Sale temps pour les grands porte-conteneurs

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Dans le cadre de la conférence exposition Saferseas, qui s’est tenue à Brest du 9 au 12 octobre, une table ronde sur les "nouveaux défis liés au développement du transport par porte-conteneurs" était organisée. En fait, le thème réellement abordé était celui de la sécurité des grands porte-conteneurs (PC) à partir du cas concret du sauvetage du MSC-Napoli en janvier dernier.

Le sauvetage d’un PC est plus difficile que celui d’un pétrolier chargé, soulignait Christian Quillivic, représentant Les Abeilles International. L’Abeille-Liberté et l’Abeille-Bourbon avaient remorqué, barre bloqué sur un bord, le MSC-Napoli jusqu’à son échouement sur une plage sableuse du Dorset. Grâce à son grand tirant d’eau, le pétrolier est plus stable, alors que le PC a une nette tendance à se mettre travers au vent. Il n’existe aucune règle internationale imposant aux grands PC de disposer d’un gréement de secours afin de faciliter le passage d’une remorque entre le navire et le remorqueur, regrettait Christian Quillivic. Pour tenir un PC bout au vent, il faut que l’avant résiste à une traction pouvant aller jusqu’à 600 t, poursuivait-il. Or rien n’est formellement prévu en la matière. Depuis des années, il attire donc l’attention sur la nécessité de prévoir, dès la construction, le renforcement de la structure ainsi que l’installation d’un dispositif facilitant la prise de remorque. Cela rappelle le Braer (voir ci-contre).

LES DANGEREUX NON DÉCLARÉS

Autre sujet de préoccupation du sauveteur, les cargaisons dangereuses non déclarées, surtout si celles-ci réagissent "mal" à l’eau. Sur un PC désemparé, dans le mauvais temps, avec un désarrimage partiel de pontée, l’équipe qui doit passer plus ou moins difficilement la remorque, n’a pas réellement besoin de se dire qu’à tout moment, peut se produire une explosion causée par un produit non déclaré. Ce point souligné, Christian Quillivic n’avait pas de proposition à faire. D’autant qu’existe l’obligation faite au chargeur de déclarer correctement la nature et le poids des marchandises empotées. Sa responsabilité pénale peut être recherchée. 15 % des dangereux ne seraient pas déclarés, rappelait Grégory Le Bot, responsable contentieux marchandises chez Delmas, au Havre. Ce dernier semble assez préoccupé par la qualité du saisissage/arrimage des marchandises à l’intérieur du conteneur. Autre antienne.

3 500 T DE PLUS

Le problème récurrent du poids réel des boîtes a été de nouveau souligné par le jeune cdt Baumier, membre de l’Association française des capitaines de navires. Commandant d’un gros PC, il a constaté jusqu’à un "surpoids" de 3 500 t par rapport aux prévisions du shipplaner.

Par ailleurs, il refusa d’appareiller après s’être aperçu qu’une partie de la pontée n’avait pas été correctement saisie. Si sa compagnie l’invita fermement à ne pas en faire toute une histoire, les pressions les plus fortes vinrent de l’opérateur du terminal qui voulait libérer son quai pour traiter un autre navire. Pilote et remorqueur finalement annulés, le manutentionnaire dut reprendre la pontée. Quelle capacité de résistance aurait réellement opposé un commandant originaire d’un pays en développement, s’interrogeait publiquement Raphaël Baumier.

Au chapitre des vœux, le préfet maritime d’Atlantique Xavier Rolin demandait que le plan de chargement de tous les PC dans le monde soit issu du même logiciel afin d’accélérer le traitement des manifestes cargaison en cas d’urgence. La nuit "complète" pour accéder au manifeste du MSC-Napoli et l’exploiter, notamment en ce qui concerne les dangereux, a laissé un mauvais souvenir. Il n’y a pas de grue dont la portée permettrait de traiter la pontée d’un 11 000 EVP, soulignait Robin Middleton, représentant le ministère britannique des Transports, d’autant qu’aucun port britannique ne peut recevoir un tel navire. "Big is not always beautiful", concluait-il.

Entendu à Saferseas

– L’enseignement supérieur maritime respire encore. Une conférence sur l’avenir de l’enseignement supérieur maritime se tiendra début décembre à Paris, a indiqué Michel Aymeric, directeur des Affaires maritimes, représentant le secrétaire d’État aux transports Dominique Bussereau. Après plusieurs années d’inaction politique et administrative, il s’agirait d’annoncer de grandes choses, a précisé Michel Aymeric.

– Silencieuse, mais éclatante victoire de Total. Lors de la session sur "les enseignements du procès de l’Erika", pas une seule fois, ne fut prononcé le nom de l’affréteur au voyage du pétrolier, même pas par les représentants des trois parties civiles qui prirent la parole.

– La peur du gendarme paie. Les sévères condamnations prononcées par le tribunal de grande instance de Brest ont eu un effet dissuasif si l’on en juge par la baisse du nombre de pollutions détectées, a conclu le procureur de la République, Xavier Tarabeux. Celui-ci a rappelé qu’en droit français, toutes les formes de preuve de pollution sont admises jusqu’à preuve du contraire. Ce qui n’est pas le cas au Canada, a expliqué Gordon Campbell, représentant de l’Agence spatiale européenne. En effet, dans une affaire de pollution supposée volontaire aux hydrocarbures, un tribunal canadien a refusé de prendre en compte une photo satellite montrant le navire à proximité d’une traînée. Un problème de légitimité de l’expert chargé de décrypter la photo. Toutes les charges contre le navire furent abandonnées.

– La sécurité maritime est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls experts. Ainsi a-t-elle fait l’objet d’une réflexion du "réseau transnational Atlantique"; réflexion cofinancée par le Feder. Après trois ans de travail, les 14 membres de ce réseau d’acteurs socio-économiques régionaux concluaient, entre autres nécessités, à celle de renforcer la position européenne par une représentation unique de l’Union européenne à l’OMI. Il était également jugé nécessaire de faire disparaître le plafond d’indemnisation dont bénéficie l’armateur et d’assurer un meilleur contrôle des conditions de travail des équipages, ajoutait Alain Even, président du Conseil économique et social de la région Bretagne. Deux ans plus tard, qu’en est-il? "Notre rôle est d’émettre un avis et d’assurer le suivi de cet avis", a répondu Alain Even.

– Les régions: un aiguillon pour l’État."L’État reste l’unité de base de la gouvernance maritime", a rappelé Élie Jarmache, chargé de mission auprès du SG mer et surtout chargé de la synthèse du colloque. Mais "le niveau régional est le niveau approprié de la perception du risque et de ses conséquences", a-t-il poursuivi.

Interlocutrice "légitime" de l’État, la Région a un rôle "d’aiguillon" de ce dernier. Au point de demander la dilution de sa représentativité à l’OMI? Élie Jarnache a suggéré explicitement que soit conduite une analyse comparative de la valeur ajoutée produite par la Commission européenne si d’aventure il était réellement question qu’elle représente les États membres à l’OMI.

– Formation souhaitable sur porte-conteneurs CMA CGM. De remarques informelles en commentaires anonymes, il semble qu’un certain nombre d’officiers de la Marine nationale ait une compréhension perfectible de l’exploitation d’un porte-conteneurs et de la réelle possibilité du bord d’agir sur les pontées. Osons une proposition: tout officier devant avoir un rôle actif dans l’action de l’État en mer (AEM) devra suivre un stage d’une semaine à bord d’un porte-conteneurs durant, par exemple, sa tournée dans le Nord-Europe. La CMA CGM a largement participé à un remarquable effort de vulgarisation du transport maritime conteneurisé en ayant accueilli les équipes de tournage de l’émission Thalassa. Elle pourrait trouver son compte à assurer une partie de la formation continue de l’AEM.

Michel Neumeister

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