Lors d’une visite en Europe fin août, Yung- Fa Chang a précisé à la presse que ses navires resteront de l’ordre de 8 000 EVP. "En 40 ans de métier, j’ai vu beaucoup de soubresauts sur les marchés, poursuit-il, le transport maritime est cyclique et lorsqu’une crise surviendra, les opérateurs de grands navires vont particulièrement souffrir. L’excellente période en cours ne peut durer indéfiniment. Il faut conserver des navires au moins à moitié pleins pour garder la tête hors de l’eau. En cas de crise, les navires de plus de 10 000 EVP sont très exposés."
Créé en 1968 avec un seul navire par Yung-Fa Chang, Evergreen est devenu un groupe international, actif également dans les transports aérien et routier, les opérations portuaires et l’hôtellerie. L’armement Evergreen Marine Group, plus connu sous le nom d’Evergreen Line, reste son métier d’origine avec plus de 150 navires totalisant environ 560 000 EVP. En juin, il a pris livraison du 9e navire de 7 024 EVP d’une série de 10 construits au chantier japonais Mitsubishi Heavy Industries. Le président du groupe est très fier de ces navires, "les meilleurs du point de vue de l’environnement". IIs peuvent être alimentés en électricité directement dans les ports de Californie. De plus, leur double coque et l’emplacement des réservoirs de fioul entre les cloisons transversales minimisent les risques de pollution, en cas d’échouement ou de collision.
CONSTRUIRE BON MARCHÉ
Par ailleurs, Evergreen Line dispose déjà de huit navires de 8 073 EVP.
"Personnellement, j’aurais préféré des unités de 6 000 EVP, indique Yung-Fa Chang, mais les gens du marketing m’ont demandé de monter à 7 000 EVP puis à 8 000 EVP."
Quelques jours auparavant, le courtier AXS-Alphaliner avait évalué à 14 094 EVP la capacité de l’Emma-Mærsk, plus grand porte-conteneurs au monde et coté normalement à 13 000 EVP.
Deuxième armement mondial jusqu’en 2002, Evergreen Line se trouve aujourd’hui derrière Mærsk, MSC et CMA CGM, qui commandent tous des navires de plus en plus grands. "Le classement est immatériel, continue Yung-Fa Chang, le plus important est de conserver sa marge bénéficiaire. Nous préférons rester prudents, plutôt que de rattraper les autres et de nous lancer dans la frénésie de la construction."
Interrogé sur la réduction des coûts grâce aux grands navires, il répond: "On n’a pas besoin de construire grand pour les diminuer si on construit bon marché". Il rappelle qu’Evergreen Line a commandé 35 navires de 2 728 EVP quand les prix étaient bas et a ainsi fait une bonne affaire. "La communauté maritime s’est moquée de nous, mais nous avons été les derniers à rire. Lorsque la série a été livrée, le marché s’est retourné et nous nous sommes retrouvés au sommet de la vague."
Toutefois, il admet un besoin urgent "d’au moins 60 navires de plus" entre 2 000 tpl et 4 000 tpl, mais n’est guère enclin à commander, en raison des prix actuellement "prohibitifs". Il envisage plutôt l’ouverture en 2011 d’un chantier en Chine, en partenariat avec les autorités locales. La cale devra être suffisamment grande pour construire simultanément 4 navires de 2 000 EVP.
Pas de rachat d’entreprises en vue
Lors de ce voyage, Yung-Fa Chang a expliqué que la croissance d’Evergreen par des acquisitions n’est pas à l’ordre du jour, car “l’intégration est toujours difficile”. Il rappelle que dans les années 1990, Evergreen avait racheté l’armement italien Lloyd Ttriestino “à la demande de mon ami Romano Prodi (actuel chef du gouvernement italien), mais on s’est bientôt aperçu qu’il était mal géré et manquait de communication interne”. La situation a évolué avec l’embauche de jeunes cadres italiens sous les ordres de quelques directeurs de Taïwan. Enfin, pour simplifier les connaissements, surtout dans les ports asiatiques, Lloyd Triestino a été renommé Italia Maritima puis Evergreen Marine (Italia) et, en Grande-Bretagne, Hatsu Marine est devenu Evergreen Marine (UK).
