Un navire peut être une cible ou une arme", a déclaré Xavier Tarabeux, procureur de la République adjoint auprès du tribunal de grande instance de Brest. Pour le magistrat brestois, l’attaque d’un navire aurait des conséquences considérables. Et pour faire face à cette menace, l’OMI a mis en vigueur le code ISPS sur la sûreté des installations portuaires et des navires. L’arsenal juridique pour la répression des actes illicites s’étend sur plusieurs niveaux: international et national. Mais se prémunir contre les attaques terroristes suppose des investissements. Une étude menée par un consultant néerlandais, Koppies & Stevens, sur "le coût incident des mesures de sûreté" a montré l’importance du paramètre économique. Selon ce rapport, la sûreté se finance par trois voix. En premier lieu, il s’agit d’augmenter les tarifs portuaires par une taxe sur l’activité: sur le navire par l’armateur, sur la marchandise ou sur les passagers. La vente de badges d’accès est un second moyen de la subventionner. Enfin, ce financement peut être intégré dans les tarifs généraux des ports (droits de port) ou par les opérateurs (tarifs de manutention). Ces différents moyens ont été abordés par Bruno Vergobbi, délégué général de l’Upaccim (Union des ports autonomes et des CCI maritimes). Et selon l’étude du consultant néerlandais, une nouvelle voix pourrait être trouvée avec l’attribution de subventions.
UN CONCEPT COÛTEUX
Aborder l’aspect financier de la sûreté signifie a fortiori de mesurer le coût de ce concept. Bruno Vergobbi a cité le chiffre de 60 000 €/ha, pour sécuriser le terminal. Pour chaque EVP manutentionné, la sûreté est estimée à 3 €.
Quant à l’investissement par navire, il est évalué, selon l’enquête menée par le consultant néerlandais à 98 109 €.
Dans les faits, la sûreté se paie à des tarifs plus élevés. Ainsi, selon le délégué général de l’Upaccim, les taxes de sûreté s’élèvent entre 8 euros et 15 € par conteneurs pleins, selon le terminal. Pour les autres types de marchandises, cette taxe est déterminée en fonction de la longueur du navire. Elle peut varier de 40 € à 1 700 € Et Bruno Vergobbi cite les chiffres que l’armement Mærsk Line applique à Rotterdam par EVP. Il varie de 8 € lorsque le niveau de sûreté est au premier échelon à 12 € pour la seconde marche.
Avec ces enjeux économiques, des sociétés perçoivent l’intérêt qu’elles peuvent en retirer. Laurence Redon, spécialiste des systèmes RFID d’IBM, est venue présenter le "Trec": un "verrou" électronique apposé sur un conteneur qui sert de sceau. D’abord, il permet de localiser le conteneur en mer et de savoir si la boîte a été ouverte pendant le voyage ou a subi des chocs.
Véritable "mouchard", il présente un avantage lors de l’arrivée au port. "Si le conteneur n’a pas été ouvert et n’a subi aucun choc, les douanes seront moins enclines à le scanner ou l’ouvrir. un gain de temps pour passer les contrôles à l’arrivée", explique Laurence Redon. Un avantage qui a un coût non négligeable puisque le prix de ce "sceau électronique" est de 1 000 €. Quand un conteneur s’achète aux environs de 2 000 €, investir 1 000 € pour un sceau électronique peut apparaître un peu exagéré.
La sûreté n’a pas de nationalité
Au cours de ce colloque, une table ronde sur la nationalité de l’agent de sûreté à bord des navires a permis de confronter les idées des armateurs et des marins sur le code ISPS. Dirigeants d’armements et représentants de marins s’accordent pour reconnaître que le code ISPS a été rédigé par des personnes qui ne connaissent pas forcément les métiers maritimes. Dans son introduction, le professeur Jean-Pierre Beurrier a rappelé que la nationalité peut avoir un intérêt dans certains cas. Il a cité l’exemple de ce navire qui, confronté à un incendie, a vu chaque membre de son équipage revenir à sa langue maternelle. Doit-on alors imposer une nationalité de l’agent de sûreté à bord? Au groupe CMA CGM, Frédéric Fave, responsable sûreté, explique que ce sont les commandants qui assument cette fonction. Ce marin joue un rôle d’animateur, l’armement lui donne les outils pour réaliser ces tâches. Sa nationalité n’a donc pas de lien avec le pavillon. “Le commandant va déléguer des tâches de sûreté à certains des marins, comme à la personne qui surveille la coupée ou celle qui procède à une ronde à bord.” Frederik Van Wijnen, secrétaire général de la Confédération européenne des associations de commandants de navires (Cesma), refuse de faire reposer cette tâche sur les épaules du commandant. “Il est responsable de l’ensemble du navire. ces tâches doivent être réparties”, a expliqué le secrétaire général de la Cesma.