Le port de Marseille a les yeux rivés sur le 3 avril, date à laquelle le plan stratégique du GPMM devrait être adopté par son conseil de développement. Depuis six mois, le document de 80 pages a été mûri dans le secret du cabinet de la direction générale. En octobre, Jean-Claude Terrier avait averti que le texte « ne serait pas une lettre au Père Noël ». Beaucoup d’agents s’attendent plutôt au père fouettard.
La partie prospective du document a perdu tout intérêt avec la crise. Aujourd’hui, l’exercice tient plutôt de la vision dans une boule de cristal. Tout récemment encore, Jacques Pfister, président de la CCI MP et membre du conseil de surveillance a critiqué « les chiffres qui rassurent, à l’inverse des experts qui inquiètent, mais c’est toujours faux ». Poursuivant sur les plans à cinq ans qui sortent chaque année, il accuse, « les chiffres en tant que tels n’ont pas de sens, ils sont remis sans cesse en question. » La partie « business plan » du projet stratégique semble du même tonneau. Les acteurs portuaires se répandent sur la place en évoquant le manque de corps, voire l’insuffisance des données.
Le transfert des personnels au cœur du document
En fait, et quoi qu’en dise son auteur et rapporteur, l’intérêt du projet stratégique tient en deux ou trois pages: celles qui détaillent le montage des transferts des personnels d’exploitation de l’établissement public vers le privé. Sujet de toutes les tensions et attentions, il provoque l’émoi des agents du terminal conteneurs de Mourepiane qui se battent depuis deux mois pour ne pas rejoindre Intramar, le manutentionnaire à qui ils sont promis. La résistance à la réforme effectuée à base de grève perlée, s’est poursuivie jusqu’au bout. La perspective d’être transférés dans une entreprise structurellement déficitaire et sur des bassins qui connaissent une hémorragie de trafics endémique, ne les réjouit guère. Leurs homologues des bassins Ouest promis au développement de Fos 2XL, 3 et 4XL sont mieux lotis car les deux manutentionnaires, Eurofos du groupe MGM et l’indépendant Seayard ont trouvé un accord.
La CGT divisée en deux
Cette double réalité, ce différentiel de développement et de culture vient d’être acté dans le dédoublement des sections syndicales de la CGT du GPMM, qui comporte désormais une section marseillaise et une autre à l’Ouest à la demande de ces derniers. Existante depuis toujours chez les dockers syndicalistes, cette séparation prend rendez-vous dans le futur éclatement de l’établissement. Elle s’abreuve également des corporatismes qui agitent le port depuis une dizaine d’années.
La lutte des agents d’exploitation de Mourepiane n’a pas créé de front syndical. Les dockers marseillais, trop préoccupés par le chômage technique qui sévit sur leur profession de la Joliette à l’Estaque, n’ont guère bougé. À vrai dire, si le groupe espagnol Boluda n’avait pas décidé de déserter les formes de radoub marseillaises, les troupes de Pascal Galéoté, chef de file de la CGT du GPMM, se seraient senties bien isolées sur Mourepiane.
Le retour de GDF2
Dans quelles conditions, le plan stratégique du GPMM sera t-il adopté le 3 avril? Et quelle sera la réaction des agents de Mourepiane mis devant le fait accompli? À ces deux questions répondent bien d’autres. Quand connaîtra-t-on l’identité des entreprises qui rejoindront la filière de l’activité pétrole conduite à 51 % par le GPMM? Quid du terminal GDF2 dont la mise en service est repoussée depuis un an et demi par GDF-Suez? Ce terminal privé pourrait apporter une revanche à l’UFIP.Il se murmure à voix de plus en plus haute que l’intention d’écarter de l’exploitation les agents du GPMM n’a pas varié depuis fin 2007. À l’époque, les agents de l’ex-PAM avaient bloqué les terminaux pétroliers pour l’empêcher. La victoire de la CGT n’avait fait que préparer le lit de la réforme portuaire. Et, aujourd’hui, GDF-Suez a bien l’intention de s’y coucher…