Des files de camions s’étirant sur des dizaines de kilomètres? C’est la vision qu’offrent parfois certains ports brésiliens. Aujourd’hui, l’essor du commerce extérieur se heurte à la faiblesse des investissements publics, durant une vingtaine d’années, dans le secteur. "Les ports sont des goulets d’étranglement logistique. Depuis les débuts de la privatisation des ports en 1995, les terminaux à conteneurs ont investi 903 M$ pour moderniser et développer leurs installations. Les entrepreneurs privés ont fait leur part. Il revient maintenant au gouvernement de remplir ses obligations", déclare Sérgio Salomão, président exécutif de l’Association brésilienne des terminaux à conteneurs d’usage public.
UN DIAGNOSTIC CLAIR
La plupart des ports du pays – 35 ports publics et 128 privés – souffrent d’accès terrestres insuffisants, saturés ou de piètre qualité. Selon l’hebdomadaire brésilien Veja, seulement 8 % des routes nationales sont asphaltées et la majorité d’entre elles sont en mauvais état. "Les accès terrestres représentent notre principal problème. La traversée de São Paulo et la circulation interne du port sont critiques en raison du trafic", souligne Fabrízio Pierdomenico, directeur commercial et du développement de la Codesp (Companhia Docas do Estado de São Paulo), qui administre le port de Santos.
Le manque de dragage et la profondeur des bassins nuisent aussi à la compétitivité des terminaux. À Santos, les porte-conteneurs et les vraquiers ne peuvent opérer qu’à 80 % de leurs capacités, estime le Syndicat des agences de navigation maritime de l’État de São Paulo. "Les navires doivent attendre que la mer monte pour accoster dans certains ports. D’autres utilisent un bac afin d’emporter la cargaison en haute mer où le navire reste", explique Paulo Fleury, directeur du centre d’études logistiques Coppead. D’après une étude récente de la Coppead-UFRJ, la majorité des ports brésiliens peut accueillir des navires de 3 000 ou 4 000 EVP nécessitant un tirant d’eau de 12,4 m. En revanche, de gros investissements devront être réalisés pour recevoir les unités dépassant les 5 000 EVP. Le port de Santos, par lequel transit 26 % du commerce extérieur et plus grand port d’Amérique latine, espère d’ailleurs disposer d’un canal de 15 m de profondeur d’ici à 2010.
Les lourdeurs administratives constituent le troisième handicap portuaire. Les conteneurs sont inspectés par chaque autorité fédérale (Police fédérale, ministère de l’Agriculture,…), dont les locaux et les horaires diffèrent. Selon l’étude Deloitte "Commerce extérieur: défis pour la débureaucratisation", 68 % des 187 entreprises interrogées affirment que la libération des marchandises dans les ports nécessite entre 2 et 10 jours. 19 % d’entre elles avancent une durée encore plus longue, comprise entre 11 et 20 jours.
En 2004, le gouvernement Lula avait effleuré cette situation délicate avec le programme d’investissements Agenda Portos. "Cet agenda a été plus une démonstration de bonnes intentions qu’un ensemble de mesures effectives", note Sérgio Salomão.
DES BONNES INTENTIONS À L’ACTION?
Cette année, le gouvernement paraît sortir de sa torpeur. En janvier dernier, il a présenté son plan d’accélération de la croissance (PAC): 175 Md€ seront investis dans l’énergie, la logistique et l’urbanisme pendant les quatre prochaines années. En mai, le Secrétariat spécial des ports a vu le jour: le PAC lui accorde un budget de près de 1 Md€ d’ici à 2010, dont 175 M€ pour 2007. Ce que les détracteurs du projet jugent insuffisant.
La priorité annoncée par le ministre du Secrétariat spécial, Pedro Brito, est la rénovation et la professionnalisation de la gestion portuaire. Le port de Santos, par exemple, affiche un déficit de plus de 280 M€. Concernant les accès terrestres, certains travaux d’importance semblent en bon chemin. "La construction d’une route périphérique autour de São Paulo devrait être achevée d’ici quatre ans. Au sein du port, un corridor express devrait être effectif vers 2009", signale Fabrízio Pierdomenico. Sur le chapitre du dragage, le gouvernement compte modifier le système des concessions: désormais, il s’agira d’une prestation continue d’entretien durant une période de cinq ans, renouvelable une fois et ouverte aux entreprises nationales ou internationales. Enfin, pour lutter contre les lenteurs bureaucratiques, le ministre réfléchit à la création de centres intégrés réunissant les diverses autorités fédérales.
Fin 2007, le gouvernement aura achevé une radiographie détaillée des ports du pays. Des plans d’action ciblés pourront alors être arrêtés.
Santos, le port de tous les records…
En août, la Coppead-UFRJ a rendu public un classement des ports brésiliens. Santos y figure parmi les quatre ports les pires du pays en termes de logistique et de délais, devant Fortaleza, Vitória et Salvador. Le port souffre en effet de handicaps certains, comme des accès terrestres saturés et une profondeur de bassins insuffisante. "Santos connaît des problèmes proportionnels à sa taille (comparable à Marseille ou à Gênes), et au manque d’investissements publics ces vingt dernières années, ce qui limite sa croissance, mais ne l’empêche pas d’être le plus important au Brésil", déclare Fabrízio Pierdomenico, directeur commercial et du développement de la Codesp (Companhia Docas do Estado de São Paulo).
Cependant, Santos a enregistré en juillet dernier les plus gros volumes de son histoire avec plus de 7,5 Mt. “Durant les sept premiers mois de l’année, nous avons atteint près de 46,5 Mt, soit une croissance de 9,2 % par rapport à juillet 2006. Les importations, en augmentation de 20 %, représentent 33,2 % du total, et les exportations 66,8 % (31 Mt)”, indique Fabrízio Pierdomenico. Et ce dernier entend bien finir 2007 avec 81 Mt. À l’export, le sucre remporte les volumes les plus importants avec près de 7,2 Mt sur les sept premiers mois, une hausse de 8,5 %. Il est suivi par le soja qui perd 13,6 % à 5,4 Mt. Et avec 15,46 Mt, les conteneurs constituent le tiers du trafic global. Quant aux importations, le charbon arrive en tête (1,8 Mt), talonné par les engrais (1,6 Mt) et le blé (1,3 Mt). Depuis janvier, ces volumes ont connu des croissances respectives de 13,9 %, 83,3 % et 57,6 %.
Selon le directeur, le plus dur est passé: “Le gouvernement fédéral et les autorités portuaires débloquent enfin les investissements qu’ils auraient dû faire il y a vingt ans.” Reste un enjeu de taille: le code ISPS. “La plupart des ports brésiliens courent après le temps pour mettre en place ce plan de sûreté. À Santos, il faut que cela soit prêt ce semestre, un vrai défi”, affirme Fabrízio Pierdomenico.
V.B.