Logistique: la France est à la traîne de l’Europe du Nord

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Le 5 novembre, la Banque mondiale a diffusé son étude intitulée "Connecting To Compete; Trade Logistics in the Global Economy; The Logistics Performance Index and its Indicators". L’idée est de comparer et de classer les pays qui disposent des infrastructures de transport les mieux entretenues et des procédures commerciales les plus "prévisibles" et les plus efficaces. Les mieux classés sont ceux qui, selon les auteurs, sont les plus à même de profiter des avantages technologiques, de la libération de l’économie et de l’accès aux marchés internationaux.

"La plus grande source de frais, ce ne sont pas vraiment les coûts de transport (notamment les taux de fret), les redevances portuaires et les frais de manutention, les frais liés aux formalités (comme les cautionnements) ni même les honoraires des agents de transports et les paiements informels, c’est la prévisibilité, la fiabilité et la qualité des services qui sont bien plus importantes que le coût", souligne Jean-Louis Arvis, l’un des quatre coauteurs. "Ce qui importe le plus, c’est la fiabilité de la chaîne d’approvisionnement; le fait que les marchandises soient livrées à temps", ajoute Monica Alina Mustra.

Environ 800 transitaires et transporteurs express, spécialistes de la logistique internationale et originaires de cent pays classés, ont répondu, dans le cadre d’une enquête réalisée via internet, à des questions telles que la compétence des courtiers en douane ou des fournisseurs de services de transport ferroviaire, le respect des délais de dédouanement et d’expédition de marchandises, ainsi que la survenue d’activités criminelles ou les paiements pour obtenir des renseignements (pots-de-vin).

Les sondés devaient évaluer la facilité d’expédier des marchandises entre leur pays de travail et huit partenaires commerciaux dans sept catégories:

• l’efficacité du processus de dédouanement par les services douaniers et autres autorités frontalières;

• la qualité des infrastructures de transport et des technologies de l’information pour la logistique;

• la facilité à organiser des expéditions internationales à un coût abordable;

• la compétence de l’industrie locale de la logistique;

• la capacité à suivre et à localiser les chargements internationaux;

• les coûts logistiques sur le plan national (transport);

• le respect des délais de livraison;

Les personnes interrogées ont également dû évaluer leur expérience en termes de performance logistique, d’environnement et d’institutions à l’appui des opérations logistiques dans le pays où elles travaillaient dans les catégories suivantes:

• le coût du fret direct;

• la qualité des infrastructures de transport et des technologies de l’information;

• la compétence en matière de prestation de services liés aux intrants dont a besoin le personnel logistique;

• la performance du processus de dédouanement pour les exportations et les importations;

• l’étendue des pratiques pouvant affecter la performance logistique.

LE COÛT ÉLEVÉ DES TRANSPORTS EN FRANCE

L’indice de performance logistique classe la France à la 18e position avec un score de 3,76 contre 4,19 à Singapour (1er); 4,18 aux Pays-Bas (2e) et 4,10 à l’Allemagne. L’Italie arrive en 22e position avec 3,58 et l’Espagne occupe le 26e rang avec 3,52. Dans le détail, cela n’est guère plus réjouissant. Selon les critères (douane, infrastructure, exportations, compétence logistique, suivi, coûts logistiques internes ou encore respect des délais de livraison), la France navigue entre la 16e et la 23e position. Singapour hésite entre le 1er et le 2e rang; les Pays-Bas entre la 1re et la 5e place;

l’Allemagne entre la 3e et la 8e.

Plus l’on descend dans le détail, plus on comprend pourquoi les centres de distribution s’installent dans le nord de l’Europe (voir encadré). Selon l’enquête, le taux de contrôle physique des marchandises par les douanes est de 7 % en France contre 2 % en Allemagne et 3 % en Belgique et aux Pays-Bas. Il faut 1,6 jour pour dédouaner une marchandise en France contre 0,6 jour aux Pays-Bas, 0,7 en Allemagne et un jour en Belgique. Dans la moitié des cas, une marchandise est livrée en 4,5 j. en France, contre 2,4 j. en Allemagne. Mais le pire est à venir, le "typical charge" pour un conteneur de 40′ est de 1 189 US$ en France contre 298 $ aux Pays-Bas, 500 $ en Belgique et 806 $ en Allemagne. La définition de ce critère est la suivante: coût total de transport, services portuaires compris. Faut-il comprendre que le pré-achemiment fait la différence? À l’import, les chiffres sont les mêmes sauf pour les Pays-Bas où le 40′ "moyen" se paie 364 $.

40 % DE CHARGEURS COMPÉTENTS

Ce rapport de 40 pages est principalement destiné à illustrer la difficulté des pays en développement à accéder aux marchés mondiaux à moindre coût. Accessoirement, il permet aux pays développés d’une même zone, de se comparer et de "procéder aux améliorations qui s’imposent". À quand, donc, une grande réforme des Douanes?

Dans les annexes, figurent des résultats surprenants. À la question "évaluez le niveau de compétence des professions suivantes dans votre pays de travail", les chargeurs et réceptionnaires des pays à hauts revenus obtiennent 40 % des réponses favorables ou très favorables; et les commissionnaires de transport, 59 %. En d’autres termes, 60 % des estimations concernant les chargeurs ou réceptionnaires, sont au mieux "neutres", voire négatives.

Si la compétence des transporteurs aériens des pays riches bénéficie de 62 % estimations favorables ou très favorables, loin devant les chemins de fer (24 %), celle des compagnies maritimes n’est pas soumise à la question.

Le 15 novembre, le JMM demandait par courriel à Jean-Louis Arvis de bien vouloir préciser les éléments constituant ce coût. Le 20 novembre, l’auteur n’a pas répondu.

Une réforme portuaire française serait-elle suffisante?

Pour justifier le besoin de réformer certains aspects des ports autonomes, Claude Gressier l’un des coauteurs du rapport remis aux ministres des Transports et de l’Économie avant l’été, souligne volontiers que les grands centres de distributions de produits nord-américains ou asiatiques semblent éviter de s’implanter en France (JMM du 12-10-2007, p. 4). L’étude de la Banque mondiale permet de mieux comprendre pourquoi. Pour autant, la principale cause de ce piètre résultat réside-t-elle bien dans l’actuelle confusion des fonctions régaliennes et commerciales des ports autonomes? En transférant par un moyen ou un autre, une partie des portiqueurs aux manutentionnaires aura-t-on bien réglé la plus importante partie du problème? Sans même parler de la convention collective de la manutention qui rémunère mieux les dockers grutiers que ne le sont les portiqueurs des PA.

Si l’on met à part les pays de la zone franc et la Grande-Bretagne, on constate que près de la moitié des tonnages d’exportations françaises de 1959 et 1960 vers l’outre-mer étranger ne sont pas partis des ports français”, écrivait en 1962 Lucien Poirier, auteur pour le compte du Conseil économique et social, d’une étude sur la situation des ports français dans le marché commun. Hallucinant de “modernité”.

M.N.

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