Le patronat demande une mise en œuvre de la réforme avant l’été

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La réforme portuaire? Tout et tout de suite. C’est en substance le message que les patrons marseillais cherchent à faire passer. Au bout d’un mois de conflit avec la CGT, ce nouveau volontarisme cache mal une double inquiétude. Celle de devoir composer dans le bras de fer engagé avec les syndicalistes. De plus en plus d’entreprises montrent en effet des signes d’épuisement à cause de la désorganisation de l’activité portuaire. Et celle de voir les parlementaires de la majorité baisser les bras devant la pression exercée par les agents des ports autonomes (et, sans doute, de certains ports peu habitués à pareille épreuve).

Résultat, lors d’une conférence de presse menée par Stéphan Brousse (Medef) et Marc Reverchon (UMF et CCI), l’urgence a été sonnée. Comme en 2005, une cellule de crise a été montée par la CCI pour venir en aide aux entreprises en difficulté. « Nos entreprises ne tiendront pas jusqu’à l’été et encore moins jusqu’à la fin octobre. Il faut que la mission Cousquer s’achève le 30 juin. Sinon les ports français seront guéris, mais les entreprises seront mortes », a développé le duo patronal. Les témoignages d’entrepreneurs (voir encadré) pris à la gorge sont venus appuyer leurs dires.

Les mêmes qui étaient partis l’an dernier, à la faveur de la présidentielle, sur le front de la réforme portuaire la fleur au fusil, sont aujourd’hui à pied d’œuvre devant les obstacles du terrain. À commencer par la véritable guerre des tranchées menée par les troupes syndicales. « Le mouvement est extrêmement dur et pénalisant. Le ralentissement du rythme de travail est destructeur. On ne parvient pas à traiter la moitié du volume. Au bout d’un mois, un conteneur sur 20 est récupéré », indique Marc Reverchon. On regretterait presque le conflit frontal des années 2005 et 2007 qui avaient connu blocage des accès portuaires et exactions. Stéphan Brousse évoque « la perversion » de la tactique de grèves perlée et du zèle mis en œuvre. « Et ils sont même payés », s’exclame le responsable du MEDEF.

Si les nouvelles du front sont plutôt dures – la CGT affirme qu’elle peut tenir encore longtemps –, le moral des lignes arrières préoccupe également le patronat marseillais qui n’hésite pas à distinguer une « dérive » chez les parlementaires. Marc Reverchon évoque comment « de manière insidieuse, à coup d’amendements, le projet de loi est en train d’évoluer ». N’est-on pas en train de dévoyer le texte et les orientations d’origine? s’interrogent les représentants des chefs d’entreprise marseillais. La filialisation de secteurs d’activité est notamment désignée comme un de ces compromis qui n’ose pas dire son nom. « D’un port autonome, on va en créer une dizaine. D’exception, la filialisation devient la règle. » De quoi justifier leur appel à la « vigilance » et leur volonté d’en finir au plus tôt.

Échauffourées sur le Vieux-port

Tout a commencé le 20 mai, jour de grève nationale, comme une banale manifestation devant l’Hôtel de ville où agents du PAM et dockers demandaient à être reçus par les édiles municipaux. Antoine Montoya, l’un des responsable CGT entendait réclamer que « les garanties concernant les transferts du personnel au privé soient inscrites dans la loi ». Cela s’est terminé par des échauffourées avec les forces de l’ordre. Les cafés du Vieux port ont été obligés de fermer leur devanture. Après cinq semaines de conflit, la tension est loin de retomber. C’est la première fois que le conflit va jusqu’à l’affrontement avec les forces de l’ordre.

La détresse des chefs d’entreprise

Le port de Marseille fait ses comptes. Suivant la direction du PAM, le mois de conflit qui agite les terminaux hydrocarbures et conteneurs aurait coûté « un peu plus d’un million d’euros ». Quelque 50 escales de navires aurait été perdues, ce qui représenterait en volume de trafic 35 000 conteneurs, l’équivalent de deux semaines de trafic, et 11 000 t de produits pétroliers.

Ces chiffres bruts ne traduisent pas la détresse dans laquelle se trouvent aujourd’hui les entreprises portuaires, et au-delà les sociétés d’import-export. Tel spécialiste de l’événementiel se désespère. En provenance d’Asie, ses conteneurs d’objets promotionnels pour la coupe d’Europe de football viennent de faire leur apparition à Livourne après s’être évanouis de la circulation pendant cinq semaines. Va-t-il rater leur commercialisation? Cette PME marseillaise qui vend des fixations métalliques n’a réceptionné qu’un seul de la vingtaine de conteneurs qui l’approvisionnent de Chine. Si la situation ne s’améliore pas, elle devra déposer le bilan le 15 juin. Les transporteurs routiers ne sont pas logés à meilleure enseigne. « Les sociétés qui traitent les conteneurs vont verser dans le fossé entraînant des centaines d’emplois ». Même s’il traite depuis longtemps depuis Anvers, cet important importateur de fruits et légumes de la place chiffre le surcoût du détour à 15 centimes du kg pour le consommateur local. Les conteneurs destinés à Marseille se retrouvent éparpillés entre les ports de Gênes, La Spezia, Barcelone (où il arrive que les pneus des camions français soient crevés), Valence, voire Malte ou Damiette, assure un transitaire de la place qui plaint « les PME qui se battent pour exporter ». L’incompréhension gagne cet industriel de la chimie: « Avec la filialisation, rien ne change. C’est un coup d’épée dans l’eau. » Un certain fatalisme fait son chemin dans l’esprit des entrepreneurs. « Vais-je léguer à mes enfants, une situation encore plus dégradée que celle que m’a laissé mes parents? », s’inquiète cet armateur. « C’est toujours la même chose. On va finir par capituler et le port s’appauvrit un peu plus », diagnostique un autre patron. Avant d’ajouter « On en vient à souhaiter que le port meure pour qu’il renaisse de ses cendres. Je ne reviendrais plus jamais sur le port de Marseille. »

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