Le 15 janvier, au plus fort de la chute des vracs secs, le Baltic Capesize Index, qui observe les taux pour les navires de ce type, a chuté de 7,05 % en un jour. Il est retombé à un niveau que les opérateurs n’avaient pas connu depuis cinq mois. Les pointes enregistrées au mois de novembre sont loin. Depuis lors, les indices reviennent à la hausse, mais sans revenir au niveau plafond atteint en novembre. À qui la faute? Les craintes de diminution de la production industrielle en Chine n’expliquent pas tout. Selon un responsable de Louis Dreyfus Armateurs, dont une partie de son activité s’étend sur l’affrètement de navires de vracs secs, cette tendance est avant tout liée à la production de charbon et de minerais de fer. Certains éléments montrent que le mois de janvier a cumulé plusieurs facteurs aggravants. D’une part, le minier brésilien CVRD (Companhia Vale de Rio Doce) a subi des avaries sur un quai de chargement entraînant l’annulation de nombreuses cargaisons de minerai de fer. Dans le même temps, en Australie, au Queensland, les inondations exceptionnelles ont sérieusement perturbé les exportations de charbon du port de Newcastle. « Ces éléments n’empêchent pas que la demande en charbon demeure en forte croissance. En quelques mois, cette commodité est passée de 56 $/t à 116 $/t. Le marché reste dirigé par le charbon et le minerai de fer », continue d’expliquer le responsable de l’armement français. De plus, en Chine, les stocks dans les ports affichent complet en raison des conditions météorologiques défavorables dans l’intérieur du pays. Le Nouvel An chinois a eu un impact à la baisse augmenté du chaos dans lequel un hiver exceptionnellement rigoureux a plongé les centrales thermiques et la chaîne logistique ferroviaire chinoises. Avec la baisse de la production et la saturation des stocks de charbon, nombre de navires sont venus alimenter un marché de l’affrètement qui manquait sévèrement, depuis plusieurs mois, de capacité de cale.
La question demeure de savoir si cette tendance va se confirmer dans les prochaines semaines. Un premier élément de réponse réside dans les commandes de navires. Quelque 70 nouveaux navires capesize sont attendus en 2008. Le marché attend plus de 200 nouvelles unités chacune des deux années suivantes.
Le marché est largement gouverné par l’offre de fret. Dès lors que les productions minéralière et charbonnière rencontrent des difficultés de production, et donc ne pourront pas assumer l’occupation de tous les navires du marché, les taux de fret risquent de continuer à baisser. Et pour l’avenir, personne n’ose se risquer à faire des pronostics.
Les investissements réalisés ces dernières années par les sociétés minières doivent démontrer maintenant leur efficacité par une augmentation de la production. Dès lors que les réalisations ne sont pas à la hauteur des sommes engagées, la situation pourrait perdurer. Viennent ensuite les conséquences des tergiversations boursières des producteurs de charbon. L’OPA de BHP Billiton sur Rio Tinto pourrait réduire, pendant un temps, la capacité d’auto-investissement du groupe. Les contre-attaques du chinois Chinalco pourraient influencer un retournement vers un repli sur soi, et donc voir les projets d’investissements remis sine die.
Dans ces conditions difficiles, les opérateurs font montre de prudence. La filiale de Louis Dreyfus Armateurs, spécialisée dans le vrac sec, Cetragpa, a mené une stratégie qui semble lui avoir réussi. Au cours de ces trois dernières années, pendant la montée en flèche des taux de fret, l’armateur a vendu une partie de sa flotte. Avant de s’engager à nouveau, l’armement attend une baisse des prix des navires. « En attendant que le prix des navires revienne à un niveau que nous jugeons raisonnable, nous développons notre activité en recourant à des affrètements de moyen et long termes », souligne François-Olivier Braunschvig.
Avec la hausse vertigineuse des taux de fret en 2006 et 2007, la profession des armateurs aux vracs secs a vu arriver de nombreux nouveaux venus voulant prendre une part du gâteau. Mais avec les premiers effets de la crise et sans une gestion fine de leur trésorerie, ces opérateurs pourraient disparaître. Et à défaut, ils seraient à même d’entraîner dans leur chute des banques. Sans que cela ait le même impact que la crise des « subprimes », des armements peuvent en effet laisser des ardoises conséquentes dans certaines banques, ces dernières renforcent aujourd’hui leur vigilance.