L’organisme public Puertos del Estado, qui dépend du ministère du Développement, a déposé un recours en annulation auprès du ministère du Travail. Plusieurs autorités portuaires (Cadix, Carthagène et Gijon), ainsi que deux syndicats minoritaires (Commissions ouvrières et UGT) et l’entreprise privée EBHI (European Bulk Handling Installation) en ont fait de même. Tous réfutent le "IVe accord sectoriel de régulation des relations du travail dans le secteur de la manutention portuaire", signé le 26 juillet par l’organisation patronale espagnole de la manutention Anesco et le principal syndicat, la Coordinadora estatal de trabajadores del mar.
Puertos del Estado remet plus particulièrement en cause deux éléments de l’accord. Il s’agit d’abord de la représentativité de l’organisation patronale Anesco. Puertos del Estado estime qu’en aucun cas cette organisation ne peut prétendre signer un document de ce type en tant que représentant de la profession. Le deuxième élément concerne l’introduction dans la convention collective des activités portuaires dites "complémentaires", c’est-à-dire celles qui dépassent le strict cadre de la manutention (magasins, transports à l’intérieur du port, etc.). Puertos del Estado estime que les entreprises et les salariés appartenant à ces activités ne peuvent pas être couverts par cet accord.
LA LIBÉRALISATION AU CŒUR DU PROBLÈME
En fait, la crise actuelle ne peut pas être comprise sans tenir compte du contexte général du système portuaire espagnol. La loi de réforme du système portuaire, votée en 2003 lorsque José Maria Aznar (Parti populaire) était chef du gouvernement, avait pour but de libéraliser les institutions. Ce texte prévoyait, notamment, la dissolution des entreprises publiques de manutention, dans lesquelles les autorités portuaires détiennent 51 % du capital, et qui sont chargées essentiellement de la fourniture de personnel aux manutentionnaires privés. Ces entreprises devaient être remplacées par des Associations portuaires d’intérêt économique (APIE), à capitaux majoritairement privés. Toutefois, quatre ans après le vote de la loi, les entreprises publiques sont toujours là et aucune APIE n’a pu être constituée à ce jour.
Le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, au pouvoir depuis mars 2004, a tenté, sans succès, de faire voter une nouvelle réforme, d’inspiration moins libérale. Résultat, le système voulu par la réforme de 2003 reste en vigueur, mais il n’est pas appliqué. Et cela crée un imbroglio juridique sans précédent dans ce pays.
Comment en sortir? Les parties attendent maintenant l’avis du ministère du Travail. Si celui-ci admet le point de vue de Puertos del Estado, l’Anesco aura le choix entre porter l’affaire devant les tribunaux ou faire marche arrière. "Nos avocats étudient les recours présentés", dit-on au siège de l’organisation patronale à Madrid, où l’on se déclare "surpris" que Puertos del Estado ait présenté un recours. "Cet organisme n’étant pas légitimé pour le faire." Pour ce qui est d’une éventuelle nouvelle négociation, l’Anesco précise: "Il faudra d’abord connaître l’avis du ministère du Travail."
Cette crise se produit au moment où les utilisateurs du système portuaire espagnol, principalement les armateurs, demandent avec insistance une amélioration du fonctionnement des installations. Selon eux, la forte croissance du trafic de conteneurs ne doit pas masquer le niveau excessif des coûts et une flexibilité insuffisante.
Certaines compagnies ont rappelé, tout récemment, les avantages, principalement salariaux, du nouveau port de Tanger Med. Un moyen comme un autre de faire pression sur les ports espagnols.