Le port bute sur les nouvelles règles commerciales algériennes

Article réservé aux abonnés

L'onde de choc sur le port de Marseille a été brutale. L'entrée en vigueur par Alger d'une loi de finances complémentaire, qui rigidifie les modalités d'importation des marchandises et interdit de faire rentrer des engins de travaux publics d'occasion, a littéralement congelé les trafics avec l'Algérie en plein mois d'août.

Les bassins Est, vecteur des échanges interméditerranéens, a enregistré en août un « recul massif » de l'activité, assure Bernard Vidil. Le directeur général de la compagnie maritime Marfret évoque « le désarroi total » qui s'est emparé des professionnels du port. Des départs de navires desservant l'Algérie ont été suspendus, faute de marchandises. D'autres sont partis à moitié chargés. Août, traditionnellement un mois creux, a pris des allures de gouffre, accentué par le Ramadan. Un choc. Jusqu'à présent, la croissance des échanges maritimes avec l'Algérie faisait un pied de nez à la crise.

L'UMF demande de l'aide au secrétaire d'État au Commerce

Sans attendre la rentrée, Hervé Balladur, président de l'Union maritime et fluviale de Marseille-Fos qui représente quelque 300 entreprises du secteur portuaire, a adressé une lettre à la secrétaire d'État au Commerce Anne-Marie Idrac pour lui faire part de « l'inquiétude des professionnels français travaillant avec l'Algérie ». Il y indique que les mesures prises par Alger « menacent directement l'activité dans les bassins Est de nombre de nos adhérents ». Il précise que 35 % à 40 % du trafic y sont destinés à l'Algérie et que le chiffre d'affaires de certaines sociétés dépend même à 75 % de ces exportations. Dans cette même lettre, l'UMF de Marseille souhaite que la « France, 2ème partenaire mondial de l'Algérie, entame des négociations pour que soient trouvées des solutions intermédiaires à ces mesures radicales qui pénalisent l'Algérie comme la France ».

L'Algérie décide une réduction des importations

L'appel du président de l'UMF ne trouvera que peu d'écho de l'autre côté de la Méditerranée. Les mesures prises par Alger ont un ressort protectionniste que son gouvernement ne dissimule pas. Ce dernier cherche à ralentir de 5 % ses importations (39 Md$ en 2008), afin de rééquilibrer une balance commerciale mise en danger par la chute des cours pétroliers. Pourtant, bien que restrictives, les nouvelles règles visent pour certaines à faire entrer les actes commerciaux dans les standards internationaux ou tout au moins les assainir. La loi impose notamment aux importateurs algériens de recourir au crédit documentaire (CREDOC) pour régler leurs factures. Ainsi un dépôt de garantie de 25 % du montant de la transaction sera dorénavant exigé. Une grosse boule dans le jeu de quilles du marché de gré à gré et des arrangements qui se pratiquaient jusque-là. D'autres mesures surtaxent les services achetés à l'international (3 %) ou l'exportation de véhicules à cylindrée supérieure à 2 500 cm2 et d'engins TP neufs.

Ce n'est pas la première fois que des mesures d'ordre économique décidées par Alger sont jugées défavorables à l'activité du port de Marseille. Il y a quatre ans, une modification dans les règles d'exportation des véhicules d'occasion avait déclenché une vague, dont Marseille s'est depuis remis. Avec le temps, les sociétés marseillaises comme celles des autres pays devront s'adapter. Les professionnels algériens également. Encore plus impactés par les nouvelles conditions, ils ont eux aussi accusé le coup avec un fort ralentissement des trafics que Skikda, Ghazaouet et Annaba. Et leur système bancaire aura du mal à s'ajuster à la nouvelle donne.

Le port de Marseille ébranlé

La pilule est donc dure à avaler. À Marseille, elle se montre un peu plus amère. La décharge arrive à un moment très délicat de l'application de la réforme portuaire. « Très affectée, l'activité des bassins Est du port de Marseille, tournée en grande partie vers le Maghreb, va être mise en péril », s'alarme Bernard Vidil. Même son de glas chez les manutentionnaires. Michel Henry, dirigeant d'Intramar, se déclare « très inquiet pour le commerce marseillais dans son ensemble ». Bon nombre de petites entreprises qui se sont fait, au cours du temps, une spécialité du commerce avec l'Algérie, risquent de faire la culbute. L'Eldorado algérien va-t-il se convertir en mirage ? Le groupe CMA CGM, qui a fait de ce pays une de ses toutes premières bases méditerranéennes (150 000 EVP) devra certainement revoir sa copie et ses investissements. L'État français, qui poussait à la roue la coopération économique entre les deux pays, ne sera pas en reste. Anne-Marie Idrac a pris acte de la situation. La secrétaire d'État au Commerce s'est engagée à rencontrer les professionnels portuaires, lors de sa visite à Marseille fin septembre.

Le glas d'une époque révolue vient-il de retentir ? Grâce à sa richesse gazière et pétrolière, l'Algérie semblait à l'abri des secousses de l'économie mondiale. Il a suffi d'une simple modification des procédures administratives et bancaires des importations pour que le port de Marseille soit ébranlé dans ce qui constitue son fonds de commerce. L'an dernier, les échanges avec l'Algérie, son troisième partenaire, avaient progressé de 8 % pour atteindre 8,7 Mt dont plus de 80 % d'hydrocarbures. L'épisode vient de rappeler qu'il n'existe décidemment plus de position acquise.

Les Ports

Port

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15