La crise mondiale a impacté les ports chinois de manière d’autant plus sévère qu’ils étaient en pleine expansion. Les terminaux conteneurs levés de terre ces dernières années sont confrontés à une chute des exportations sans précédent et à la fuite des investissements étrangers. Pour autant, l’extraordinaire plan de relance économique du gouvernement et certains indicateurs permettent un certain optimisme aux opérateurs quant à un rapide rebond.
Commencée lentement par une décroissance de 2 à 3 points mensuels entre août et décembre 2008, la tendance s’est brutalement emballée avec 2009. En février, les exportations chinoises ont chuté de 25,7 %. Ces chiffres ont été fournis lors d’un débat organisé à Marseille par l’Institut méditerranéen des transports maritimes par Shuo Ma, recteur de l’université de Malmö (OMI) et professeur d’économie et spécialiste à l’université de Shanghai dans le transport maritime. Ils sont corroborés par d’autres mauvais indicateurs.
Une surcapacité de 20 MEVP en 2010?
Les investissements étrangers qui ont permis la construction des terminaux des dernières années se sont brutalement effondrés fin 2008: de septembre (− 25 %) à décembre (− 54 %). Pire, lors d’une récente tournée des ports chinois, Shuo Ma a pu constater l’absence d’activité de certains terminaux, faute de navires. Dans un scénario catastrophe, un rapport du gouvernement chinois agite le spectre d’une surcapacité de 20 MEVP pour 2010. En 2008, les ports chinois ont traité quelque 126 MEVP, soit de 28 à 29 % du trafic conteneur mondial.
100 Md$ investis dans les ports chinois en 2009
Malgré la noirceur de ce tableau, l’optimisme quant à un rapide redressement économique surnage. Shuo Ma en puise les raisons dans d’autres indicateurs et la fermeté des décisions gouvernementales. Ainsi, le plan de relance mis en place par Pékin prévoit d’injecter 600 Md€ dans de grands travaux d’infrastructures, notamment en transport (voies ferrées, autoroutes et aéroports). Si les ports n’y figurent pas, c’est que leur gestion, entièrement décentralisée, dépend des collectivités locales (villes et provinces). Mais, avance l’universitaire, « le rythme des investissements portuaires ne va pas fléchir et égaler celui de 2008. Il devrait apporter plus de 100 Md€ », annonce-t-il. D’après des informations de presse, « des chiffres, forcément incomplets », 80 Md€ seront consacrés à 118 projets identifiés pour 2009. Les fonds proviennent pour 70 % de prêts bancaires consentis aux collectivités locales qui mènent le bal. Ils seront destinés, pour l’essentiel, à la construction de nouveaux terminaux pétroliers (import) et de vracs (export de charbon) comme à Tianjin où 1 Md€ sera injecté dans les infrastructures.
La relance se prépare
Le vice-ministre des Transports, Xu Zhu Yuan, a délivré récemment un message encourageant la poursuite des investissements portuaires pour lesquels « le gouvernement assurera des conditions favorables et justes ». Notamment pour les fonds locaux. Les investisseurs étrangers ont-ils compris le message? Les derniers chiffres de février indiquent une stabilisation dans la chute avec seulement − 15,8 % de recul. L’effet d’opportunité de la crise, la préparation de la relance sont-ils en train de jouer en Chine?
Shuo Ma y croit, d’autant que d’autres signes positifs se manifestent. Certes, les ports ne retrouveront pas la croissance de 2008, qui a vu Shanghai progresser de 17 % avec 27 MEVP. Après une inflation très forte de l’ordre de 6 % à 8 %, en février une déflation a été enregistré tandis que la production industrielle est repartie. Même phénomène sur ce même mois, la consommation électrique a fait de même après d’importantes baisses de tension. « Ces frémissements semblent indiquer que la machine repart. Les opérateurs se montrent optimistes et tablent sur une reprise en 2010-2011. » Après la politique du grand bond en avant, la Chine va t-elle rebondir et jouer le dragon anti-crise?
Avantage à la poussée internationale
Pourquoi l’extraordinaire croissance des ports chinois ne s’est pas accompagnée de la création de grands groupes portuaires? La loi votée en 2004 à Pékin a privilégié les investissements étrangers qui ont contribué, à base de coentreprises, à la construction des terminaux conteneurs. Le cas de DP World contrôlant 100 % d’un nouveau terminal est isolé. Gérés localement, les ports chinois ont mis à profit la concurrence des acteurs. « Il y avait tellement à faire localement que les opérateurs portuaires chinois n’ont pu aller voir ailleurs », commente le professeur Shuo Ma. Le groupe Hutchinson Whampoa présidé par Li Ka-shing reste un cas marginal. Par contre, la poussée des armements internationaux sur le rivage chinois a fait reculer les armements nationaux dans le classement mondial. Cosco et China Shipping ne représenteraient ainsi que 15 % du trafic de conteneurs du grand dragon asiatique. Avec la crise et la position forte occupée par les banques chinoises, cette donne pourrait changer.