtemps chasse gardée du premier port de France, s'éloigne inexorablement de son orbite. Les dernières péripéties algériennes avec le durcissement des règles commerciales pointent cette réalité : il n'existe plus de position acquise, par l'histoire ou par la géographie. Calculant les sources potentielles de trafic, les acteurs marseillais finissent immanquablement par se tourner vers le Maroc. Les 120 000 remorques qui transitent par les routes d'Espagne pour gagner le marché européen, les font saliver depuis des années. La tentative de détourner une partie de ce trafic par CMA CGM n'est pas arrivé à entraîner les routiers. Pourquoi ? « Il ne faut pas chercher plus loin que l'instabilité sociale et le manque de fiabilité des ports français », explique Jean-Loup Velut, commissaire général de la marine un moment en poste à Casablanca.

C'est le premier péage à acquitter par une éventuelle autoroute de la mer. Mais il faudra faire également des efforts sur les coûts de passage. Raymond Vidil en convient. « On a trop longtemps appliqué aux lignes courtes (RoRo) les règles de la longue distance. Pour réussir, il faudra venir au concept du low cost ». La promesse d'un véritable aggiornamento pour le port phocéen qui a plutôt vécu de la rente de la position acquise.

Avec la réforme portuaire, Marseille-Fos aura t-il l'occasion de rebattre les cartes ? Pour Jaap van den Hoogen, « si les armements trouvent fiabilité et rapidité de traitement, il y a de grandes chances d'assister à un retournement en sa faveur ». « Depuis un an, il n'y a pas eu un seul jour de grève sur le terminal de Fos. Et CMA CGM et MSC s'apprêtent à s'investir sur Fos 2XL », note avec espoir le responsable de CMA CGM. Un sentiment partagé par de plus en plus d'acteurs du port phocéen.

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