Journal de la Marine Marchande: La crise a-t-elle eu des répercussions sur l’activité portuaire?
Jean-Louis Jérôme: Nous avons observé une diminution des trafics de matériaux de construction et de conteneurs à partir du mois de novembre. Mais il est difficile de faire une distinction entre la tendance de fond et les conséquences de la crise. Cependant, nous avons des inquiétudes liées aux industries présentes sur notre site. Ainsi General Motors qui fabrique des boîtes de vitesse automatique au Port autonome a programmé la mise en vente de son usine début 2009. L’entreprise qui emploie 13 000 personnes expédie une partie de ses marchandises par conteneur. Nous nous inquiétons également du devenir de l’usine chimique Rohm et Haas qui occupe une vingtaine d’hectares sur la zone portuaire de Lauterbourg.
JMM: Comment les trafics ont-ils évolué en 2008?
J.-L.J.: Les trafics ont totalisé 8,4 Mt tous modes confondus, ce qui correspond à une baisse d’environ 5 %. Cette évolution est principalement liée au recul du trafic des matériaux de construction. Il a chuté de 10 % pour atteindre 3 Mt en 2008. En revanche, le développement du trafic de conteneurs se poursuit. Porté par le ferroviaire, ce trafic a dépassé la barre des 280 000 EVP soit une croissance de 9,5 %! Par ailleurs, en matière de colis lourds, l’augmentation de capacité de notre terminal de 350 t à 450 t réalisée cet été va nous permettre de répondre à un marché de plusieurs pièces pour le compte d’Alstom au cours des prochaines années.
JMM: 2008 a été une année riche en investissement dans la logistique…
J.-L.J.: Oui, l’arrivée de Prologis qui a inauguré en septembre deux entrepôts de 18 000 m2 et 19 000 m2 sur le site du port, nous pousse à poursuivre la redynamisation de ce secteur en résorbant un certain nombre de friches. Nous voulons créer des unités d’une dizaine d’hectares d’un seul tenant en menant une sorte de remembrement. Nous avons l’avantage d’être propriétaire des terrains. Cela simplifie les choses sur le plan administratif. Ainsi, une dizaine d’hectares d’un seul tenant implantés bord à voie d’eau devraient être disponibles fin 2009.
JMM: Où en est le projet d’extension du terminal Nord?
J.-L.J.: Nous arrivons au bout de ce projet programmé sur trois ans pour un montant de 12 M€. Les appels d’offre pour la construction d’un portique ferroviaire et d’un second portique mixte sont lancés. Ce projet comprenait le doublement de la voie ferroviaire, l’augmentation des capacités de stockage, l’extension de la voie de roulement du premier portique et la construction d’un second. Il s’agit d’un investissement important, 50 % du trafic réalisé au terminal Nord étant ferroviaire. Avec l’arrivée de nouveaux opérateurs, mais aussi l’intérêt des clients pour expédier leurs marchandises via Le Havre et Marseille, le transport de conteneurs par voie ferrée a explosé à Strasbourg. D’ailleurs, nous sommes en négociations avancées pour mettre en place une liaison avec Dunkerque. Sur le Rhin, le trafic de conteneurs se maintient. Il souffre de l’engorgement des ports de la mer du Nord. En outre, nous avons subi la contre publicité des problèmes d’hydraulicité sur le Rhin observés en 2005 et 2006. Mais ces craintes ne se vérifient pas sur le long terme. Toutefois, pour mieux répondre à ces préoccupations, la CCNR (Commission centrale pour la navigation du Rhin) a programmé en juin un colloque consacré à l’influence des changements climatiques sur l’hydraulicité.
JMM: Comment vivez-vous la concurrence avec les ports allemands?
J.-L.J.: Au Nord, la concurrence avec les ports allemands de Karlsruhe, Wörth et Germersheim n’est pas exacerbée. Elle devrait l’être davantage au tournant de 2010 avec la mise en service du terminal à conteneurs de Lauterbourg. Justement, nous allons lancer prochainement un appel à des opérateurs pour la gestion de cet équipement. Avec Kehl (port situé face à Strasbourg sur l’autre rive du Rhin, Ndlr), malgré une légère concurrence sur le vrac, nous sommes surtout complémentaires. En effet, le cœur de trafic du port allemand demeure les produits métallurgiques et papetiers. Actuellement, nous discutons sur l’opportunité de créer un terminal en commun côté allemand.
JMM: Quels vont être les chantiers de l’année 2009?
J.-L.J.: Nous allons être très occupés par la reprise des voies ferrées sur la totalité du port. C’est un changement important. Techniquement, nous sommes quasiment au point et le dispositif législatif est prêt. Il devrait être groupé au paquet Grenelle 2 courant 2009. Actuellement RFF, la SNCF, le port autonome, ainsi que les clients se partagent la gestion des lignes. À terme, ces lignes appartiendront au port ou à ses clients. Pour nous, ce changement contribuera à ouvrir de nouvelles opportunités foncières, mais aussi à améliorer la qualité et le temps de transit notamment dans la partie sud du port moins bien desservie que le nord. Nous étudierons également l’opportunité de créer un opérateur ferroviaire de proximité, car aujourd’hui les grands opérateurs ne s’intéressent pas à la desserte fine du territoire. Mais avant, nous devons examiner le marché et nous assurer de la rentabilité d’un tel projet.