Cette décision coïncide avec plusieurs événements. D’une part, les grèves dans les ports autonomes français durent désormais depuis sept semaines. Le port septentrional français n’est guère touché et encore moins le terminal à conteneurs qui fonctionne sous un régime de commandement unique entre grutiers et dockers. Les responsables de l’armement français refusent de s’inscrire dans ce jeu du mieux disant social. « Cette escale à Dunkerque ne vient pas remplacer celles que nous réalisons sur le port du Havre avec ce service », assure Nicolas Sartini, vice-président du groupe en charge des lignes Europe-Asie. Un chiffre pour étayer son propos: avec trois escales par semaine, sur les sept semaines de grève au Havre, CMA CGM a continué d’assurer la quasi totalité des escales dans le port normand, vingt escales sur les 21 de prévues. « Dunkerque n’est pas une solution de rechange par rapport au Havre. Nous sommes un armement français et nous desservons les principaux ports français. Nos clients apprécient la continuité de nos services. Il n’est pas question, à aujourd’hui, de modifier cette stratégie. »
Grignoter les miettes
Pour la direction de CMA CGM, l’escale dunkerquoise grignotera les miettes des conteneurs transbordés au Havre et à Zeebrugge et notamment les nouveaux clients de ce service.
En fait, loin de choisir entre les deux ports, le groupe prend position dans un marché laissé libre par son concurrent danois, Mærsk Line. En effet, au mois de mars, le service entre l’Asie et l’Europe de Mærsk Line a cessé ses touchées dunkerquoises. La fin de ce dernier a amené les clients régionaux à se tourner vers l’armement marseillais pour voir revenir des navires qui assurent la rotation sur l’un des plus grands marché mondial actuel. « Il existe une demande à Dunkerque tant à l’import qu’à l’export sur l’Asie », continue Nicolas Sartini qui vise à capter le marché des sociétés de la grande distribution qui installent leurs entrepôts ans la région – Décathlon doit s’installer sur Dourges.
En outre, ce service offre une liaison directe avec les ports du Moyen-Orient, notamment Beyrouth et Djeddah, celui-ci faisan office de hub d’éclatement pour les trafics destinés à la région. Fort de ces avantages, le groupe CMA CGM estime le potentiel de cette nouvelle escale à plus de 1 000 EVP par touchée. Un chiffre optimiste, les escales réalisées par le précédent service sur l’Asie, l’AE10 de Mærsk Line, n’ayant jamais atteint ce niveau.
En amarrant un premier service à ce port, CMA CGM arrive aussi avec ses projets en matière de transport terrestre. L’armement souhaite démarrer, dès la première escale du service Fal 3, le 5 août, une liaison fluviale entre Dunkerque et la plate-forme de Dourges. L’exploitation et la commercialisation de cette ligne seront assurées par la filiale du groupe, RSC (River Shuttle Company) qui alignera une barge d’une centaine de conteneurs. « À terme, nous souhaitons avoir deux départs par semaine depuis Dunkerque vers cette plate-forme », indique le responsable de l’armement. Et de ses cartons, RSC sort également des projets d’escales sur d’autres plates-formes fluviales comme Lille et Valenciennes. Un service qui viendra remettre dans le lit du canal les liaisons au préalable assurées par NCS (Nord Container Service), dont les ports de Lille et Dunkerque assuraient conjointement l’exploitation.
Alimenter le marché britannique
Parallèlement, CMA CGM songe à utiliser le port septentrional pour assurer des dessertes ferroviaires avec le Royaume-Uni. L’idée est de bénéficier de la proximité du tunnel sous la Manche pour pouvoir alimenter le marché intérieur britannique et notamment les grands centres industriels de l’île, comme Birmingham.
Autant de projets font augurer que cette escale n’est que le premier pas d’une marche vers le nord. « Un service c’est bien mais nous sommes venus pour le développer. Nous n’envisageons pas, à court terme, de nouvelles escales de services avec l’Asie sur ce port », a précisé Nicolas Sartini.
Chargeurs: un acteur majeur à Dunkerque
« CMA CGM est un acteur majeur du conteneur et une compagnie qui a notre confiance depuis plus de dix ans. L’escale à Dunkerque est donc bien accueillie », commente Pascale Joseph, directrice logistique de Redcats, et administrateur du PAD. « Avant que Mærsk ne se retire, nous avions des volumes à Dunkerque et nous les avons retirés à contrecœur. Cette escale est un gros atout. Je suis confiante dans la collaboration qui va s’établir entre les chargeurs et le port de Dunkerque. L’effort de la communauté portuaire et la paix sociale sont récompensées, quoique, encore pas suffisamment. » Techniquement la position de l’escale va permettre aux chargeurs de la métropole lilloise « de gagner en souplesse et en temps, et de profiter de nouveau de la procédure douanière fluvio-maritime », souligne encore la professionnelle.
« Cette nouvelle nous réjouit et donne un nouvel horizon au terminal à conteneurs », note François Soulet de Brugières, président du conseil d’administration du PAD et animateur de la synergie des enseignes du groupe Mulliez dans le domaine logistique. « La présence du premier transporteurs français et numéro 3 mondial du conteneur incite fortement les chargeurs français à s’en rapprocher. Nous avons garanti à CMA CGM les mêmes volumes qu’avec l’escale précédente (ndlr, le service Mærsk AE10), voire mieux », ajoute-t-il. « L’escale est bien placée. Il ne manque que Shanghai dans la rotation, mais ce port peut être servi en transbordement. L’ajout d’un service de barge est un plus. Notre groupe est déjà un gros client de RSC », conclut-il.